Fraises espagnoles, recel, distorsion de la concurrence. Lettre au Procureur de la République.

Document de travail.

Monsieur le Procureur de la République,

Je porte à votre connaissance les faits suivants :

1. Des fruits rouges sont produits illégalement en Espagne et, selon mes informations, commercialisés en France.

2. L’illégalité de ces productions découle du fait que certaines exploitations se situent dans des terres non-agricoles et/ou du fait que les plants sont arrosés avec de l’eau, ressource publique, captée illégalement.

3. La Commission européenne a assigné l’Espagne devant la Cour européenne de justice pour non-respect de ses obligations de protection des zones humides de Doñana. La Commission écrit notamment :

(…) de grandes quantités d’eau sont détournées à la fois pour l’agriculture et pour les besoins des touristes locaux, ce qui entraîne un effondrement du niveau de la nappe1

Je note que l’article 321-1 du code pénal dispose :

Le recel est le fait de dissimuler, de détenir ou de transmettre une chose, ou de faire office d’intermédiaire afin de la transmettre, en sachant que cette chose provient d’un crime ou d’un délit.

Constitue également un recel le fait, en connaissance de cause, de bénéficier, par tout moyen, du produit d’un crime ou d’un délit.

La captation sans autorisation d’eau est réprimée par l’article 247 du code pénal espagnol2.

Il me faut conclure que le commerce qui a lieu sur le sol français de fruits rouges produits dans des terres non-agricoles et arrosés avec de l’eau volée tombe sous le coup de l’article 321-1 du code pénal, ce dont je vous informe par la présente en conformité avec les dispositions de l’article 40 du code de procédure pénale.

À titre subsidiaire, j’observe que l’inexécution par l’État espagnol de ses obligations octroie un avantage sélectif à certains producteurs et constitue une aide d’État au sens de l’article 107 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui interdit ce type d’aides3.

L’inaction de la Commission européenne en la matière expose donc les producteurs français travaillant sur des terres agricoles et payant l’eau qu’ils utilisent à une concurrence déloyale.

Je vous prie d’agréer, monsieur le procureur, l’expression de mes salutations les meilleures.

S. Nowenstein,

professeur agrégé.

1Voir http://europa.eu/rapid/press-release_IP-19-466_fr.htm

2Art. 247 du code pénal espagnol : 1. El que, sin hallarse autorizado, distrajere las aguas de uso público o privativo de su curso, o de su embalse natural o artificial, será castigado con la pena de multa de tres a seis meses.

3J’ai alerté des producteurs français de fruits rouges de cette situation.

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