À propos de Physarum polycephalum. Mot pour les collègues.

À Bruxelles, le 8 décembre 2017.

Cher.e.s collègues,
Physarum policephalum est un être unicellulaire atteignant couramment la taille d’une main et capable d’étonnantes performances cognitives. Physarum, plus connu sous le nom de blob, a inspiré un film de science-fiction, The blob, dont ont été faits plusieurs remakes, et donne son nom à une émission satyrique italienne, Blob, di tutto di più. Audrey Dussutour, chercheuse au CNRS, lui a consacré récemment un ouvrage1, que je peux vous prêter. Les photos et vidéos que l’on obtient à partir du blob sont, me fait remarquer Karista Cardone, d’une grande force visuelle. Mentionnons enfin que, mis dans un labyrinthe, Physarum polycephalum passionne mathématiciens et informaticiens, qui voient en la manière dont il agit une illustration élégante de la notion d’algorithme naturel.
Je vous parle de Physarum polycephalum, car je voudrais vous proposer de vous associer à un travail visant à articuler science et fiction. Il s’agit de préparer un dossier scientifique sur le blob et d’écrire ou filmer des fictions qui s’en inspirent. Je voudrais aussi que nous disposions de blobs dans notre lycée et que nous conduisions avec eux des expériences scientifiques qui, en plus de leur intérêt propre, auraient vocation à trouver place dans les fictions.
À titre d’exemple, je résume ci-après le scénario de film sur lequel je travaille avec mes secondes. Si, comme je vous le propose, vous vous associez à l’initiative, nous aurions une pluralité de fictions dont le ou les films produits à partit de notre scénario seraient des cas particuliers.
Le blob, le film.
Des élèves détournent des souches de blob arrivées au lycée à des fins d’expérimentation scientifique. Ils organisent un vaste système de paris clandestins sur des affrontements de blobs qui finit par brasser des sommes d’argent conséquentes. Certains élèves dopent ou manipulent génétiquement (grâce à CRISPR) leurs blobs pour accroître leurs performances Une élève espagnole, qui effectue un séjour au lycée, filme en caméra cachée les agissements de ses camarades et décide de dévoiler le pot aux roses. Alors qu’elle met la dernière main au montage des images dans une pièce à peine éclairée par la lumière blafarde de son écran, un blob se glisse sous la porte. Dans certains scénarios, les blobs, naturellement inoffensifs, sont devenus carnivores en raison des modifications qu’ils ont subies.
The end ?2 Dans le cadre de leur collaboration avec des lycéens espagnols, les élèves français avaient envoyé à leurs camarades des échantillons de Physarum. C’est donc aux à ces derniers de poursuivre le film. Nos élèves pourront toutefois collaborer avec eux. Et tel est l’un des buts de l’initiative : susciter l’apparition d’un espace commun de travail entre élèves de pays différents autour de l’être étrange qu’est Physarum et de la réalisation d’un film collaboratif qui s’en inspire.
Les élèves intègrent les documents sur lesquels ils travaillent dans la fiction. Nous avons étudié le récit El indigno, de Borges, qui soulève la question de savoir s’il faut ou non dénoncer un ami qui commet un délit. À cette question, l’élève espagnole du film répond par l’affirmative, mais d’autres désapprouvent : la réflexion menée en classe à partir du texte nourrit les débats entre élèves dans le film. Nous avons travaillé sur une légende indienne du Paraguay qui met en scène un lapin qui veut être grand et fort comme un bœuf. Dans certains scénarios, ledit lapin, devenu criminel après des péripéties qu’il serait trop long de détailler ici, est à la tête de l’organisation qui gère les paris clandestins.
Comme vous le savez peut-être, j’ai crée un lycée virtuel, le lycée de Timburbrou, afin de tester les initiatives dont nous parlons. J’y teste aussi par moi-même les exercices que j’envisage de proposer aux élèves. Ce qu’il s’y passe est abondamment relayé par la presse, surtout par Le Courrier de Timburbrou, un journal qui paraît dans le futur, ce qui lui donne ce recul sur nos initiatives qui tant de fois nous manque.
Bonne soirée à tous,
Sebastián.

1Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le blob sans jamais oser le demander (éd. Équateurs Sciences, avril 2017)

2Dans le film The blob, de 1958, la mention « The end » est suivie d’un point d’interrogation.

Davantage sur physarum polycephalum dans ce site : https://sebastiannowenstein.org/category/physarum-polycephalum-blob/