Moins de filles que de garçons à l’école ? Demande de transmission de documents.

J’interroge le ministre Blanquer au sujet de ses déclarations selon lesquelles il y aurait moins de petites filles que de petits garçons à l’école. Ces affirmations sont contredites par les chiffres de notre ministère. Je demande transmission des documents pouvant étayer le propos du ministre.

https://sebastiannowenstein.org/wp-content/uploads/2023/02/messages-internes-ayant-pu-etre-retrouves-undefined-Courrier-SOGo.pdf

A Lille, le 9 décembre 2020.

Monsieur le ministre Blanquer,

s/c du chef d’établissement,

  1. Vous avez déclaré le 31 août 2019 (France Culture, minute 15.) : « Il y a plus de filles que de garçons qui ne vont pas à l’école maternelle pour des raisons sociétales. Et appelons un chat un chat, le fondamentalisme islamiste dans certains territoires a fait que certaines petites filles vont à l’école le plus tard possible. »
  2. Selon Le Monde du 19 septembre 2019, votre cabinet a affirmé que votre propos visait “des situations particulières « dans certains quartiers, certaines zones », qui ont été signalées au ministère par des équipes académiques ou des parents d’élèves”. Votre cabinet, selon cet article, concédait que, dans vos déclarations, il y avait de l’imprécision.
  3. Dans le même sens, Franceinfo écrit le deux septembre 2019 : “Le cabinet de Jean-Michel Blanquer a expliqué à franceinfo que « les propos du ministre faisaient référence à des signalements que nous avons de nos équipes laïcité en académie relativement à certains quartiers ». Sans donner plus de précisions sur les secteurs en question.”
  4. Pourtant, le 19 janvier 2020, vous avez déploré les critiques qui vous avaient visé à la suite des propos dont il est question dans (1). Vous avez moqué, je vous cite, “les soi-disant décodeurs qui vous disent que vous dites n’importe quoi”. Ces déclarations donnent à penser que  vous maintenez vos affirmations initiales et que des informations inconnues de votre cabinet au moment où Le Monde et Franceinfo ont interrogé ce dernier vous sont parvenues.
  5. Dans un sujet d’une telle gravité et qui semble avoir motivé (voir Le Monde du 9 décembre) en partie la rédaction de la récente loi portant sur les principes républicains, il serait important que nous, enseignants, puissions disposer d’informations précises.
  6. Je souhaiterais donc que me soit transmis tout document ou toute enquête qui permettrait d’étayer vos affirmations ou celles de votre cabinet. Je vous prie de noter que j’ai déjà connaissance des Repères et références statistiques RERS – 2019 -chap 3, qui infirment vos affirmations. Ce que je recherche, donc, ce ne sont pas ces documents, mais, au contraire, ceux qui vous ont conduit à tenir des propos que les études statistiques de notre ministère contredisent.
  7. Je précise à toutes fins utiles que j’ai introduit une demande analogue auprès de la PRADA du ministère de l’Éducation nationale, qui l’a rejetée : J’ai donc le regret de vous informer que nous ne sommes pas en mesure de donner une suite favorable à votre demande, m’écrit-on
  8. Je précise également que j’ai interrogé sur le même sujet le ministre Darmanin, qui formule des affirmations proches des vôtres. Le ministre de l’intérieur évoque les petits fantômes de la République ; il veut sauver ces petites filles des griffes des islamistes. Au moment où je vous écris, le ministre Darmanin n’a pas répondu à ma demande.
  9. Je forme des vœux pour que vous me transmettiez l’information demandée et me permets de suggérer que vous la diffusiez largement. Il serait fâcheux, vous en conviendrez sans doute, que prévale l’impression que vos affirmations sont dépourvues de fondement empirique. L’apparence pourrait naître ainsi que la loi « confortant les principes républicains » a été en partie prise pour faire face à un danger non établi.

Je vous prie d’agréer, monsieur le ministre, l’expression de mes salutations les meilleures.

Sebastián Nowenstein

professeur agrégé

PS : Le 9 décembre 2021, un an jour pour jour après l’envoi de ce courrier, le ministre Blanquer déclarait, pour clôturer les journées de la laïcité du CNAM :

Quand il y a des petites filles qui ne sont pas scolarisées, c’est la liberté qui recule.

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