Note du 14 juillet 2017 : on peut consulter ici la lettre du 21 mai 2017 par laquelle je soumettais à monsieur le ministre Blanquer mon analyse. Cette lettre est restée sans réponse.
Tweet du ministre Darmanin : Quid de l’obligation de dénonciation de l’enseignant?
À Lille, le 20 mai 2017.
Si je suis Maire de #Tourcoing, je ne célébrerai pas personnellement de mariages entre 2 hommes et 2 femmes.1
Gérald Darmanin, maire de Tourcoing et ministre de l’Action et des Comptes publics.
Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs.
Art. 40 du code de procédure pénale.
Cette note est une réflexion théorique qui surgit de la préparation d’un travail en EMC portant sur les discriminations. Je m’y demande si la déclaration de monsieur Darmanin citée en exergue fait naître l’obligation chez l’enseignant qui en acquerrait la connaissance dans l’exercice de ses fonctions d’en informer le Procureur en application de l’article 40 du code de procédure pénale.
Nous partirons d’une lettre hypothétique par laquelle l’enseignant saisirait le Procureur, que nous discuterons après. Appelons X l’enseignant, situons-le à Paris et datons la lettre de ce jour :
À Paris, le 20 mai 2017.
Madame/Monsieur le Procureur,
1. L’article 402 du code de procédure pénale fait obligation à tout fonctionnaire d’informer sans délai le Procureur de la République de tout crime ou délit dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions.
2. Monsieur Anthony Taillefait, professeur de droit public, déclare dans le journal Libération3 :
Qu’un agent de l’État dise dans la presse qu’il ne respecte pas la loi, c’est un acte sanctionnable. C’est d’ailleurs ce qui peut être reproché à ces maires qui annoncent aujourd’hui ne pas vouloir marier des couples homosexuels.
3. Le code pénal réprime la discrimination et le fait de faire échec à la loi (références plus bas).
4. Monsieur Darmanin, Gérald, ministre, a écrit et publiquement diffusé sur le réseau Twitter que, lui maire de Tourncoing, il ne marierait pas des personnes du même sexe. Il n’a pas supprimé ce message pendant son mandat et n’est pas revenu, à ma connaissance, sur sa déclaration.
5. J’ai eu connaissance des déclarations du ministre Darmanin dans l’exercice de mes fonctions, pendant que je préparais un cours d’enseignement moral et civique sur les discriminations frappant les homosexuels.
6. Par conséquent, je suis dans l’obligation, aux termes de l’article 40 du Code de procédure pénale, de porter à votre connaissance, monsieur/madame le Procureur, les déclarations du ministre Darmarin.
Je vous prie d’agréer, monsieur/madame le Procureur, l’expression de mes salutations dévouées et républicaines.
Monsieur/Madame X,
professeur.
Discussion.
1. De l’article 40 du code de procédure pénale.
L’article 40 du code de procédure pénale vise les délits et les crimes et non les contraventions. Les deux derniers requièrent le non-respect d’une règle de loi. Ils sont punis par des peines de prison. La question est de savoir si les déclarations de monsieur Darmanin enfreignent ou non une loi.
2. De l’article 225-1.
L’article 225-1 du code pénal qualifie de discrimination toute distinction opérée entre les personnes sur le fondement -entre autres- de leur orientation sexuelle. L’article 225-2 punit la discrimination d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsqu’elle consiste (alinéa 4) à subordonner la fourniture d’un bien ou d’un service à une condition fondée sur l’un des éléments visés à l’article 225-1. Le fait que le service soit fourni par une autre personne, par délégation du maire, par exemple, ne paraît pas devoir supprimer la discrimination, en ceci que la subordination initiale ou de principe n’est pas effacée par le fait que le service soit in fine fourni. En d’autres mots : la discrimination commise par le maire n’est pas effacée par l’acte ultérieur de son mandaté éventuel4. En outre, la validité d’une délégation fondée sur la répugnance, publiquement proclamée, de surcroît, qu’aurait une personne dépositaire de l’autorité publique à appliquer la loi de la République est douteuse, comme on le verra dans le paragraphe suivant.
3. De l‘article 432-1 du code pénal et de l’article 2122-18 du code général des communautés territoriales.
L’article 432-1 du code pénal dispose :
Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique, agissant dans l’exercice de ses fonctions, de prendre des mesures destinées à faire échec à l’exécution de la loi est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
Le message de monsieur Darmanin est-il destiné à faire échec à la loi ? On peut penser que l’adverbe « personnellement » indique que les mariages seront prononcés, mais par d’autres que le maire, l’article L2122-18 du code général des communautés territoriales permettant, en effet, la délégation :
Le maire est seul chargé de l’administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et, en l’absence ou en cas d’empêchement des adjoints ou dès lors que ceux-ci sont tous titulaires d’une délégation à des membres du conseil municipal.
Cependant, une délégation s’opérant au motif de la répugnance publiquement proclamée d’un maire à appliquer la loi de la République serait contraire au principe de légalité56 et, par conséquent, probablement non valide. On ne saurait certes pas préjuger de la manière dont les tribunaux pourraient apprécier ce type de situation7, mais il semble clair que le refus affiché d’un maire d’exécuter la loi lorsque ses administrés homosexuels voudraient convoler est pour le moins de nature à faire naître une insécurité juridique injustifiée et discriminatoire dans le chef de ces derniers. On peut donc penser que les déclarations du maire sont -a minima- des mesures destinées à rendre plus difficile l’accès au mariage aux couples homosexuels et, par là, à faire échec à la loi.
4. De la facilité à supprimer un tweet et des tweets que le ministre a supprimés.
Supprimer un tweet ne revêt pas de difficulté particulière :
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Le ministre Darmanin a déjà supprimé des tweets, si l’on en croit la radio Europe 1, qui donne deux exemples9 :
Honte à Emmanuel Macron qui insulte la France à l’étranger : « la colonisation de la France était un crime contre l’humanité ».
Crachats inacceptables d’Emmanuel Macron sur la tombe des français tirailleurs, supplétifs, harkis morts pour une France qu’ils aimaient.
Si, devenu maire de Tourcoing, Gérald Darnamin avait voulu revenir sur son engagement de campagne, il aurait, à tout le moins, posé l’acte simple de supprimer ce message. Ne pas le faire revient à faire endosser par le maire ladite déclaration.
5. De l’infraction continue sur Internet et des mesures prises par une personne dépositaire de l’autorité publique.
L’article 432-1 du code pénal réprime les mesures prises pour faire échec à l’exécution de la loi prises par une personne dépositaire de l’autorité publique dans l’exercice de ses fonctions. Un tweet diffusé avant le début du mandat est-il une mesure au sens de l’article 432-1 ? Cette question en contient deux, que l’on peut analyser successivement.
Examinons d’abord la question de savoir si l’on peut imputer au maire les déclarations du candidat.
Un jugement10 du TGI de Paris est très éclairant à cet égard :
Au contraire, les caractéristiques techniques spécifiques du mode de communication par le réseau internet transforment l’acte de publication en une action inscrite dans la durée, qui résulte alors de la volonté réitérée de l’émetteur de placer un message sur un site, de l’y maintenir, de le modifier ou de l’en retirer, quand bon lui semble et sans contraintes particulières ; par voie de conséquence, le délit, que cette publication ininterrompue est susceptible de constituer, revêt le caractère d’une infraction successive ; que la doctrine définit comme celle qui se perpétue par un renouvellement constant de la volonté pénale de son auteur et qu’elle assimile, au point de vue de son régime juridique, à l’infraction continue : le point de départ de la prescription se situe au jour où l’activité délictueuse a cessé.
Il faut donc considérer que le maire a renouvelé son message en ne le faisant pas disparaître et qu’il est donc responsable du propos du candidat qu’il n’a pas jugé opportun d’effacer11.
Un message, est-ce une mesure ?
L’article cité ne limite nullement le type de mesure que, prise par la personne dépositaire de l’autorité publique, ferait échec à la loi. On ne voit pas, par conséquent, pourquoi une déclaration effectuée dans un réseau social ne constituerait pas une mesure, au même titre, par exemple, qu’une communication par voie d’affiche.
On peut donc conclure que le maire de Tourcoing a bien pris, dans l’exercice de ses fonctions, des mesures destinées à faire échec à la loi.
6. De l’obligation d’informer sans délai le Procureur de la République.
L’enseignant doit-il informer le Procureur ?
La réponse à cette question réside dans ce que l’on entend par l’expression dans l’exercice de ses fonctions. Si l’enseignant qui prépare un cours exerce ses fonctions, il est obligé d’informer. Si ce n’est pas le cas, il le peut, mais n’en est pas obligé.
Je n’ai pas connaissance d’une jurisprudence sur la question, mais, comme le précise un article du Monde12 , la préparation des cours fait partie du travail des enseignants et le législateur l’a estimé ainsi. Si l’enseignant travaille quand il prépare ses cours, c’est bien qu’il exerce ses fonctions, puisqu’il est dans ses fonctions de préparer ses cours.
Il faut donc conclure que si l’enseignant a acquis la connaissance de la déclaration de monsieur Darmanin dans le cadre de la préparation d’un cours et qu’il arrive à la conclusion que ladite déclaration constitue un délit, il doit en référer au Procureur. À titre purement anecdotique, je dirai que tel fut mon cas, puisque je découvris le tweet en question par hasard, alors que je cherchais des informations sur la position de la CGT concernant les persécutions dont les homosexuels sont victimes en Tchétchénie13.
Ajoutons qu’à notre estime, l’enseignant qui, connaissant déjà le tweet incriminé, acquerrait, dans l’exercice de ses fonctions, la connaissance que monsieur Darmanin a commis un délit, en lisant ces lignes, par exemple, serait obligé d’en informer le Procureur.
Voyons pourquoi, mais avertissons notre lecteur enseignant que continuer à lire peut faire naître chez lui des obligations légales qui pourraient s’accompagner de certains désagréments. S’il suspend sa lecture ici, la démonstration n’aura pas été apportée et son obligation ne sera pas née. Une autre possibilité consiste à poursuivre la lecture, mais en se plaçant mentalement en dehors de l’exercice de ses fonctions. C’est très simple : la déclaration de l’enseignant selon laquelle il a lu ces lignes en dehors de toute démarche professionnelle crée une présomption qu’il est, de fait, impossible à renverser.
7. De ce que c’est que d’acquérir la connaissance d’une infraction.
Pour qu’une infraction pénale soit constituée, il faut trois éléments : l’élément matériel (l’acte), l’élément légal (la loi qui réprime l’acte) et l’élément moral (la volonté de l’auteur de l’acte). De surcroît, acquérir la connaissance d’une infraction requiert d’appliquer la loi, de nature générale, au cas d’espèce pour dégager une norme14. C’est dire que l’on peut avoir eu connaissance d’un acte sans pour autant avoir ipso facto connaissance de l’infraction qu’il constitue, surtout lorsque l’on n’est pas juriste. Par conséquent, si l’enseignant lit ces lignes dans l’exercice de ses fonctions et qu’il en déduit qu’il y a eu infraction, il doit en informer le Procureur, qu’il ait eu connaissance auparavant ou pas du tweet incriminé.
L’article 40 du code de procédure pénale crée l’obligation de dénoncer tout délit ou crime dont le fonctionnaire aurait connaissance dans l’exercice de ses fonctions. Étant donné qu’un acte n’est délit ou crime qu’une fois qu’il lui a été donné cette qualification au regard de la loi, ledit article 40 contient l’injonction pour le fonctionnaire d’effectuer le travail d’interprétation juridique décrit dans la note 14. Si tel n’était pas le cas, l’article 40 perdrait tout son sens, car aucun acte ne deviendrait délit ou crime et l’obligation de dénonciation ne naîtrait jamais. Que ce travail d’interprétation se fasse de façon presqu’immédiate ou spontanée (lorsque l’on assiste à une agression, par exemple) ou qu’il requière, comme cela est le cas ici, de mobiliser quelques rudiments de droit est indifférent.
Précisons toutefois, qu’ainsi que l’a rappelé la secrétaire d’État Bougrab en réponse à une question orale, les prescriptions de l’article 40 du code de procédure pénale ne sont assorties d’aucune sanction pénale.15 16
8. De ce qu’il ne faut pas déduire de ces lignes.
On ne déduira pas de ce que l’on vient de lire que j’ai saisi le Procureur. Le devoir être ne se confond pas avec l’être, comme l’a compris il y a longtemps Hume. L’on ne fait pas toujours ce que l’on doit faire. J’aurais pu, par exemple, avoir peur des conséquences de mon acte et avoir décidé de me soustraire à l’obligation que ma raison et le droit me créent. Ou je pourrais tout simplement douter de mon jugement. Le paragraphe suivant offre une solution intermédiaire, sous forme d’une lettre tout aussi hypothétique que celle par laquelle nous avons ouvert cette note.
9. D’une solution intermédiaire qui s’offrirait au fonctionnaire qui aurait peur de franchir le pas.
Appelons toujours notre fonctionnaire X. Attribuons-lui la rédaction de cette note. Situons-le à Bruxelles, ville qu’il visiterait pendant un congé. Datons la lettre du lendemain de cette note, le dimanche 21 mai, donc.
À Bruxelles, le 21 mai 2017.
Monsieur le Ministre,
L’analyse que je publie ici me conduit à penser que le ministre Darmanin a commis un délit en diffusant publiquement son intention de ne pas marier des personnes du même sexe.
L’article 40 du code de procédure pénale me fait obligation de porter ce délit à la connaissance du Procureur.
Cependant, n’étant pas juriste, je crains de me tromper et, à ce jour, un doute demeure dans mon esprit. Il m’a donc semblé que je devais vous soumettre mon analyse.
Si, après examen par vos services, ces derniers démontrent que j’étais dans l’erreur, je ne serai pas dans l’obligation de saisir le Procureur.
Si, au contraire, j’ai raison, l’obligation de dénonciation naîtra. Mais, étant donné que, aux termes de l’article 40 du code de procédure pénale, le Procureur doit être informé sans délai, il vous appartiendrait, ou il appartiendrait au fonctionnaire qui aurait constaté le délit, d’endosser cette obligation. En effet, si vous me répondiez avant d’avoir communiqué au Procureur le résultat de votre analyse, vous méconnaîtriez l’obligation précitée de l’informer sans délai17.
Si ce courrier devait rester sans réponse, j’assumerais seul mes responsabilités.
Dans l’attente de votre réponse, je vous prie d’agréer, monsieur le ministre, l’expresssion de mes salutations respectueuses et dévouées.
X,
professeur
2Art. 40 du code de procédure pénale.
3http://www.liberation.fr/societe/2013/04/27/mariage-pour-tous-les-maires-recalcitrants-s-exposent-a-des-sanctions_899475
4On ne voit pas, du reste, comment on pourrait garantir qu’un adjoint du maire ne se prévaudrait pas de la même répugnance que le maire à appliquer la loi républicaine. Un maire qui déclare qu’il ne mariera pas deux personnes du même sexe fait naître une incertitude fondée chez ses administrés sur la continuité du service public.
5http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/institutions/administration/action/action-encadree/qu-est-ce-que-principe-legalite.html
6On peut aussi rappeler utilement la question écrite suivante :
Question écrite n° 14810 de M. Serge Mathieu (Rhône – RI) publiée dans le JO Sénat du 18/03/1999 – page 843
M. Serge Mathieu demande à M. le ministre de l’intérieur s’il peut lui préciser dans quelles circonstances un conseiller municipal peut célébrer des mariages aux lieu et place du maire et des maires adjoints, notamment lorsque l’environnement familial ou amical d’un élu municipal souhaite qu’il célèbre effectivement ce mariage. Dans cette hypothèse, il lui demande si le conseiller municipal est autorisé à porter l’écharpe tricolore puisqu’aucun texte n’autorise le port de cette écharpe par les conseillers muncipaux (JO, Assemblée nationale du 27 août 1984). Réponse du ministère : Intérieur publiée dans le JO Sénat du 27/05/1999 – page 1795
Réponse. – L’article L. 2122-32 du code général des collectivités territoriales confère la qualité d’officier d’état civil, nécessaire pour procéder à la célébration d’un mariage, au maire et aux adjoints. Toutefois, l’article L. 2122-18 du même code dispose que le maire peut déléguer, sous sa surveillance et sa responsabilité, par arrêté, une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et, en l’absence ou en cas d’empêchement des adjoints, à des membres du conseil municipal. Cette condition d’absence ou d’empêchement doit être strictement respectée. Aussi un conseiller municipal ne peut-il, en application des dispositions précédentes, célébrer un mariage que si tous les adjoints sont empêchés et s’il a reçu délégation du maire à cet effet. En ce qui concerne le port de l’écharpe tricolore par les élus municipaux, l’article R. 122-2 du code des communes précise que les maires ceignent l’écharpe tricolore dans les cérémonies publiques et toutes les fois que l’exercice de leurs fonctions peut rendre nécessaire ce signe distinctif de leur autorité. Il est également admis que les adjoints et, le cas échéant, les conseillers municipaux, notamment lorsqu’ils officient aux lieu et place du maire, portent l’écharpe tricolore, mais cet usage n’a pas de fondement légal. C’est pourquoi une réflexion est actuellement engagée afin de déterminer les modalités d’intervention d’un texte réglementaire susceptible de venir conforter ces usages.
Source : https://www.senat.fr/questions/base/1999/qSEQ990314810.html
La nécessité que la condition d’absence ou d’empêchement soit strictement respectée pour que la délégation de la condition d’officier d’état civil aux membres du conseil municipal paraît difficilement compatible avec la possibilité d’effectuer des délégations en invoquant la répugnance à appliquer la loi de la République.
7Ce type de déclaration crée une présomption d’invalidité de la délégation. Cette présomption peut cependant être renversée : on ne peut pas exclure qu’en dépit de ladite déclaration une délégation ait pu être établie pour d’autres motifs que ceux préalablement proclamés. L’article de loi cité ne crée aucunement une obligation dans le chef du maire de motiver une délégation, mais la déclaration publique et ostensible d’une motivation contraire à la loi par le maire créerait l’obligation pour un tribunal de se demander si ladite déclaration ne contrevient pas à une disposition d’ordre public. On peut penser qu’après une déclaration comme celle de monsieur Darmanin, il appartiendrait à ce dernier d’apporter la preuve que la délégation qu’il aurait faite pour la célébration d’un mariage donné ne l’a pas été pour des motifs contraires à la loi républicaine. Une telle preuve étant très difficile à apporter, on peut penser que l’insécurité pesant sur la validité du mariage ne serait pas négligeable.
9http://lelab.europe1.fr/ces-tweets-que-gerald-darmanin-devrait-supprimer-maintenant-quil-est-ministre-3333218
10Tribunal de grande instance de Paris (17e chambre/presse), 6 décembre 2000, C. Lang c/ Meyssan Source : https://www.cairn.info/revue-legicom-2000-3-page-153.htm
11On pourrait arguer en retour d’une sorte de dédoublement de la personne Darmanin entre Darmanin candidat et Darmanin maire. Ce serait une sorte de réminiscence de la théorie des deux corps du roi. Mais rien, en droit, ne paraît pouvoir soutenir une telle fantaisie.
12Dans l’esprit des législateurs de 1950, ces 15 à 18 heures de cours hebdomadaires correspondaient à 1 h 30 de préparation effectuée par ailleurs. Ce qui aboutissait à un temps de travail total de 37 à 45 heures, soit à peu près la législation sur le travail en vigueur à l’époque. Et qui n’a pas changé depuis. Source :
http://www.lemonde.fr/politique/article/2012/11/16/temps-de-travail-des-enseignants-derriere-les-fantasmes_1791478_823448.html#VkDSoTH9w2mqXvdH.99
13On trouvera en annexe à cette note la capture d’écran qui, aujourd’hui, samedi 20 décembre, conduit, lorsque l’on rentre les mots clés CGT Tchétchénie, à la page par laquelle je pris connaissance du message du ministre. J’ajoute la capture d’écran du site de la CGT. Mon historique de navigation porte la trace de ces recherches, effectuées le 18 mai et qui, je le dis à titre purement anecdotique aussi, furent effectués avec l’ordinateur portable que mon établissement met à ma disposition. Le travail, en cours, pour lequel j’effectuais ces recherches, est consultable ici : http://sebastiannowenstein.blog.lemonde.fr/2017/05/18/a-la-une-persecutions-dhomosexuels-en-tchetchenie-et-menaces-contre-novaia-gazeta-comment-les-opinions-europeennes-reagissent-elles/
14« Le raisonnement juridique se présente le plus souvent sous la forme de l’application d’une règle à un cas, généralement du point de vue du juge, en vue de trancher une contestation et de prendre une décision. Lorsque la règle de droit est recherchée dans un texte, ce raisonnement nécessite le recours à une interprétation. L’interprétation juridique, au sens propre, consiste à déterminer le sens du texte en vue de préciser la portée de la règle dans le contexte de son application. Dans un sens plus large, l’interprétation désigne toute forme de raisonnement juridique qui conduit à la solution d’un cas ou à la découverte d’une règle, indépendamment de la référence ou non à un texte. L’interprétation est donc le problème central de la raison juridique. La science du droit s’attache depuis longtemps à en définir les méthodes et les techniques, à en établir ou à en critiquer le caractère rationnel et légitime, ainsi qu’à évaluer leur contribution respective à la connaissance du droit. » Benoît Frydman, Le sens des lois. Histoire de l’interprétation et de la raison juridique. LGDJ, Paris, Bruylant, Bruxelles, 2005, p 15.
16Néanmoins, il faut rappeler que, selon l’article 434-1 du code pénal, la non-dénonciation d’un crime dont il est encore possible de prévenir ou de limiter les effets constitue un délit qui pourrait, le cas échéant et sous réserve des dispositions de l’article 26 de la Constitution, donner lieu à l’engagement de poursuites. Réponse du Ministère de la justice publiée dans le JO Sénat du 01/10/2009 – page 2308. Source : https://www.senat.fr/questions/base/2009/qSEQ090408239.html
17Sur la question de ce qu’il faut entendre par autorité constituée au sens de l’article 40 du code de procédure pénale, on peut consulter utilement réponse du Ministère de la justice publiée dans le JO Sénat du 01/10/2009 – page 2308. Source : https://www.senat.fr/questions/base/2009/qSEQ090408239.html
PS : Une erreur m’a fait titrer cette note comme je l’ai fait. Le titre aurait dû être : Tweet du ministre Darmanin : Quid de l’obligation de dénonciation de l’enseignant?