Doñana : lettre à des syndicats français d'agriculteurs.

À Lille, le jeudi 11 avril 2019.

Doñana, une synthèse.

Madame, Monsieur
Une partie des fraises espagnoles vendues sur le marché français provient, selon toute vraisemblance, d’exploitations qui ont un accès gratuit à de l’eau grâce à des puits illégaux. Cette situation, qui a des conséquences environnementales extrêmement préoccupantes, notamment sur le parc de Doñana (Andalucía), a conduit la Commission européenne à assigner l’État espagnol devant la Cour européenne de justice pour non-protection des zones humides de Doñana1.
Cette situation a aussi pour effet de mettre les producteurs qui respectent la légalité face à une concurrence déloyale. Je suis cependant surpris d’observer que cet état de fait dure depuis une vingtaine d’années et ce, alors même que la défense de la concurrence libre et non faussée est une priorité dans l’action de la Commission.
Enseignant dans le secondaire, je me permets de vous écrire, car j’ai décidé de travailler sur cette question et je voudrais vous prier de bien vouloir m’indiquer comment vous l’analysez. Plus généralement, j’aimerais savoir si vous considérez ou non que les producteurs français font face à du dumping écologique, c’est-à-dire, à une concurrence déloyale reposant sur la possibilité qu’auraient les producteurs de pays moins regardants que ne le serait la France, de méconnaître leurs obligations environnementales.
Un autre point important de mon enquête est de chercher à comprendre dans quelle mesure l’action de la Commission en défense des Traités et du droit européens est dictée par un agenda politique. Je suis en effet frappé de constater que deux années ont suffi pour que, dans l’affaire de la forêt de Białowieża, la Cour de Justice de l’Union européenne menace la Pologne d’astreintes considérables. Le parc de Doñana, au jour d’aujourd’hui, n’est pas convenablement protégé, alors que depuis une vingtaine d’années les puits illégaux se multiplient au vu et au su de tous. Il s’agira donc d’évaluer la rapidité de réaction de la Commission, ou son absence de réaction, au regard des soutiens politiques des acteurs impliquées dans une situation donnée. À ce titre, j’aimerais savoir si vous avez recherché le soutien d’acteurs politiques (parlementairse, maires, eurodéputés, autorités nationales…) dans des situations du type de celle qui motive ce courrier
Enfin, la capacité des acteurs concernés à susciter directement l’action de la Commission, qui dépend grandement d’eux pour s’informer, paraît un élément important à évaluer aussi. Serait-il concevable que vous transmettiez à vos adhérents un questionnaire, préparé en collaboration avec des universitaires, qui serait destiné à estimer la connaissance qu’ils ont des mécanismes par lesquels ils peuvent saisir la Commission de distorsions de la concurrence libre et non faussée dont ils s’estimeraient victimes ?
Vous pouvez, si vous le souhaitez, consulter d’autres courriers que j’envoie dans le cadre de ce travail. En particulier pourraient vous intéresser ceux que je transmets à des parlementaires français et à madame Jégouzo, cheffe de la représentation de l’UE en France.
Dans l’attente de votre réponse, je vous prie d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de mes salutations les meilleures.
S. Nowenstein,
professeur agrégé.
http://sebastiannowenstein.blog.lemonde.fr/2019/04/10/donana-une-synthese/