Réserver l'accès à un établissement scolaire aux descendantes des membres de la Légion d'honneur est contraire aux valeurs de la République. J'en avise le Président.

À Lille, le samedi 9 juin 2018.

s/c du chef d’établissement

Courrier destiné à aviser monsieur le Président de la République que le privilège du sang qui limite l’accès des Maisons d’Éducation de la Légion d’honneur aux filles, petites-filles et arrière-petites-filles des légionnaires est contraire aux valeurs de la République.

 
Monsieur le Président de la République,
Monsieur le Grand maître de la Légion d’honneur,
1. Les normes juridiques suivantes font partie du bloc de constitutionnalité :

1.1. Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits1.

1.2. Les citoyens sont égaux devant la loi2.

1.3. La Nation garantit l’égal accès de tous au service public d’éducation3.

2. La Convention européenne des Droits de l’Homme, interdit les discriminations liées à la naissance4.
3. La loi dispose que le service public d’éducation contribue à l’égalité des chances et à lutter contre les inégalités sociales et territoriales en matière de réussite scolaire et éducative5.
4. Pourtant, par un privilège du sang, l’accès aux établissements publics d’éducation dits Maisons d’éducation de la Légion d’Honneur est réservé aux filles, petites-filles et arrière-petites-filles des membres de la Légion d’Honneur, ainsi qu’aux filles et petites-filles des légionnaires étrangers6.
5. L’une de ces maisons d’éducation se situe en Seine-Saint-Denis, un département où le défenseur des droits a caractérisé une rupture du principe d’égalité des usagers devant le service public d’éducation7.
6. Ainsi donc, les élèves dionysiens, discriminés sur le plan national, sont, de surcroît, exclus de l’un des rares établissements prestigieux de leur département. En même temps, les descendantes du prince Mohammed ben Nayef, ex-ministre saoudien de l’intérieur, récemment décoré de la Légion d’Honneur, peuvent y être inscrites8 9 10.
7. La situation décrite porte atteinte aux valeurs de la République. J’estime qu’il est de mon devoir de fonctionnaire de vous en aviser.
8. Je publie cette lettre sur mon blog et y publierai aussi votre réponse si celle-ci me parvient.
Je vous prie d’agréer, monsieur le président, monsieur le grand maître, l’expression de mes sentiments dévoués et respectueux.
Sebastián Nowenstein,
professeur agrégé.
 
Voir aussi :
http://sebastiannowenstein.blog.lemonde.fr/2018/05/28/le-general-franco-doit-etre-dechu-de-sa-legion-dhonneur-adresse-denseignants-au-president-de-la-republique/
http://sebastiannowenstein.blog.lemonde.fr/2018/06/09/les-subventions-du-premier-ministre-a-un-ordre-qui-honore-franco-sont-elles-conformes-aux-valeurs-de-la-republique/
http://sebastiannowenstein.blog.lemonde.fr/2018/06/19/des-medailles-pour-les-vierges-en-espagne-la-legion-dhonneur-pour-franco-en-france-lettre-a-lanthropologue-pascal-boyer/

6 Voir les procédures d’admission aux maisons d’éducation de la Légion ‘Honneur dans http://www.legiondhonneur.fr/sites/default/files/procedure_admission_2018.pdf

7 Voir « Droit fondamental à l’éducation : une école pour tous, un droit pour chacun», pages 75 et suivantes : https://juridique.defenseurdesdroits.fr/doc_num.php?explnum_id=16763

8 Alors que le prince était ministre de l’intérieur, une « frénésie d’exécutions » a saisi le pays. L’Arabie Saoudite punit de décapitation l’apostasie, l’adultère et la « sorcellerie ». Source : https://abonnes.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/09/23/arabie-saoudite-defense-des-droits-de-l-homme-le-lundi-decapitation-le-jeudi_4768581_4355770.html.

9 Franco, Mussolini, Ceausescu, Bokassa, Bongo ou Mobutu ont aussi reçu la Légion d’Honneur. Source : https://abonnes.lemonde.fr/societe/article/2018/05/28/franco-la-medaille-du-deshonneur_5305572_3224.html. J’ai écrit au premier ministre pour lui soumettre des remarques portant sur la problématique qui naît de l’octroi de subventions à l’Ordre de la Légion d’Honneur, alors que ce dernier est dans l’impossibilité de revenir sur les décorations qu’il a accordées à ces dictateurs. Le courrier peut être consulté ici : http://sebastiannowenstein.blog.lemonde.fr/2018/06/09/les-subventions-du-premier-ministre-a-un-ordre-qui-honore-franco-sont-elles-conformes-aux-valeurs-de-la-republique/

10 Quelles que puissent être les nécessités de la diplomatie française, il paraît douteux qu’elles légitiment la préséance donnée aux descendantes de ce prince du pays des décapitations nombreuses sur les enfants dionysiens.

23 commentaires

  1. Les maisons d’éducation de la Légion d’honneur sont des établissements scolaires secondaires (créés par Napoléon Ier), à l’origine une œuvre sociale destinée à prendre en charge l’éducation de jeunes filles pauvres ou orphelines de guerre, dont les parents, grands-parents ou arrière-grands-parents ont mérité la Légion d’honneur. C’est donc une œuvre très louable.
    D’un point de vue purement scolaire, le taux de réussite au baccalauréat en 2017 a été de 100 %, comme chaque année (pour 141 élèves) avec 98 % de mentions, dont 68 % de mentions très bien. Compte tenu des proportions de mentions Très Bien, ce lycée de Seine Saint-Denis est l’un des meilleurs de France.
    Alors on comprend bien que cette excellence constitue à vos yeux une « rupture du principe d’égalité des usagers devant le service public d’éducation ». Il faut donc se hâter d’éradiquer cette anomalie, pensez-vous.
    Mon point de vue est à l’inverse : voilà un magnifique exemple de réussite scolaire, dans un département où une telle performance relève de la gageure. Le nivellement par le bas et l’abandon des valeurs méritocratiques que vous voulez exercer traduisent le pire de la tradition révolutionnaire française : l’idéologie égalitariste, couper les têtes qui dépassent !

    1. Monsieur,
      Je vous remercie pour votre réaction. Vous trouverez, après chacun de vos paragraphes -en italique-, les commentaires qu’il m’a semblé opportun de formuler.
      SN
      Les maisons d’éducation de la Légion d’honneur sont des établissements scolaires secondaires (créés par Napoléon Ier), à l’origine une œuvre sociale destinée à prendre en charge l’éducation de jeunes filles pauvres ou orphelines de guerre, dont les parents, grands-parents ou arrière-grands-parents ont mérité la Légion d’honneur. C’est donc une œuvre très louable.
      J’ignore si ces maisons d’éducation ont été, à l’origine, une œuvre très louable. La question est de savoir si, oui ou non, elles le sont maintenant et si, oui ou non, leur existence est conforme aux valeurs de la République, aux exigences constitutionnelles et ou prescrit légal. La réponse me paraît évidente : c’est non. Mais je suis prêt à entendre les arguments que vous pourriez faire valoir pour défendre la position contraire. Celui des origines réputées louables n’en est pas un, vous en conviendrez sans doute.
      D’un point de vue purement scolaire, le taux de réussite au baccalauréat en 2017 a été de 100 %, comme chaque année (pour 141 élèves) avec 98 % de mentions, dont 68 % de mentions très bien. Compte tenu des proportions de mentions Très Bien, ce lycée de Seine Saint-Denis est l’un des meilleurs de France.
      Merci pour ces données. Pourriez-vous m’en communiquer la source ? Sur le fond : avoir de beaux résultats au bac, alors qu’on dispose de moyens exceptionnels, des élèves d’origines socio-professionnelles élevées et des enseignants choisis discrétionnairement n’est pas une gageure ou une quelconque garantie d’excellence.
      Alors on comprend bien que cette excellence constitue à vos yeux une « rupture du principe d’égalité des usagers devant le service public d’éducation ». Il faut donc se hâter d’éradiquer cette anomalie, pensez-vous.
      La « rupture du principe d’égalité des usagers devant le service public d’éducation » est caractérisée par le Défenseur des droits, pas par mon regard ou mes yeux. Elle est confirmée par la Cour des comptes, dont les magistrats ont constaté que l’Education Nationale dépensait 47 % de plus pour un élève parisien que pour un élève de l’académie de Créteil. Ce n’est pas une question de regard, ce sont des faits établis. Oui, il faut mettre un terme à une situation qui constitue une atteinte brutale au valeurs les plus fondamentales de la République, à ses principes constitutionnels, à sa loi.
      Mon point de vue est à l’inverse : voilà un magnifique exemple de réussite scolaire, dans un département où une telle performance relève de la gageure. Le nivellement par le bas et l’abandon des valeurs méritocratiques que vous voulez exercer traduisent le pire de la tradition révolutionnaire française : l’idéologie égalitariste, couper les têtes qui dépassent !
      Ces maisons d’éducation et leur recrutement sur le principe d’un privilège du sang sont la négation même du principe méritocratique, qui veut que la sélection se fasse par le mérite des individus et non par ceux -supposés- de leurs aïeux. Méconnaître cette évidence vous permet de faire de moi un coupeur de têtes qui dépassent et m’imputer une idéologie absente du texte que vous critiquez. Par quel détournement étrange parvenez-vous à ériger en modèle de la méritocratie un établissement qui donne la préséance à une petite-fille d’un prince saoudien coupeur de têtes (un vrai, celui-là) sur un enfant dionysien méritant ?
      Supposés, écrivais-je plus haut, parce que l’on ne peut que s’interroger sur les mérites que des personnalités comme le prince saoudien sus-mentionné, Poutine, Franco, Mussolini, Ceausescu, Bokassa et tant d’autres se sont acquis au service de la Nation. Leur sang vaut-il mieux que celui des enfants dionysiens ? La République lui reconnaît-elle, à ce sang, des mérites si grands qu’il lui faille se mettre en quatre et en frais pour le couver ?
      Vous faites de moi un coupeur de têtes qui dépassent. Je vous comprends. Il faut que l’adversaire soit bien atroce pour justifier l’injustifiable que l’on veut défendre : comment faire autrement?

      1. « Elle est confirmée par la Cour des comptes, dont les magistrats ont constaté que l’Education Nationale dépensait 47 % de plus pour un élève parisien que pour un élève de l’académie de Créteil. »
        en même temps, les élèves de l’académie de Créteil sont en grande partie responsables de cette situation. pourquoi les enseignants les plus expérimentés fuient-ils cette académie dès qu’ils le peuvent? (la surreprésentation des enseignants plus expérimentés, donc mieux payés, dans les établissements fréquentés par des enfants de classes plus aisées explique la plus grande partie de cet écart). lorsqu’on a un comportement tellement inacceptable en classe, que l’on empêche le déroulement normal des cours (de l’aveu des enseignants de ZEP, sur une heure de cours ils consacrent 55 min à essayer d’obtenir le silence dans leur classe), faut-il s’étonner si les candidats valables au métier d’enseignant passent les concours dans une autre académie (niveau de l’admission au CAPÉ : 6/20 à Créteil) ou choisissent de se diriger vers un autre métier? quand on martyrise son prof au point de le pousser au suicide ou à la dépression, peut-on se plaindre lorsqu’il est remplacé par un vacataire à la compétence discutable? un jour cet imbécile de Matthieu Kessler écrivait sur un blog « les élèves de ZEP ne s’intéressent pas aux cours parce qu’ils sont conscients que les profs qu’on leur envoie ne sont pas de vrais profs ». et eux, sont-ils de vrais élèves?

        1. Le CAPÉ ? Vous voulez dire le CAPES, qui est un concours national ?
          Et après que vous avez établi, à votre estime, la faute supposée et générale des enfants de Saint-Denis, concrètement, vous faites quoi ?
          On frémit…
          Il y a, à l’évidence, des adversaires plus dangereux de la République et de ses valeurs que ceux qui pratiquent la polygamie.

          1. « Et après que vous avez établi, à votre estime, la faute supposée et générale des enfants de Saint-Denis, concrètement, vous faites quoi ?
            On frémit… »
            tiens ma réponse a été censurée.
            je la reformule donc: je fais quoi?
            1° le constat que gérer une immigration pauvre et sans formation, ainsi que sa descendance avec les problèmes de niveau scolaire, de délinquance etc. est au-dessus des moyens du pays et la faire cesser;
            2° faire des classes de niveau pour éviter que la nullité des élèves faibles ne tire vers le bas les élèves dotés de capacités.
            c’est vrai qu’il y a de quoi frémir…

          2. « Il y a, à l’évidence, des adversaires plus dangereux de la République et de ses valeurs que ceux qui pratiquent la polygamie. »
            faut-il vraiment répondre à ce délire d’idéologue en folie?

      2. « avoir de beaux résultats au bac, alors qu’on dispose de moyens exceptionnels, des élèves d’origines socio-professionnelles élevées et des enseignants choisis discrétionnairement n’est pas une gageure ou une quelconque garantie d’excellence. »
        un établissement où l’enseignement est de très bonne qualité et qui recrute des élèves brillants, et où par voie de conséquence le niveau est élevé, est un établissement d’excellence, puisque le niveau y est excellent.
        mais je doute que vous aimiez l’excellence, à vrai dire.

    2. Ainsi donc, monsieur, cher collègue, vous persistez à m’insulter. Je suis, dites-vous, un coupeur de têtes. Et je poursuis de ma vindicte le sang des coupables jusqu’à la centième génération. Les atrocités de la révolution française me plaisent, probablement.
      Je ne suis pas indifférent à vos insultes, elles m’affectent et me salissent injustement, mais je vais, malgré elles, publier votre commentaire.
      Ce qui est extraordinaire, dans votre réponse, c’est la richesse des inférences que vous faites. Vous partez d’un texte qui dénonce une atteinte aux valeurs et à la loi de la République pour faire de son auteur un coupeur de têtes qui, probablement, aime les atrocités commises pendant la révolution française. Vous ne savez rien de moi et vous avez fait déjà de moi un criminel. Nous avons, nous enseignants, la mission d’apprendre la discussion argumentée à nos élèves. Défendriez-vous, en classe, la légitimité des attaques ad hominem que vous proférez à mon encontre ?
      Venons-en au reste de votre argumentation.
      Vous ne connaissez que la loi. Partons donc d’elle.
      L’article L111-1 du code de l’éducation (un code, c’est un ensemble de lois et de textes réglementaires portant sur un domaine déterminé) vous fait obligation de faire partager les valeurs de la Républiques aux élèves. Vous pouvez méconnaître les valeurs de la République en tant que personne, mais vous ne sauriez le faire en tant qu’enseignant sans manquer à vos obligations légales. Ici, cependant, la question ne porte pas sur vous, mais sur l’État, qui, lui, ne peut pas méconnaître les valeurs qui le fondent ou agir à leur encontre. Vous pouvez dire « moi, je ne connais que la loi », mais que vous exerciez votre droit de mépriser ces « idées » est un acte personnel qui n’a aucune espèce de conséquence sur le sujet évoqué, puisque votre opinion personnelle sur les valeurs de la République ne saurait légitimer que l’État, qui affirme les respecter, s’en écarte.
      Vous semblez méconnaître l’article L111-1 aussi en ceci qu’il dispose :
      Il [le service public d’éducation] contribue à l’égalité des chances et à lutter contre les inégalités sociales et territoriales en matière de réussite scolaire et éducative. Il reconnaît que tous les enfants partagent la capacité d’apprendre et de progresser. Il veille à l’inclusion scolaire de tous les enfants, sans aucune distinction.
      Vous avez raison sur un point : l’existence de ces maisons d’éducation n’a pas été condamnée par la justice. En ce sens, elles sont, à ce jour, légales. Je ne prétends pas le contraire, puisque ce que je fais, c’est aviser le président de la République qu’une illégalité se perpétue. Cette illégalité est constatée par moi rationnellement et non par un tribunal habilité qui aurait été saisi du problème. Si j’apprends qu’un délit est commis, j’en avise le procureur de la République, qui aura dès lors à en connaître et à instruire ; l’article 40 du code de procédure pénale m’impose d’agir, ainsi, c’est une obligation légale, donc. J’ignore s’il y a une infraction dans le cas d’espèce, mais il me semble qu’il est de mon devoir de fonctionnaire d’informer monsieur le président des conclusions auxquelles je suis arrivé par une analyse rationnelle et dans l’exercice de mes fonctions.
      Sur la question des moyens, j’ai des données fournies par Les Echos :
      Le coût annuel d’un élève en 2010 y est d’environ 19.000 euros, contre une moyenne nationale de 10.240 euros (en 2007). Source : https://www.lesechos.fr/02/07/2010/LesEchos/20711-040-ECH_ces-si-discretes-demoiselles-de-la-legion-d-honneur.htm
      Si vous combinez l’information que je viens de vous donner et celle émanant de la Cour des comptes, vous arrivez à la conclusion que les inégalités entre l’investissement par élève dans cette maison d’éducation et celui qui est consenti dans le département de Saint-Denis sont importantes. Les élèves dionysiens apparaissent doublement discriminés. Pour le reste, je n’ai pas le temps de procéder aux croisements que vous me demandez et qui ne semblent pas devoir modifier de façon significative le constat qui découle des données à ma disposition ce jour.
      Sur la question des origines socio-professionnelles, je ne ferai pas de statistique non plus, mais une consultation rapide de la liste des membres de la Légion d’honneur sur wikipédia ne m’a pas permis de trouver de cas de légionnaires appartenant à une catégorie socio-professionnelle défavorisée.
      Les inégalités liées à la naissance existent. L’Ecole contribue à lutter contre elles, d’après le prescrit légal, ainsi que le dit l’article L111-1, que je cite en entier pour que vous choisissiez la formulation qui vous parlera le plus :
      Article L111-1
      Modifié par LOI n°2013-595 du 8 juillet 2013 – art. 2
      L’éducation est la première priorité nationale. Le service public de l’éducation est conçu et organisé en fonction des élèves et des étudiants. Il contribue à l’égalité des chances et à lutter contre les inégalités sociales et territoriales en matière de réussite scolaire et éducative. Il reconnaît que tous les enfants partagent la capacité d’apprendre et de progresser. Il veille à l’inclusion scolaire de tous les enfants, sans aucune distinction. Il veille également à la mixité sociale des publics scolarisés au sein des établissements d’enseignement. Pour garantir la réussite de tous, l’école se construit avec la participation des parents, quelle que soit leur origine sociale. Elle s’enrichit et se conforte par le dialogue et la coopération entre tous les acteurs de la communauté éducative.
      Outre la transmission des connaissances, la Nation fixe comme mission première à l’école de faire partager aux élèves les valeurs de la République. Le service public de l’éducation fait acquérir à tous les élèves le respect de l’égale dignité des êtres humains, de la liberté de conscience et de la laïcité. Par son organisation et ses méthodes, comme par la formation des maîtres qui y enseignent, il favorise la coopération entre les élèves.
      Dans l’exercice de leurs fonctions, les personnels mettent en oeuvre ces valeurs.
      Le droit à l’éducation est garanti à chacun afin de lui permettre de développer sa personnalité, d’élever son niveau de formation initiale et continue, de s’insérer dans la vie sociale et professionnelle, d’exercer sa citoyenneté.
      Pour garantir ce droit dans le respect de l’égalité des chances, des aides sont attribuées aux élèves et aux étudiants selon leurs ressources et leurs mérites. La répartition des moyens du service public de l’éducation tient compte des différences de situation, notamment en matière économique et sociale.
      Elle a pour but de renforcer l’encadrement des élèves dans les écoles et établissements d’enseignement situés dans des zones d’environnement social défavorisé et des zones d’habitat dispersé, et de permettre de façon générale aux élèves en difficulté, quelle qu’en soit l’origine, en particulier de santé, de bénéficier d’actions de soutien individualisé.
      L’école garantit à tous les élèves l’apprentissage et la maîtrise de la langue française.
      L’acquisition d’une culture générale et d’une qualification reconnue est assurée à tous les jeunes, quelle que soit leur origine sociale, culturelle ou géographique.

      J’ignore le nombre de descendantes de personnalités peu recommandables, étrangères ou françaises qui sont formées dans ces maisons d’éducation. Il suffit que les enfants de Saint-Denis et du reste du territoire national en soient exclus pour qu’en République, ce ne soit pas acceptable. L’exemple du prince saoudien n’épuise pas le sujet, mais permet de montrer de façon visible l’atteinte brutale aux principes de la République que constituent ces établissements publics d’enseignement. Qu’il y ait des gens admirables ou honorables parmi les légionnaires ne valide pas un fonctionnement fondé sur l’exclusion et le privilège du sang.
      Vos pratiques professionnelles consistant à bichonner vos classes d’excellents élèves et à ne pas les éparpiller dans des classes médiocres relèvent de votre inspecteur ou de votre chef d’établissement, mais ne constituent pas un argument recevable lorsqu’il s’agit de savoir si l’existence des maisons d’éducation portent atteinte ou non aux valeurs de la République et à sa loi, pas plus que votre méconnaissance ou votre mépris personnels des valeurs de la République ne sauraient exonérer l’État de ses obligations.

      1. Allons, remettez-vous Sebastián, votre fierté saura supporter ma virile ironie.
        Cet article L111-1 du code de l’éducation que vous aimez à citer est un exemple frappant de cette pontifiante, verbeuse et grotesque manie française de faire des phrases définitives, mêlant indistinctement objectifs à jamais inaccessibles et vœux pieux de bonne conscience, et constituant tout au plus une longue déclaration d’intentions crypto-chrétiennes. Le décalage entre ce texte de tribun et la réalité du terrain est un chef d’œuvre involontaire d’humour noir ! La France meurt de ces prières, de ces litanies et de ces incantations d’un autre siècle…
        Concernant les « valeurs de la République » : de la com’, des mots, du vent ! Je suis professeur de grande école depuis longtemps déjà : jamais personne ne m’a prescrit ces « valeurs » dans mon enseignement. Encore moins « d’obligations légales » à leur endroit !
        Le point central : les maisons d’éducation de la Légion d’honneur sont légales. Le reste est du bavardage. Je vous laisse le soin de les dénoncer, si cela vous chante.
        Concernant la question des moyens : la juxtaposition de vos chiffres ressort davantage d’une estimation au « doigt mouillé » qu’à l’étude documentée et détaillée dans la durée des moyens et des besoins. En son absence, seule prévaut l’opinion personnelle… Idem sur la question des origines socio-professionnelles !
        Vous dénoncez un « fonctionnement fondé sur l’exclusion et le privilège du sang » ? Moi, j’approuve de tels privilèges méritocratiques, fondés sur l’exclusion en réservant certains enseignements à certaines élites. Et de même, les Pupilles de la Nation bénéficient d’un privilège du sang, que j’approuve : vous qui aimez les textes réglementaires, regardez donc la loi numéro 93-915 du 19 juillet 1993.
        Donc moi, je bichonne mes bonnes classes et mes bons élèves, je ne les mêle pas aux médiocres, je respecte la loi et me contrefiche de ces « valeurs » issues d’un marketing has-been.

        1. Bon, cher collègue, les choses sont plus claires désormais : je parlais de la tension entre ce que l’État proclame et ce qu’il fait et vous, vous parliez de votre pensée. L’avantage du droit, c’est qu’il fournit un espace commun de discussion qui permet de sortir du « moi, je trouve que… »
          Bon, parlons de vous, de votre pensée, je veux dire.
          Hvaaaað !?, fit K., islandaise, quand je lui ai raconté l’histoire de ces maisons d’éducation. Traduisons par quoi!? son propos. Mes amis belges, le w-e dernier, au parc Josaphat de Bruxelles, incrédules : Non…, tu te fous de nous… Après l’incrédulité, le rire, irrépressible, entrecoupé de Ah, les Français… . Quand je parle du L111-1, j’ai moins de succès. Voici où je veux en venir : rien ne paraît plus ridicule et pathétique à mes amis que les Français qui font les coqs avec leurs élites.
          Mais, cher collègue, au fond, comme on dit chez nous, je vous trouve un peu light, un peu soft. Pourquoi ne pas revendiquer le retour des privilèges d’antan, de cette bonne vieille noblesse française dont les privilèges furent abolis la nuit néfaste du 4 août 1798 ? Êtes-vous virile assez, comme on dit en Wallonie ? La République a institué douze fois plus d’insignes honorifiques que la France monarchique en 500 ans (Olivier Ihl, Le Mérite et la République, page 14). Franchement, cher collègue, vous avez vu un peu cette racaille à qui on donne la breloque ? Est-ce là vraiment une élite à la hauteur de votre France, de celle que vous incarnez sans doute en officiant dans votre grande école ? Et, au fait, si ça se trouve, vous ne l’avez même pas, vous, la breloque, hein ? Un Roi, qui en douterait ?, aurait récompensé votre mérite de professeur de grande école.
          La France est un drôle de pays. Elle a l’école la plus inégalitaire de l’OCDE, elle proclame en même temps un attachement héroïque à l’égalité (L111-1) et, en même temps aussi, elle s’inquiète de l’égalitarisme coupeur de têtes qui la menace.
          Bon, je vous laisse. J’ai contacté mes camarades pour qu’on essaye, par le droit et la mobilisation, d’ouvrir les portes de cette école à tous les enfants de Saint-Denis. Je vous propose donc de mettre un terme à cet échange.

  2. Eh bien, je vais vous répondre point par point, si vous le voulez bien.
    SN : « J’ignore si ces maisons d’éducation ont été, à l’origine, une œuvre très louable. La question est de savoir si, oui ou non, elles le sont maintenant et si, oui ou non, leur existence est conforme aux valeurs de la République, aux exigences constitutionnelles et ou prescrit légal. La réponse me paraît évidente : c’est non. Mais je suis prêt à entendre les arguments que vous pourriez faire valoir pour défendre la position contraire. Celui des origines réputées louables n’en est pas un, vous en conviendrez sans doute. »
    La réponse vous paraît évidente, c’est non. Mais pour moi, c’est oui.
    Les « valeurs » de la République n’existent pas, pas plus que la « morale républicaine ». Je ne connais pas non plus les « exigences constitutionnelles » dont vous faites état, ni le « prescrit légal ». Tout ces mots ressemblent à des idées, des concepts… Mais à rien de concret.
    La seule chose que je connaisse, c’est la loi.
    Les maisons d’éducation de la Légion d’honneur n’enfreignent pas la loi : qu’elles poursuivent donc leur œuvre éducative !
    Faites changer la loi, si vous ne le souhaitez pas.
    SN : « Merci pour ces données. Pourriez-vous m’en communiquer la source ? Sur le fond : avoir de beaux résultats au bac, alors qu’on dispose de moyens exceptionnels, des élèves d’origines socio-professionnelles élevées et des enseignants choisis discrétionnairement n’est pas une gageure ou une quelconque garantie d’excellence. »
    Ma source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Maison_d%27éducation_de_la_Légion_d%27honneur
    « Moyens exceptionnels » et « élèves d’origines socio-professionnelles élevées » : qu’en savez-vous ? Avez-vous des chiffres précis l’attestant ?
    Par ailleurs, d’excellents résultats au baccalauréat représentent très précisément une « garantie d’excellence » future ! Il faut donc en prendre soin.
    SN : « La « rupture du principe d’égalité des usagers devant le service public d’éducation » est caractérisée par le Défenseur des droits, pas par mon regard ou mes yeux. Elle est confirmée par la Cour des comptes, dont les magistrats ont constaté que l’Education Nationale dépensait 47 % de plus pour un élève parisien que pour un élève de l’académie de Créteil. Ce n’est pas une question de regard, ce sont des faits établis. Oui, il faut mettre un terme à une situation qui constitue une atteinte brutale au valeurs les plus fondamentales de la République, à ses principes constitutionnels, à sa loi. »
    Le Défenseur des droits et la Cour des comptes ont-ils dénoncés une quelconque « rupture du principe d’égalité » dans l’existence des maisons d’éducation de la Légion d’honneur ? Non.
    En outre, votre information est très pauvre : « les magistrats ont constaté que l’Education Nationale dépensait 47 % de plus pour un élève parisien que pour un élève de l’académie de Créteil ». Ce genre de ratio isolé, lancé à la cantonade et dont on ne sait s’il est pondéré aux surcoûts parisiens ou aux contraintes démographiques, n’a aucune valeur scientifique en soi. Il en faut plus pour convaincre d’une éventuelle « atteinte brutale au valeurs les plus fondamentales de la République, à ses principes constitutionnels, à sa loi » ! (Vous y tenez, vous, à « l’illégalité » de la chose !)
    SN : « Ces maisons d’éducation et leur recrutement sur le principe d’un privilège du sang sont la négation même du principe méritocratique, qui veut que la sélection se fasse par le mérite des individus et non par ceux -supposés- de leurs aïeux. Méconnaître cette évidence vous permet de faire de moi un coupeur de têtes qui dépassent et m’imputer une idéologie absente du texte que vous critiquez. Par quel détournement étrange parvenez-vous à ériger en modèle de la méritocratie un établissement qui donne la préséance à une petite-fille d’un prince saoudien coupeur de têtes (un vrai, celui-là) sur un enfant dionysien méritant ?
    Supposés, écrivais-je plus haut, parce que l’on ne peut que s’interroger sur les mérites que des personnalités comme le prince saoudien sus-mentionné, Poutine, Franco, Mussolini, Ceausescu, Bokassa et tant d’autres se sont acquis au service de la Nation. Leur sang vaut-il mieux que celui des enfants dionysiens ? La République lui reconnaît-elle, à ce sang, des mérites si grands qu’il lui faille se mettre en quatre et en frais pour le couver ?
    Vous faites de moi un coupeur de têtes qui dépassent. Je vous comprends. Il faut que l’adversaire soit bien atroce pour justifier l’injustifiable que l’on veut défendre : comment faire autrement? »
    Le privilège du sang existe, et c’est une des heureuses transmissions d’humanité : c’est lui qui crée et préserve une culture familiale ou ethnique, c’est encore lui qui accorde bourses et distinctions à des orphelins de parents morts pour la Patrie.
    (Le contre-exemple de la Révolution Culturelle en Chine est particulièrement éloquent !)
    Votre exemple caricatural de la « petite-fille d’un prince saoudien coupeur de têtes » fait sourire ! Le prince étant coupable, ses enfants seront donc punis jusqu’à la 101ème génération. « Tel père, telle fille » : voilà bien votre conception du privilège du sang !
    Raison de plus pour éduquer cette jeune fille à la Légion d’Honneur, loin des barbaries de son père.
    Combien y en a-t-il, de telles filles, parmi les 500 élèves du lycée ?
    Et combien sont-elles, les filles de « Poutine, Franco, Mussolini, Ceausescu, Bokassa et tant d’autres » ?
    Monsieur le Professeur (vous en êtes un, j’en suis un autre), quand j’ai une classe d’excellents élèves, je la bichonne, je la couve, je la soigne. Pas question d’éparpiller ces élèves pour les immerger dans des classes médiocres : leur niveau d’excellence se construit collectivement ; individuellement, ils ne peuvent rien faire dans une classe médiocre, et eux-même ne parviendront pas à maintenir leur niveau.
    Alors oui, vous êtes un coupeur de tête. Mais cette atrocité-là ne vous déplaît probablement pas, elle puise sa justification dans les péripéties d’une autre Révolution, la Française.

  3. Dans le fond, vous êtes comme beaucoup de gens, ce que vous ne comprenez pas vous semble faux, mal pensé et finalement sans intérêt. Vous ne voyez pas – parce que vous n’élargissez pas votre point de vue – que la lecture subjective que vous me reprochez traduit en fait la contradiction objective d’un système « républicain » perverti et corrompu, dès lors que l’on fait un pas en arrière pour saisir l’ensemble de la situation. Vous êtes probablement très jeune, je ne vous en veux pas. L’empilement de nos textes officiels et les grotesques divergences entre les codes de la doxa et les lois vous prend en tenaille et vous submerge d’incompréhension, comme beaucoup d’esprits de bonne volonté.
    Vous pouvez lister ici vos amis étrangers surpris par les maisons d’éducation de la Légion d’Honneur, bien sûr. Ne doutez pas que de mon côté, je pourrai tout aussi bien vous traduire l’étonnement de mes amis étrangers quand ils découvrent les errements de notre Education nationale. Car nous n’êtes pas sans savoir que la dépense moyenne d’éducation par élève est, en France, supérieure à la moyenne de l’OCDE pour l’ensemble constitué du primaire et du secondaire. Et que la part du PIB alloué par l’Etat à l’Education nationale est parmi les plus élevées des pays de l’OCDE, alors que les professeurs français font partie de ceux qui sont les moins bien payés. Paradoxalement, la France se situe à la traîne du classement Pisa, en vingt-cinquième position sur 65 avec un point de plus que la moyenne des pays évalués, juste derrière la République Tchèque. L’OCDE nous apprend d’ailleurs qu’au-delà d’un certain niveau de dépenses par élève, l’excellence n’est pas qu’une question d’argent : le mode de répartition des ressources est aussi important que le volume de ces ressources. Bref, au regard des sommes colossales englouties par le système éducatif français, les résultats ne sont donc vraiment pas brillants, surtout pour un système qui se veut très égalitariste. D’où la surprise de ceux qui découvrent la situation réelle !
    En contrepoint, vos drôleries sur ma supposée nostalgie de l’Ancien Régime sont en effet rigolotes, mais le pugilat que vous et vos « camarades » (sic !) menez contre les moulins et engrenages insensés de la République nous rappelle combien l’humour est la politesse du désespoir. Alors vous pourrez mettre un terme à notre échange si vous y tenez, mais quand vous aurez compris que casser l’excellence par idéologie au profit du tonneau des Danaïdes ne mène nulle part, vous pourrez plus utilement mettre un terme à vos chimères.

    1. Bon, sur cette base-là, on peut parler…
      Ce que vous me dites au sujet de l’école française, je n’ai de cesse de le répéter et m’accable. L’OCDE, Pisa, etc : mes collègues en ont marre de m’en entendre parler. Le droit me permet de pointer les contradictions scandaleuses entre les principes proclamés et l’application qui en est fait. Ces maisons de l’éducation de la légion en sont un exemple, baroque, parmi tant d’autres. Je peux comprendre que vous les aimiez, mais ne comprendrais pas que vous trouviez leur existence compatible avec le L111-1 et les valeurs de la République, quelle que soit l’opinion que vous ayez du premier ou des secondes.
      Mais je refuse le passéisme dont votre démarche est empreinte. L’élitisme français est une catastrophe en soi, pas seulement parce qu’il porte atteinte aux valeurs de la République. J’y vois la racine du mal de notre école, pas la solution. Les causes de l’allocation absurde de nos moyens ? Cherchez-la de ce côté-là, plutôt que de celui de l’égalitarisme fantasmé du système.
      Ce qui est sidérant, à mon sens, c’est que votre discours, je le retrouve dans la bouche de nombre de mes collègues. Le SNES défend, au niveau national, une plus grande égalité. Et pourtant, nombre de ses adhérents (pas tous, fort heureusement), localement, dans les établissements scolaires, tiennent des propos qui ne s’éloignent pas des vôtres.
      Prenez donc du recul, cher collègue. Il y a une autre solution aux maux de l’école française que la nostalgie du monde d’antan.

  4. Vous dites : « Je peux comprendre que vous les aimiez [les maisons d’éducation], mais ne comprendrais pas que vous trouviez leur existence compatible avec le L111-1 et les valeurs de la République. »
    Sebastián, je croyais pourtant avoir été très clair à ce sujet : le code L111-1 n’est à mes yeux qu’une inutile incantation de vœux pieux (les « valeurs de la République » comme vous dites), triste parce que coupée de la réalité. Il n’y a donc aucune contradiction dans ma démarche.
    Selon vous, je serai « passéiste » parce qu’en faveur de la méritocratie ?
    Arrêtons-nous ici un instant : l’égalitarisme, que j’oppose à l’élite de la méritocratie, a constitué une époque de notre récit national, l’époque de la toute puissance de la civilisation européenne – en France de la 3ème à la 5ème République – en dépit des soubresauts des 2 guerres mondiales, l’époque des envolées lyriques et des idéologues, des « pédagogistes » et des bien-pensants, les mains fermement posées sur le gouvernail du monde.
    Mais tout à une fin, l’Asie nous a déjà dépassé sans que vous ne vous en rendiez compte, et fait même chanceler le colosse américain. (La Chine va vous surprendre !) L’Afrique, elle, risque fort de nous submerger, au sens propre. Et je ne parle pas des fariboles « sociétales » et autres salamalecs confessionnels ! Finies donc, toutes ces bisounourseries du « modèle social français », « toute une génération obtient le bac », « non à la sélection à l’université », etc…
    Pour réussir, il faut travailler, beaucoup, être docile, être respectueux de ses maîtres, et surtout, il faut le vouloir. Ceux qui ne veulent pas réussir n’ont pas d’avenir. Et donc : mon passéisme n’est que la préfiguration du travail qui attend les jeunes générations, excellence et méritocratie. Ceux qui ne s’y soumettront pas seront balayés. Mon passéisme est donc notre avenir.

    1. Cher collègue, que vous n’aimiez pas le L. 111-1 est un non-évènement : il s’impose à vous, à nous tous qui vivons en République. Je dis souvent à mes élèves : « la République ne vous demande pas d’aimer sa loi, mais de la respecter ».
      À ce propos, puisque vous parlez de soumission à la fin de votre texte, je vous invite à vous inspirer de l’exemple de mes élèves musulmanes, de tant d’élèves musulmanes, qui n’aiment pas le L. 141-5-1 (c’est l’article qui codifie la loi du 15 mars 2004, dite loi du voile), mais qui s’y soumettent. C’est un exemple tout de même admirable de soumission à la loi républicaine que celui que nous donnent ces jeunes filles, ne trouvez-vous pas ? Certaines d’entre elles, vivant à Saint-Denis, talentueuses et méritantes, resteront dans des établissements indignes de la République, alors que la petite-fille du prince saoudien dont nous avons parlé pourrait candidater à la maison d’éducation de la légion s’il venait à la fantaisie du prince l’idée de nous l’envoyer.
      À la fin aussi de votre texte, vous dites que ceux qui ne se soumettront pas seront balayés. Comment, concrètement ? Je veux dire, que recouvre-t-elle, votre métaphore ? Parce qu’ils auront beau avoir été balayés, nos concitoyens insoumis, ils seront toujours là, me trompé-je ? Quel destin réservez-vous à ceux qui n’auront pas été admis dans la société que vous anticipez, soit qu’ils manquent de talent, soit que, étant filles, n’auront pas eu la chance d’avoir un grand-père saoudien décoré de la légion d’honneur ? Avez-vous pensé au coût faramineux qu’implique pour une société de contenir une masse de gens misérables et humiliés ? J’ai vécu en Islande longtemps. Les choses y sont souvent plus simples qu’en France. L’école y est cool, on ne brime pas les enfants, on ne les humilie pas, on ne les met pas maladivement en compétition, comme on le fait en France. De mon expérience islandaise, je retire une conviction simple : il faut prendre soin des enfants et les respecter. Votre appel creux à la soumission m’émeut aussi peu que vos peurs apocalyptiques.
      Depuis des générations, les gênes que je porte envahissent et submergent des peuples. Moi-même, j’ai vécu dans cinq pays, à peu près une dizaine d’années dans chacun d’eux. J’ai envahi la France à 18 ans en ignorant le français. Non, vos peurs ne m’émeuvent pas. Vous savez, cher collègue, on peut toujours se pousser quelque peu pour faire une place à un être humain, la fraternité n’a jamais tué personne. Par contre, moralement, nous mourons chaque jour un peu plus de tous ces noyés que nos frontières ont repoussés après que, encore vivants, ils ont frappé à nos portes.
      Si vous le souhaitez, vous pouvez prendre connaissance du courrier que j’ai envoyé à mes référents laïcité après que, ayant reçu l’injonction de le faire, comme tous mes collègues professeurs-principaux, j’ai parlé avec mes élèves de la laïcité. J’évoque, dans ce courrier, la question de la soumission à la loi : http://sebastiannowenstein.blog.lemonde.fr/2015/11/29/interrogation-adressee-a-mes-referents-laicite-lenseignant-peut-il-et-doit-il-rechercher-ladhesion-des-eleves-a-larticle-141-5-1-du-code-de-leducation/

      1. « Je dis souvent à mes élèves : « la République ne vous demande pas d’aimer sa loi, mais de la respecter ».
        À ce propos, puisque vous parlez de soumission à la fin de votre texte, je vous invite à vous inspirer de l’exemple de mes élèves musulmanes, de tant d’élèves musulmanes, qui n’aiment pas le L. 141-5-1 (c’est l’article qui codifie la loi du 15 mars 2004, dite loi du voile), mais qui s’y soumettent. C’est un exemple tout de même admirable de soumission à la loi républicaine que celui que nous donnent ces jeunes filles, ne trouvez-vous pas ? »
        je vais me citer moi-même (de mémoire, je ne garantis pas l’exactitude parfaite de la citation):
        « toute loi qui n’est pas fondée sur les moeurs d’un peuple est attaquée dans son principe ».
        bien sûr qu’il faut aimer (au sens de: approuver, trouver justes) les lois du pays. par exemple, si la polygamie est interdite en France, c’est parce que de tout temps elle ne correspond pas aux moeurs du peuple français. je parlais récemment à un collègue franco-congolais qui tentait de la justifier à mes yeux. si on « se pousse » toujours plus pour « faire une place à un être humain », le jour où ils sont assez nombreux pour imposer la polygamie, ils le feront, vous pouvez en être sûr. vos élèves qui enlèvent leur voile en maugréant en entrant dans leur lycée ne le font que parce que les défenseurs du voile ne sont pas encore assez nombreux pour abroger la loi, mais à force de se pousser pour leur faire de la place… 😀
        « À la fin aussi de votre texte, vous dites que ceux qui ne se soumettront pas seront balayés. Comment, concrètement ? Je veux dire, que recouvre-t-elle, votre métaphore ? Parce qu’ils auront beau avoir été balayés, nos concitoyens insoumis, ils seront toujours là, me trompé-je ? »
        ils seront toujours là, mais dans un pays du Tiers-monde qui aura, comme le dit votre lecteur, été balayé par des pays qui forment des gens travailleurs et capables, pas des gilets jaunes consommateurs crétinisés qui ruinent leur pays à force de surconsommation dopée à la redistribution publique…

        1. Aimez-vous toutes et chacune des lois de votre pays ?
          Considérez-vous normal que les lois changent ?
          Si les lois changent, c’est parce qu’on a trouvé certaines de ces lois pas assez bonnes, c’est parce qu’on ne les « aimait » pas ou plus.
          Dans un monde où les enseignants réussiraient parfaitement à faire aimer pour toujours les lois du pays, il n’y aurait pas de vie politique.

          1. « Aimez-vous toutes et chacune des lois de votre pays ?
            Considérez-vous normal que les lois changent ? »
            c’est amusant, depuis le début de ce fil vous assénez à Bicou qu’il ne peut pas se soustraire à la loi qui selon vous interdirait de faire des établissements d’excellence, que cela ne se discute pas parce que c’est la LOI, et là tout à coup, quand on en vient à parler de la loi qui interdit le voile à l’école et que vous n’avez pas l’air d’aimer outre mesure, tout d’un coup la loi devient une pure convention contingente, que l’on promulgue à un instant t mais qui peut se discuter et être ultérieurement abrogée (ce que vous semblez souhaiter). contradiction 😀
            on remarquera d’ailleurs qu’alors que Bicou, du simple fait qu’il n’approuve pas les textes que vous lui opposez (ou plutôt à mon avis, les interprète différemment de vous) se trouve relégué par vous-même dans la catégorie des mauvais citoyens que l’on devrait exclure de la communauté nationale, lorsque c’est une fille musulmane-vache sacrée qui n’approuve pas une autre loi, là tout à coup on a le droit de faire le tri entre les lois, de choisir celles qui nous plaisent et de rejeter les autres. le tout en restant une vraie Française et une citoyenne modèle, évidemment^^

        2. Quant à votre prédiction apocalyptique, j’imagine que c’est une façon de justifier soit un scepticisme radical, soit des mesures contraires aux valeurs de la République. Faire des gilets jaunes les responsables ultimes des maux du pays permet de trouver des « causes » à peu de frais, je suppose.

          1. ma « prévision apocalyptique » découle de l’observation des évolutions sociales et économiques actuelles.
            le seul effondrement du système scolaire suffit à prédire le déclassement en cours du pays.
            au fait, allez dans les pays émergents et regardez s’ils éparpillent les bons éléments dans des classes de cancres. ça m’étonnerait. c’est d’ailleurs pour ça qu’ils émergent. et pour ce qui est des ‘gilets jaunes » je n’ai rien dit qui permettait d’affirmer que j’en faisais les « responsables ultimes des maux du pays ». ils n’en représentent qu’un symptôme.

  5. Franchement, je suis, comme on dit familièrement, scié. Ce professeur si imbu de lui-même et des origines impériales de son école chérie, qui organise une compétition méritocratique entre gens « bien nés » exclusivement, repoussant à grand coups de pieds dans la gueule la racaille qui oserait vouloir s’instruire, c’est une caricature. Dites-nous que c’est un objet de fiction, un personnage de théâtre, un faire-valoir !
    Je suis en train de revoir avec délices la série proposée par Arte qui s’intitule « Au service de la France », et je crois voir ici un de ces personnages moisis, aveugles autant que méprisants, un Mercaillon sanglé dans sa vareuse galonnée et son baudrier gendarmesque, le képi vissé sur le crâne, et glapissant un vibrant « Vive la France ». Ce serait à mourir de rire si ce n’était pas aussi sinistre.

    1. Ah, oui, peut-être est-ce là un allié, un être généreux qui cache dans l’anonymat et la modestie ce qu’il fait pour autrui. Celui que je prenais pour un adversaire aurait été un faire-valoir qui feint une irrationalité caricaturale pour mieux mettre en lumière mes faibles mérites… : je n’y avais pas pensé, je l’avoue. Je reste songeur.
      Plaisanteries à part, et quoi que nous pensions de mon contradicteur ou de sa représentativité dans la corporation à laquelle j’appartiens, ce qui reste, c’est la inconcevable existence de ce machin d’école en République.

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