Lettre au professeur André. Au sujet de « El terrícola »

Monsieur le Professeur,

Puis-je vous demander de lire El terrícola, de l’écrivain mexicain Yuri Herrera, un récit fort bref et très plaisant ?

Laissez-moi vous expliquer, très rapidement, ma demande. Je suis enseignant en France et je prépare un cours sur ledit récit. Quand je l’ai lu, j’ai pensé que la façon de communiquer des êtres qui habitent la planète imaginée par l’auteur mexicain avait quelque chose de végétal. Puis, le hasard a fait que je lise l’article que vous avez donné à The Conversation et j’ai pensé plutôt à la façon dont l’information est transportée par les bruits de la mer.

Le langage nous a fait perdre le contact avec la nature, dites-vous. Peut-être renouerons-nous avec elle par la littérature ? Peut-être que, plus modestement, la littérature peut contribuer au dialogue des sciences ? Je vois la fiction comme un lieu où nous pouvons nous parler… Vous avez le souci de la vulgarisation : voudriez-vous en faire en parlant du récit d’Herrera ?

Et, si vous avez encore un peu de temps, je crois que vous serez heureux de lire cet article de Stothers, qui raconte la façon dont l’éruption d’Eldgjá, Islande, 934, fut perçue dans le monde. Hormis les Islandais, personne ou presque ne comprit ce qu’il arrivait. Des baleines ont-elles entendu l’éruption, l’ont-elles lue dans le paysage, comme le font les extraterrestres du récit de Yuri Herrera, qui lisent les informations dans le paysage ?

Une dernière chose. Je ne saurais faire mienne l’affirmation qui donne le titre à votre article, mais qui n’en constitue pas le sujet central. Je ne vais pas argumenter ici. Permettez-moi, cependant, de vous dire qu’en classe, si jamais la question émerge, nous évoquerons les Machiguengas, ce peuple amazonien dont parle El Hablador, roman du péruvien Vargas Llosa. En étudiant ce livre, mes élèves ont vu un peuple immergé dans la jungle amazonienne et à l’écoute de ses bruits. Or, les Machiguegnas sont dotés de langage, bien entendu. De même, du reste, que les Pirahãs qu’Everett, ce linguiste que vous citez, a étudiés. Notons, de façon subsidiaire, que le caractère supposément non-récursif de la langue de ce peuple, qu’Everett défend, est très contesté.