Recel et dumping écologique : lettre au Procureur du Roi de Bruxelles.

À Bruxelles, le samedi 18 mai 2019.

Monsieur le Procureur du Roi,

Je porte à votre connaissance les faits suivants :

1. Des fruits rouges sont produits illégalement en Espagne et, selon mes informations, commercialisés en Belgique.

2. L’illégalité de ces productions découle du fait que certaines exploitations se situent dans des terres non-agricoles et/ou du fait que les plants sont arrosés avec de l’eau, ressource publique, captée illégalement.

3. La Commission européenne a assigné l’Espagne devant la Cour européenne de justice pour non-respect de ses obligations de protection des zones humides de Doñana. La Commission écrit notamment :

(…) de grandes quantités d’eau sont détournées à la fois pour l’agriculture et pour les besoins des touristes locaux, ce qui entraîne un effondrement du niveau de la nappe1

Je note que l’article 505 du code pénal dispose :

« Seront punis d’un emprisonnement de quinze jours à cinq ans et d’une amende de vingt-six euros à cent mille euros ou d’une de ces peines seulement :

1° ceux qui auront recelé, en tout ou en partie, les choses enlevées, détournées ou obtenues à l’aide d’un crime ou d’un délit ;

2° ceux qui auront acheté, reçu en échange ou à titre gratuit, possédé, gardé ou géré des choses visées à l’article 42, 3°, alors qu’ils connaissaient ou devaient connaître l’origine de ces choses au début de ces opérations; 3° ceux qui auront converti ou transféré des choses visées à l’article 42,

3°, dans le but de dissimuler ou de déguiser leur origine illicite ou d’aider toute personne qui est impliquée dans la réalisation de l’infraction d’où proviennent ces choses, à échapper aux conséquences juridiques de ses actes ;

4° ceux qui auront dissimulé ou déguisé la nature, l’origine, l’emplacement, la disposition, le mouvement ou la propriété des choses visées à l’article 42, 3°, alors qu’ils connaissaient ou devaient connaître l’origine de ces choses au début de ces opérations.

La captation sans autorisation d’eau est réprimée par l’article 247 du code pénal espagnol2.

Il me faut conclure que le commerce qui a lieu sur le sol belge de fruits rouges produits dans des terres non-agricoles et arrosés avec de l’eau volée tombe sous le coup de l’article 505 du code pénal.

À titre subsidiaire, j’observe que l’inexécution par l’État espagnol de ses obligations octroie un avantage sélectif à certains producteurs et constitue une aide d’État au sens de l’article 107 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui interdit ce type d’aides3.

L’inaction de la Commission européenne en la matière expose donc les producteurs belges travaillant sur des terres agricoles et payant l’eau qu’ils utilisent à une concurrence déloyale.

Je vous prie d’agréer, monsieur le procureur, l’expression de mes salutations les meilleures.

S. Nowenstein

1Voir http://europa.eu/rapid/press-release_IP-19-466_fr.htm

2Art. 247 du code pénal espagnol : 1. El que, sin hallarse autorizado, distrajere las aguas de uso público o privativo de su curso, o de su embalse natural o artificial, será castigado con la pena de multa de tres a seis meses.

3J’ai alerté des producteurs belges de fruits rouges de cette situation.