Des Vierges, Christs et clowns dont s'occupe la Justice espagnole.

Un conseiller municipal qui, arborant un nez de clown, est resté trois heures debout à côté d’un guardia civil espagnol en faction, fait l’objet de poursuites pour délit de haine (delito de odio), nous informent El País et d’autres médias.
Il y a quelques semaines, un jeune homme qui avait, dans un photo-montage, substitué son visage à celui du Christ dépouillé de la confrérie de l’Amertume (Cristo despojado de la Hermandad de la Amargura) a été condamné à une amende de 480 euros. Le procureur a estimé qu’il y avait là une honteuse manipulation du Christ (vergonzosa manipulación del rostro de la imagen) qui mettait en évidence un mépris et une moquerie manifestes à l’égard de la Confrérie dans le but d’offenser (manifiesto desprecio y mofa hacia la cofradía con propósito de ofender). Les poursuites ont valu à l’auteur du photo-montage et à son œuvre une célébrité inattendue. Les émules ont fleuri qui ont aussi remplacé le visage du Christ par le leur, sans que l’on sache pour le moment s’ils vont faire l’objet de poursuites ou non. Sur le délit de blasphème en Espange, on peut consulter cet article, du site du collectif Europa Laica.
Notre Très Sainte Dame de l’Amour (Nuestra Santísima Señora del Amor), quant à elle, peut désormais dormir sur ses deux oreilles : elle n’aura pas à rendre la Médaille d’or du mérite de la Police (Medalla de Oro del Mérito Policial). Le Tribunal Supremo a en effet, rejeté le dernier recours contre la décision du ministre de l’intérieur espagnol qui, en 2014, avait accordé ladite récompense à cette vierge en invoquant notamment le voile de protection (manto de protección) dont elle recouvre les forces de police. Dans ses actions en justice, Europa Laica, à l’origine de la plainte, avait rappelé que cette médaille d’or, la plus haute distinction de la police, est accordée à des personnes qui sont mortes ou qui ont subi des mutilations ou des blessures graves, qui ont rendu un service d’une importance transcendantale ou ont prouvé leur courage par des actes extraordinaires et exemplaires. Europa Laica, constatant que Notre Très Sainte Dame del Amor est une entité impersonnelle, affirmait que la vierge ne pouvait être mutilée ou avoir accompli les actes que la remise de la médaille exigeait. Europa Laica estimait la décision irrationnelle et arbitraire. La Justice espagnole en a jugé autrement et cette décision est définitive : l’État peut donc continuer à décorer les Vierges pour les remercier de la protection qu’elles prodiguent aux forces de l’ordre.
Les décisions souvent singulières de sa justice ont déjà valu à l’Espagne des condamnations de la Cour européenne des droits de l’homme, comme le rappelle opportunément Amnesty International dans son dernier rapport (pages 188 et suivantes), qui relève aussi des atteintes sérieuses portées pendant l’année écoulée à des biens juridiques fondamentaux tels que la liberté d’expression et de réunion.
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