Les démonstratifs, les singes et les extraterrestres.

Chers élèves,
Nous avons parlé des DÉMONSTRATIFS.
Nous avons observé que ce sont des mots particuliers : on ne peut les comprendre qu’accompagnés d’un geste.
Un interlocuteur qui, bras croisés, vous dirait vous regardant droit dans les yeux :

« Donne-moi ça ! »

ne devrait pas s’attendre de votre part qu’à de la perplexité. Au mieux, je veux dire.
Par contre, s’il veut montre l’objet auquel « ça » renvoie, vous l’aurez compris. Libre à vous, ensuite, de lui donner « ça » ou pas…
Nous avons noté un tableau qui présente le système des démonstratifs en espagnol. En dernier lieu, nous avons mis les démonstratifs neutres : ESTO, ESO, AQUELLO. Ces démonstratifs présentent une singularité supplémentaire : ils désignent des objets sans en préciser le nombre et le genre. Imaginez qu’un extraterrestre arrive sur notre planète et que, voyant un livre, un objet qui n’existe pas dans son monde, il veuille vous demander ce qu’est l’objet en question. Il aura besoin d’un démonstratif. Mais, celui-ci ne pourra être ni masculin, ni féminin, ni singulier, ni pluriel… il faudra qu’il soit NEUTRE. Il aura besoin, en français, de mots comme ceci, cela ou ça. Et, en espagnol, de ESTO, ESO ou AQUELLO.
Nous avons aussi remarqué que le système espagnol est fort rigoureux : on ne dira jamais je suis , à la place de je suis ici.
En fait, le système espagnol, on peut le décrire en disant qu’il y a trois niveaux d’éloignement définis par les pronoms personnels sujets :
Le premier niveau (este, esta, estos, estas, esto) correspond à ce qui est près de moi qui parle.
Le deuxième (ese, esa, esos, esas, eso) corrrespond à ce qui est près de toi, avec qui je parle.
Le troisième (aquel, aquella, aquellos, aquellas, aquello) correspond à ce qui est près de lui (ou d’elle) dont nous parlons.
Et nous avons mis en rapport cette façon d’organiser l’espace avec les adverbes de lieu AQUÍ, AHÍ, ALLÍ.
Vous avez trouvé cette rigueur de l’espagnol merveilleuse. Je vous ai invités à imaginer un dialogue entre deux extraterrestres qui traverseraient l’espace sidéral à la recherche d’un bon système de démonstratifs pour en doter leur civilisation. À l’évidence, ils préféreraient la rigueur du système espagnol au manque de précision du système français.
… En fait, ce n’est pas comme ça qu’on peut juger des performances de telle ou telle langue, de telle ou telle structure. Si un extraterrestre va trop vite, son coéquipier aura sans doute l’occasion de le critiquer.
Dans votre dialogue, vous pourriez partir d’une situation qui montrerait à quel point cela serait handicapant de ne pas avoir de démonstratifs : l’un des extraterrestres demande à l’autre de lui donner un objet et, comme il ne peut pas le montrer, il doit décrire de façon précise sa position et ses caractéristiques.
Ah, et rappelez-vous que rien n’empêche que les extraterrestres aient lu l’article de Tomasello dont je vous ai parlé, qui explique que les singes, ne savent pas montrer du doigt: Why don’t apes point?
PS : Un aveu. Les choses ne sont pas, en réalité, aussi simples. La répartition des démonstratifs en espagnol n’est pas aussi rigoureuse que je l’ai prétendu. Disons que décrire le système comme je l’ai fait est un bon début. Il faudra, vous le verrez plus tard, affiner.