Mémoire en réplique au mémoire en défense de l’université Panthéon-Assas. Affaire Blanquer. Retour sur l’info.

Mémoire en réplique au mémoire en défense de l’université Panthéon-Assas. 

Par Sebastian Nowenstein, demeurant avenue …

Le 12 mars 2023

Les faits 

Enseignant dans le supérieur et le secondaire, je travaille sur un projet (Retour sur l’info) dont le but est de revenir sur des informations publiées dans les médias pour les analyser et, dans la mesure du possible, pour prolonger les enquêtes ou investigations initialement effectuées par les journalistes.

J’ai transmis une demande de communication de documents le 21 juin 2022 à la PRADA du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (ANNEXE I). En l’absence de réponse de l’administration, j’ai saisi la CADA qui, le 03 novembre 2022, émettait un avis favorable (ANNEXE II) à deux de mes demandes, la troisième, déclarée sans objet, correspondait à des documents que le ministère a déclaré ne pas posséder. 

L’avis de la CADA contenait un passage par lequel il était demandé au ministère de transmettre l’avis qu’elle rendait à l’université de Panthéon-Assas : 

La commission (…) invite la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche à transmettre à l’université Panthéon-Assas le présent avis (…). 

Le silence de l’administration me conduisit à saisir le tribunal administratif, non sans en avoir averti au préalable le président Braconnier par un message, resté sans réponse, en date du 11 décembre 2022 (ANNEXE III). Le 16 janvier 2023, je recevais un message de l’université de Paris-Assas (ANNEXE IV), qui contenait un courrier du président Braconnier (ANNEXE V) et qui me transmettait un certain nombre de documents produits, sauf un, à des dates ultérieures à ma demande (ANNEXE VI)

Estimant que l’université s’était acquittée de manière imparfaite de ma demande, j’écrivais au président dès le 19 janvier 2023 (ANNEXE VII) pour lui indiquer que des documents manquaient et pour le prier de me les communiquer dans les plus brefs délais. J’ajoutais que les documents qui m’étaient communiqués ne justifiaient pas un désistement d’instance de ma part. J’indiquais qu’il ne se concevait pas que la procédure de consultation mise en œuvre par l’université au sujet de la création d’un poste au bénéfice de monsieur Blanquer n’ait donné lieu à aucun message émis ou reçu par le président Braconnier et que les noms des destinataires de certains messages avaient été retirés. La réponse (20 janvier 2023, ANNEXE VIII) de l’université laisse songeur, puisque cette dernière feint de croire que j’introduis une nouvelle demande de communication de documents. 

Je comprends que transformer mon message en demande complémentaire a pour but de me contraindre à saisir de nouveau la CADA, qui, évidemment, ne pourra que constater que les pièces jointes et les noms des destinataires font partie des messages pour lesquels elle a déjà émis un avis favorable. Je comprends qu’il s’agit aussi de faire échapper artificiellement les documents demandés à l’action en cours devant votre tribunal. Je relève que, dans son mémoire, le président Braconnier ne fait pas mention de mon message du 19 janvier et ne fournit pas d’explication au sujet des manques qui y sont mentionnés.

Le 2 février 2023 était enregistré au tribunal le mémoire en défense du président Braconnier, non daté. Par ce dernier, l’université demande qu’il soit prononcé et constaté un non-lieu à statuer et, subsidiairement, que la requête que j’ai formée soit rejetée en raison de son irrecevabilité

Au sujet de l’argumentation du président Braconnier. 

Le président Braconnier affirme que ma requête serait devenue sans objet, car les documents demandés m’auraient été transmis. La confrontation du seul document antérieur à ma demande qui me soit transmis (le message du président Braconnier du 21 juin 2022 aux professeurs d’un département non spécifié) aux déclarations du même président Braconnier à Mediapart, rendent invraisemblable que la totalité des documents concernés par l’avis favorable de la CADA m’ait été transmise. La lecture du message lui-même confirme cette invraisemblance. En effet : 

  1. Le président Braconnier a déclaré à Mediapart (article du 21/06/2022, ANNEXE IX) : 

 L’université n’a aucun commentaire à faire sur une question académique qui, à ce stade, demeure strictement interne, puisque les instances de l’université sont en cours de consultation » 

  1. Le même 21 juin, l’université publiait un communiqué (ANNEXE X) où l’on lit : 

La procédure de recrutement applicable aux fonctionnaires dans la situation de Monsieur Blanquer sera strictement suivie, si les instances de l’Université, actuellement consultées, devaient décider de poursuivre le processus. 

  1. Le président Braconnier écrit dans son message du 17 juin 2022 (ANNEXES V et VI) : 

Le caractère inhabituel, voire exceptionnel, de la demande dont je suis saisi, me conduit, avec l’accord de notre collègue Bertrand Seiller, à écrire directement et sans attendre à tous les professeurs du département 

« Il m’a été, en effet, demandé d’envisager la possibilité d’accueillir au sein de notre université l’ancien ministre Jean-Michel Blanquer, agrégé de droit public en 1996 et spécialiste de droit constitutionnel et de droit public comparé. 

Son arrivée éventuelle prendrait la forme d’une mutation depuis l’université de Paris 3, où il est en poste, sur un emploi dédié et nouvellement créé, qui resterait acquis de manière définitive à notre université. 

Il se conçoit difficilement que la consultation des instances en cours le 21 juin 2022 sur l’opportunité de voir monsieur Blanquer intégrer l’université Panthéon-Assas ne se soit accompagnée d’aucun message envoyé ou reçu par le président Braconnier. 

Il se conçoit difficilement que la saisine mentionnée par le président Braconnier n’ait donné lieu à aucun message autre que celui qu’il me transmet, surtout lorsque l’on observe le degré de précision des informations communiquées : création d’un poste qui resterait définitivement acquis à l’université et mutation depuis Paris 3 où l’ancien ministre était en poste.

Il se conçoit difficilement que le message du président Braconnier soit parvenu à Mediapart, qui en reproduisait de larges extraits le 21 juin, mais qu’aucun des destinataires du message ait jugé nécessaire d’y répondre. 

Dans son mémoire, l’université de Panthéon-Assas choisit d’ignorer mon message du 19 janvier 2023, dans lequel je signalais les manques qui caractérisaient les documents transmis. Ainsi que je le relevais plus haut, l’université n’explique pas comment elle peut affirmer avoir transmis les documents demandés en dépit des manques que je lui ai signalés. 

L’irrecevabilité de ma demande découlerait, d’une part, de l’absence de recours préalable, car je n’aurais pas saisi la CADA et, d’autre part, d’une absence de motivation

Le premier moyen est singulier et spécieux. J’ai introduit ma demande auprès du ministère le 21 juin, qui l’a transmise à l’université le 29 juin sans m’en informer. En l’absence de réponse de l’administration, j’ai saisi la CADA en désignant le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche comme étant celui qui ne m’avait pas transmis les documents demandés. Le ministère n’a pas informé l’université, dit le président Braconnier, de ma saisine de la CADA. Le président estime dès lors que j’ai saisi le tribunal sans avoir effectué un recours préalable devant la CADA. 

Lorsque j’ai introduit le recours devant le tribunal, je me suis posé la question que soulève mon adversaire. Fallait-il que j’introduise une nouvelle demande auprès de l’université ? Fallait-il effectuer deux fois la même saisine en changeant le nom de l’administration sollicitée ? La lecture attentive de l’avis de la CADA m’a convaincu que cela n’aurait pas été raisonnable. L’avis m’apprenait que l’université de Panthéon-Assas avait reçu ma demande ; il demandait explicitement que le ministère transmette l’avis émis à l’université de Panthéon-Assas. Il est, en outre, étrange que l’administration excipe d’une erreur qu’elle aurait commise, celle, de la part du ministère, de ne pas informer l’université de ma saisine de la CADA, pour demander au tribunal de déclarer irrecevable ma demande. 

Mais soit. Admettons que, par extraordinaire, comme dit mon adversaire dans sa requête, votre tribunal estime qu’il n’y a pas eu de recours préalable. Imaginons que, pour ce motif, il déclare irrecevable ma demande. Cela n’aurait d’autre effet que de voir l’affaire revenir devant lui, car j’ai effectué déjà une nouvelle demande, que j’adresse, cette fois-ci, directement à l’université et au ministère (ANNEXE XI). En ce qui concerne la demande pour laquelle j’ai saisi votre tribunal, on connaît déjà la réponse de la CADA, qui ne pourra que réémettre l’avis favorable qu’elle a déjà rendu : les documents qui sont communicables lorsqu’ils sont demandés au ministère le seront aussi lorsque la demande parviendra à l’université de Panthéon-Assas. 

Ma motivation est-elle insuffisante ? Peut-être l’est-elle formellement ; je ne crois pas qu’elle le soit substantiellement. Que pouvais-je dire de plus ? L’administration refusait ma demande, ne motivait pas son refus et la CADA avait émis un avis favorable. Il m’a semblé superfétatoire d’ajouter l’interprétation de la loi par le non-juriste que je suis à celle revêtue de l’autorité de la CADA par laquelle cette dernière motivait son avis favorable. J’ai présumé, raisonnablement, me semble-t-il, que la motivation de la CADA était suffisante.

Comme le remarque le maître de conférences Raphaël Maurel dans Le Monde (ANNEXE XII), l’accès aux documents administratifs est un processus long et malaisé. En vérité, les difficultés que rencontre le citoyen dans l’exercice de ce droit constitutionnel vont bien au-delà de ce que l’auteur indique dans son article (ANNEXE XIII, mon commentaire à l’article de R. Maurel). Je prie le tribunal de considérer que des exigences de motivation excessives et sans intérêt objectif pour l’argumentation seraient susceptibles d’avoir un effet dissuasif qui rendrait l’application effective d’un droit indispensable à la vie démocratique encore plus difficile pour le citoyen, pour le citoyen néophyte en la matière, en particulier. 

Le président Braconnier semble, enfin, vouloir faire appel à un argument purement formel : je n’aurais pas indiqué mon adresse physique sur ma requête. J’ai fait ma demande par le biais de Télérecours citoyen. J’y ai renseigné mon adresse, que le tribunal mentionne dans les courriers qu’il m’adresse. J’ajoute que le président Braconnier disposait de mon adresse mail professionnelle. Je demande au tribunal de considérer que si je ne me suis pas acquitté de cette formalité, cela ne porte en rien préjudice aux droits de l’administration et, par conséquent, qu’il n’y a pas lieu d’en faire une cause d’irrecevabilité. 

J’observe, enfin, que le président Braconnier se prévaut du fait qu’il avait informé le 8 décembre 2022 le président de la CADA et le ministère qu’il entendait donner une suite favorable à ma demande, mais qu’il n’explique pas pourquoi il a laissé sans réponse le message en date du 11 décembre par lequel je l’informais que je m’apprêtais à saisir le tribunal. Fallait-il charger inutilement la justice administrative d’une demande qui aurait pu ne pas avoir lieu d’être ? Fallait-il laisser que s’engage la procédure pour ensuite plaider qu’elle était devenue sans objet du fait de la remise des documents demandés ? Est-ce ainsi que fonctionne une administration au service du bien commun ? Ce sont-là des manœuvres qui n’honorent pas le service public. Il serait bienvenu que la décision de votre tribunal contribue à faire en sorte que l’administration n’y recoure pas face au citoyen qui ne cherche qu’à faire valoir des droits que la loi lui reconnaît ou face à un enseignant qui chercher à faire son métier. 

Conclusions 

Il se déduit de ce qui précède : 

  1. qu’il est hautement invraisemblable que l’administration m’ait transmis la totalité des documents visés par les avis favorables de la CADA, 
  1. que l’absence de recours préalable dont entend se prévaloir mon adversaire est sans fondement sérieux, 
  1. que la motivation de ma demande est suffisante, 
  1. que l’absence de mon adresse physique sur ma requête constitue un défaut de forme qui ne porte atteinte en rien aux droits de l’administration, 
  1. que, dès lors, ma requête n’est pas devenue sans objet et 
  1. qu’elle n’est pas irrecevable, 

S. Nowenstein, professeur agrégé.