À propos des menaces sur la liberté d'expression. Quelques notes provisoires.

Demetrio Fernández, évèque de Cordoue, tient du cardinal Antonelli que l’Unesco a un plan pour que, dans 20 ans, la moitié de la population mondiale soit homosexuelle :

« El “ministro” de la familia en el gobierno del Papa, el cardenal Antonelli,  me comentaba hace pocos días en Zaragoza que la Unesco tiene programado para los próximos 20 años hacer que la mitad de la población mundial sea homosexual. Para eso, a través de distintos programas, irá implantando la ideología de género, que ya está presente en nuestras escuelas.
Es decir, según la ideología de género, uno no nacería varón o mujer, sino que lo elige según su capricho, y podrá cambiar de sexo cuando quiera según su antojo. He aquí el último “logro” de una cultura que quiere romper totalmente con Dios, con Dios creador, que ha fijado en nuestra naturaleza la distinción del varón y de la mujer.« 

Ce genre de propos et d’autres s’en rapprochant (« l’homosexualité constitue une véritables plaie », « la homosexualidad constituye una auténtica plaga »), ont conduit le député socialiste Hurtado à saisir le procureur (la Fiscalía) pour un possible délit d’incitation à la haine dans le chef de l’évèque. Sa plainte a été classée sans suite.
En Islande, par contre, la Cour suprême -Hæstiréttur-, a condamné deux personnes ayant formulé des critiques virulentes au sujet des cours d‘éducation sexuelle dispensés dans les écoles de la ville de Hafnfjörður (voir ici, ici et ici). Dans un cas, les cours portant sur l’homosexualité étaient comparés à de la pédophilie et, dans l’autre, les cours étaient qualifiés de dégoûtants.
En France, madame Boutin, qui avait déclaré :

« L’homosexualité est une abomination. Mais pas la personne. Le péché n’est jamais acceptable, mais le pécheur est toujours pardonné. » Condamnée à 5 000 euros d’amende pour « provocation à la haine ou à la violence »

vient d’obtenir de la Cour de Cassation l’annulation de sa condamnation.
En France, encore, le ministre de l’éducation, Jean-Michel Blanquer, a annoncé de façon solennelle devant l’assemblée nationale qu’il poursuivrait le syndicat SUD 93 pour avoir employé des expressions telles que « racisme d’État » ou « racialisé ». L’annonce faite par le ministre lui a valu une longue ovation et des applaudissements de la presque totalité des députés. J’ai estimé digne d’intérêt de comparer la démarche du ministre Blanquer avec l’affaire CDC, qui a agité les États-Unis et nécessaire de faire une proposition de lettre à l’intention du ministre.
En France encore, dans une affaire récente, la 4ème chambre de la Cour administrative de Versailles a confirmé la décision du tribunal administratif de Montreuil de valider la résiliation de la convention de stage d’un médecin au motif que la barbe de ce dernier était trop longue, imposante, pour reprendre les mots du jugement, commenté ici. Les barbes sont violemment persécutés en Chine aussi.
Dans un autre registre, en Espagne, on a vu croître de façon exponentielle les poursuites pour incitation à la haine dont seraient victimes les forces de l’ordre. Pour de nombreux juristes, il s’agit là d’une interprétation contraire à la Constitution, car le délit en question est destiné à protéger des minorités vulnérables, ce qui n’est le cas des forces de police en Espagne. Des blagues sur Carrero Blanco (le successeur désigné de Franco qui fut tué par l’ETA), vieilles de 40 ans font l’objet de poursuites et la jeune femme qui les avait diffusées sur Twitter a été condamnée à un an de prison et à sept ans d’interdiction des droits civiques (inhabilitación absoluta) : voir ici et ici. On peut aussi signaler les poursuites dont a fait l’objet le rappeur Pablo Hasel pour ses twits et chansons. Par contre, le journaliste Nicolás Salas peut faire l’apologie des crimes de masse commis par le général Queipo del Llano sans être inquiété :
Dans un article récent, la députée de Podemos Beatriz Gimeno s’inquiète de l’expansion incontrôlée du délit de haine :

Se ha producido una expansión incontrolada de lo que se llaman delitos de odio que ni siquiera deberían llamarse así.

Le magistrat et professeur de droit Pasquau Liaño remarque que la criminalisation de l’expression est inefficace et réclame une réforme du code pénal pour préciser le périmètre du délit d’incitation à la haine en en limitant l’étendue.
Dans une note récente, j’ai cherché à appliquer les recommandations de Pasquau Liaño au cas de l’imaginatif évêque de Cordue. J’arrive à la conclusion que les déclarations de ce dernier ne méritent pas les honneurs des tribunaux. Appliqués au cas de madame Boutin, ces principes raisonnables conduisent à penser que l’annulation de sa condamnation est appropriée. Qu’en est-il des lois mémorielles qui répriment le négationnisme de certains génocides et pas d’autres ?
Après ce parcours rapide, la position de Pasquau Liaño et de la députée Gimeno me paraissent les plus raisonnables.

PS : Je propose que soit institué un concours littéraire d’anticipation intitulé, Monseigneur Demetrio Fernández, vingt ans après ou Monseigneur Demetrio Fernández, son œuvre, vingt après. Le recours à la fiction paraît ici plus pertinent que l’appel aux tribunaux.