Ma réponse à la réponse du FN.

la réponse du Front National est ici :

http://sebastiannowenstein.blog.lemonde.fr/2017/05/12/reponse-du-front-national-a-mon-courrier-a-madame-le-pen/

La lettre à madame Le Pen est ici :

http://sebastiannowenstein.blog.lemonde.fr/2017/05/05/lettre-a-madame-le-pen-confronter-le-debat-argumente-a-lecole-au-debat-avant-le-second-tour-de-lelection-presidentielle/

À Lille, le vendredi 12 mai 2017.

Monsieur Avello,
Je vous remercie pour votre réponse.
Vous motivez votre décision de ne pas répondre sur le fond à mes questions en invoquant, d’une part, le devoir de réserve qui était le vôtre à quelques heures de la fin de la campagne électorale et, d’autre part, l’existence d’une procédure judiciaire intentée par monsieur Macron au sujet des imputations dont il a été l’objet concernant un compte bancaire qu’il aurait possédé aux Bahamas. Je comprends donc qu’à l’exclusion de cette dernière imputation, rien ne s’oppose désormais à ce que vous répondiez à celles du journal Le Monde que je vous ai soumises pour commentaire. Puis-je donc escompter de votre parti ou de madame Le Pen une réponse sur le fond à mes questions ?
Je note par ailleurs que mon initiative ne vous paraît pas respecter mon obligation de neutralité. Je suis perplexe : avant d’évoquer en cours les imputations du Monde à l’encontre de madame Le Pen, j’ai écrit à cette dernière pour lui demander de prendre position sur lesdites accusations. Je l’ai fait, car, sachant que le journal de référence a appelé à voter pour monsieur Macron, je ne pouvais exclure un biais dans la manière dont il a traité le débat pendant lequel les propos incriminés ont été tenus. Qu’y a-t-il dans ma démarche de contraire à mon obligation de neutralité, monsieur Avello ?
Si vous consultez mon blog, vous verrez des dizaines de lettres par lesquelles je demande à des personnes dont je vais parler en cours de prendre position sur telle ou telle problématique. Une partie de ces personnes sont des politiciens : Peillon, Valls, Vallaud-Belkacem, Macron, etc. Je viens à l’instant de publier une lettre adressée au président de la République tchétchène, Ramzan Kadyrov. À chaque fois, ma hiérarchie a été informée de mes démarches et jamais on ne m’a fait reproche de manquer à mon obligation de neutralité. Vous pourrez aussi, si vous le souhaitez, constater que, depuis que mon blog existe, je ne me suis intéressé à votre parti qu’à deux reprises : j’ai interrogé monsieur Jalkh au sujet des imputations de négationnisme dont il a fait l’objet et j’ai interrogé madame Le Pen par le message auquel vous avez répondu. Dans le cadre de mon enseignement d’espagnol, j’ai interrogé nombre de responsables socialistes espagnols sur des questions telles que le parcours andalou de Roger Garaudy ou l’imposture du faux déporté Antonio Pastor Martínez. La raison pour laquelle, j’ai surtout écrit à des responsables socialistes, français ou espagnols, c’est qu’ils exerçaient le pouvoir durant les périodes sur lesquelles j’ai été amené à travailler et qu’ils s’est agi souvent, à l’instar de ce que j’ai fait en écrivant à votre candidate, de confronter des valeurs que nous avons mission de faire partager aux pratiques ou aux décisions de nos dirigeants. Si j’en crois Eduscol, le débat argumenté est au cœur de la vie démocratique. Si j’en crois la presse, le débat sur lequel j’interroge madame Le Pen s’est caractérisé par sa brutalité et par la profération par votre candidate de nombreuses contevérités. Cette façon de faire, si elle est avérée, porte atteinte au débat démocratique qui ne peut exister que s’il est loyal. J’ai interrogé madame Le Pen dans le même esprit que celui qui a été le mien lorsque j’ai interrogé des ministres socialistes : on soulève des faits graves qui relèvent de votre compétence et dont le programme de ma matière dispose ou permet l’étude ; auriez-vous l’obligeance de m’indiquer si vous avez des arguments rationnels et loyaux à faire valoir pour défendre les positions que vous avez prises ? En quoi manqué-je à mes obligations de neutralité, monsieur Avello ?
Vous affirmez, par ailleurs, que la conception qu’a madame Le Pen de l’École est différente de la mienne. Cela est bien possible, de même qu’il est probable que, vous ministre de l’éducation, j’aurais été sanctionné pour mes différents courriers et adresses. Mais cela, aujourd’hui, est totalement indifférent, car ce qui détermine la façon dont je dois agir, c’est le droit de la République, les valeurs de celle-ci et les connaissances et découvertes en didactique, non les conceptions de madame Le Pen, qui n’est pas une source de droit, qui n’est pas une autorité scientifique et qui, de surcroît, ne saurait prétendre à un quelconque magistère moral que lui reconnaîtrait notre société. Pourquoi alors, dans votre réponse, invoquer la conception qu’aurait de l’École madame Le Pen ? Soyez rassuré, monsieur Avello : le cours et le dossier que je prépare ne portent pas sur les conceptions de madame Le Pen, mais sur le fait de savoir si le débat public a été ou non biaisé par des mensonges, des contre-vérités ou des insinuations infondées. J’ai interrogé votre candidate pour m’assurer qu’elle puisse faire valoir, si elle le souhaite, les arguments de son choix contre les imputations sérieuses que Le Monde a portées contre elle, non pour connaître ses positions sur l’École.
Enfin, monsieur Avello, vous avez jugé opportun de citer Jean Zay dans votre réponse. Des voix plus autorisées que la mienne, à commencer par celle de la fille1 de l’héroïque ministre du Front Populaire assassiné par la Milice, se sont élevées pour réprouver votre prétention à exciper de la pensée de Jean Zay pour défendre votre programme. Démontrer la justesse d’une telle réaction rendrait sans doute trop longue cette lettre2. Mais, souffrez, monsieur Avello, que je rappelle ici la volonté du ministre de protéger les élèves contre le mensonge et la manipulation politiques et celle qui fut la sienne aussi, de défendre l’objectivité et la vérité. Souffrez donc que je vous dise que je pense m’être situé dans la voie qu’il a tracée, que ce soit par les lettres que j’ai adressées au Front National ou par celles que j’ai destinées à d’autres responsables politiques.
Dans l’attente d’une éventuelle réponse, je publie cet échange que mon blog et vous prie, monsieur Avello, d’agréer l’expression de mes salutations républicaines.
Sebastián Nowenstein,
professeur agrégé.
PS : Monsieur Jalkh n’a pas, à ce jour, donné suite à mon courrier concernant les propos négationnistes qu’on lui impute. Puis-je vous demander de vous assurer qu’il a bien reçu ma lettre ?

1http://www.lepoint.fr/presidentielle/helene-mouchard-zay-marine-le-pen-se-fourvoie-sur-jean-zay-17-02-2017-2105451_3121.php

2Passons aussi sur les vitupérations ou l’activisme de Bruno Gollnisch contre la panthéonisation de celui dont vous vous réclamez maintenant : http://abonnes.lemonde.fr/politique/article/2014/03/19/crispations-sur-l-entree-de-jean-zay-au-pantheon_4385601_823448.html