Ma réponse au recommandé du Recteur.

A la fin du ministère Vallaud-Belkacem, j’avais écrit à la ministre pour m’étonner de ne pas avoir reçu de réponse aux courriers que je lui avais adressés par la voie hiérarchique. En juillet 2017, au début donc, du ministère Blanquer, j’avais reçu par courrier avec accusé de réception une lettre du Rectorat que je publie ici, ainsi que ma réponse. Il n’y a eu aucune suite disciplinaire à cet échange et j’ai continué à écrire et à publier des courriers, toujours signés de mon grade, professeur agrégé.

La lettre du Recteur :

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Ma réponse à la réponse du Recteur :

À Bruxelles, le 28 juillet 2017.

Monsieur le Recteur,

Je viens de me faire remettre ce jour votre courrier en date du 20 juillet 2017, que vous avez bien voulu m’envoyer par lettre recommandée avec accusé de réception. Je tiens tout d’abord à vous remercier d’avoir consacré du temps à prendre connaissance de mes lettres qui, longues et techniques, trouvent fort rarement des lecteurs.

J’ai noté toutefois que vous désapprouviez que je signe ces lettres en indiquant ma qualité de professeur agrégé. La disparition de ces deux termes –professeur agrégé– ou de l’un ou l’autre de ces deux termes suffirait-elle à rendre ces publications conformes à l’idée que vous vous faites de mes devoirs et obligations ? Cesserez-vous alors de réprouver mon comportement ou nourrissez-vous d’autres reproches à mon égard ? La portée générale du dernier paragraphe de votre lettre et le pluriel du mot manquements :

Je tiens à vous faire savoir combien je réprouve votre comportement et vous demande de remédier, sans délai, à ces manquements.

me font penser que tel pourrait être le cas. Je dois vous avouer, Monsieur le Recteur, que j’éprouve quelque difficulté à cerner la nature et l’étendue exactes de vos exigences, que je vous serais reconnaissant donc de bien vouloir préciser.

Monsieur le Recteur, votre courrier a suscité ma perplexité pour un autre motif. Ces lettres qui, à votre estime, contreviennent à mon devoir de réserve et à mon obligation de neutralité, je les publie depuis bientôt cinq ans. Elles ont toutes été transmises par la voie hiérarchique et, pour chacune d’elles, j’ai pris garde d’indiquer que je les publierais sur mon blog. Comment cela se fait-il, Monsieur le Recteur, que ce qui n’a pas appelé de commentaire pendant cinq ans devienne soudain contraire à mes obligations et devoirs les plus fondamentaux ? Auriez-vous l’amabilité de m’indiquer quels sont les textes définissant le devoir de réserve et l’obligation de neutralité que je méconnaîtrais maintenant et que je respectais avant ? Peut-être y a-t-il une jurisprudence nouvelle en la matière qui conduirait le ministère à restreindre la liberté d’expression des enseignants ? Est-ce le fait d’avoir groupé ces lettres en un seul envoi et d’avoir rappelé qu’elles restaient sans réponse qui aurait pour effet de rendre constitutif de manquements à mes devoirs et obligations ce qui auparavant ne l’était pas ?

Je m’interroge aussi sur la nature de votre courrier et sur le sens qu’il faut lui donner. Je n’ai pas la vanité de croire que vous m’écrivez par lettre recommandée avec accusé de réception uniquement pour me faire part de vos impressions de lecture. Je crois comprendre par conséquent que le sens de votre lettre est de prendre date en vue du déclenchement d’une procédure disciplinaire à mon encontre dans l’hypothèse où je ne me soumettrais pas à vos exigences. Mais, Monsieur le Recteur, la loyauté que le fonctionnaire est en droit d’attendre de l’administration n’aurait-elle pas voulu que le sens de votre lettre soit indiqué de manière explicite et non obtenu par déduction du caractère intimidatoire d’un envoi recommandé avec accusé de réception ? Vous dédaignez, Monsieur le Recteur, de préciser toute référence légale, vous omettez d’indiquer quelles sont les sanctions que j’encours, vous formulez des exigences floues. Cette façon de répondre à des courriers argumentés et civils transmis pendant des années par la voie hiérarchique revêt pour moi une forme de mépris qui me paraît injustifiée. Elle constitue aussi un refus de délibérer que, personnellement, je déplore. C’est quelque chose que je ne saurais vous occulter, Monsieur le Recteur, même si cela m’est pénible de vous le dire.

Je ne suis pas en mesure, Monsieur le Recteur, de remédier dans l’immédiat à ces manquements que vous m’imputez. Mais je prendrai position le plus rapidement possible, pour autant toutefois que vous aurez bien voulu m’indiquer à tout le moins la nature exacte de vos exigences. Je précise cependant que dans les semaines à venir je n’aurai pas accès à mon courrier postal. Je pourrai toutefois me connecter, bien qu’épisodiquement, à Internet. Je me permets donc de suggérer respectueusement que la réponse que vous pourriez faire à cette lettre me parvienne par courriel, étant bien entendu que j’ai pris acte du caractère pour ainsi dire performatif que vous avez voulu conférer à notre échange en le débutant par une lettre recommandée avec accusée de réception.

Je voudrais enfin vous demander si votre lettre annonce une réponse prochaine à celles que j’ai envoyées ou si c’est la volonté définitive du ministère que de les laisser sans suite.

Je vous prie de croire, Monsieur le Recteur, à l’expression de mes salutations dévouées et respectueuses.

Sebastián Nowenstein,

professeur agrégé.

PS : J’ai noté que Monsieur le Proviseur de mon chef d’établissement, ainsi que Mesdames et Messieurs les IA-IPR d’espagnol, que je salue respectueusement, ont reçu copie de votre courrier. Je vous saurais gré de bien vouloir leur transmettre ma réponse.