Lettre de Nierenstein à 751 députés européens.

Madame, Monsieur,
Dans un récit célèbre, Tema del traidor y del héroe, l’écrivain argentin Jorge Luis Borges raconte l’histoire de Ryan qui, découvrant que son arrière-grand-père ne fut pas, comme chacun pense, le héros de la lutte pour l’indépendance de son pays, mais un traître, décide d’occulter sa découverte et publie une biographie à la gloire de son ancêtre.
Madame, Monsieur le député, j’ai la conviction que la littérature peut être un espace où l’on débat de façon civilisée des questions qui se posent à nos sociétés. Votre chambre vient de voter la directive 2016/943 sur le secret des affaires. Ce texte vise à trouver un équilibre entre des loyautés et des légitimités qui entrent parfois en conflit. Le récit de Borges donne à voir une situation où les obligations d’un homme à l’égard de la vérité sont en tension avec celles qui dérivent de sa loyauté à un ancêtre et à une cause politique.
Qu’auriez-vous fait, monsieur, madame le député à la place de Ryan ? Consentiriez-vous à prendre une position argumentée en réponse à cette question ?
Je voudrais diffuser vos réponses auprès des lycéens d’aujourd’hui, qui sont les citoyens européens de demain.
Dans l’attente de votre réponse, je vous prie de croire, madame, monsieur le député, à l’expression de mes salutations respectueuses.
Esteban Nierenstein,
professeur agrégé.
(Je poursuis la publication des écrits d’Esteban Nierenstein, professeur agrégé dans un autre univers et qui a choisi de publier chez nous pour éviter les sanctions dont on le menace dans son monde à lui. Je dois dire que j’ai du mal à comprendre la vindicte dont on poursuit mon collègue ; il ne dit rien de mal. SN)