Contrôles britanniques à Bruxelles. Question parlementaire de madame Genot à madame Milquet, vice-première ministre et ministre de l'intérieur.

Chambre des représentants – Commission de l’Intérieur

Réunion du 5 juin 2013 – Extrait du compte rendu intégral (CRIV 53 – 0766)

03 Question de Mme Zoé Genot à la vice-première ministre et ministre de l’Intérieur et de l’Égalité des chances sur « les contrôles britanniques à la gare du Midi » (n° 17727)

03.01 Zoé Genot (Ecolo-Groen): Monsieur le président, madame la ministre, le 28 novembre 2012, vous avez déclaré en commission, au sujet des arrestations dont un voyageur a fait l’objet en gare du Midi pour s’être soustrait aux contrôles britanniques que « ce sont des arrestations qui n’ont absolument pas eu lieu au motif que l’intéressé refusait de se soumettre aux contrôles britanniques » pour indiquer, quelques mots plus loin, que « cela étant dit, il est évident qu’il y a un lien entre l’attitude de l’intéressé qui a justifié les arrestations et le fait qu’il dénonçait, sur un point légitime, même s’il fallait le faire différemment et selon d’autres modalités, les contrôles britanniques sur les déplacements à l’intérieur de l’espace Schengen ».

Le souci, madame la ministre, c’est que les procès-verbaux en ma possession prouvent qu’il n’en est rien et que les arrestations avaient bien lieu au motif que l’intéressé se soustrayait aux contrôles britanniques.

Mais au-delà de cette question de principe, je voudrais vous interroger sur le point de savoir si le cas que vous mentionniez dans votre déclaration est exceptionnel ou s’il est – ce serait plus inquiétant – représentatif de pratiques plus ou moins courantes au sein des forces de police. Un individu se soustrait à des contrôles britanniques non fondés en droit et, pendant des années, il est l’objet d’arrestations au motif, disent les procès-verbaux, qu’il s’est soustrait auxdits contrôles.

Qui a donné l’ordre de procéder à ces arrestations? Est-il courant que la police procède à des arrestations répétées d’un individu alors qu’elle sait qu’il n’y a rien de répréhensible dans son comportement?

Quels enseignements tirez-vous de cette affaire? Avez-vous mis en place des procédures pour que ce genre de choses n’arrive pas dans notre pays?

Des milliers de fonctionnaires de police dont vous avez la charge accomplissent leur travail avec professionnalisme et dévouement chaque jour. La réponse que vous avez donnée ici revient à dire que des procès-verbaux établis par des fonctionnaires pendant des années passaient sous silence le motif des arrestations et en invoquaient au contraire d’autres qui étaient inexacts.

À la même occasion, vous déclariez: « Je déplore ces incidents qui se sont produits avant 2011. » Il faut en effet vous donner acte du fait que des modifications bienvenues ont été mises en place en gare du Midi: les voyageurs à destination de Lille ne doivent plus se soumettre aux contrôles britanniques.

Je me permets de vous reposer deux questions auxquelles vous semblez avoir oublié de donner réponse lors de votre dernière intervention sur le sujet.

À propos de la qualité de frontière extérieure du terminal Eurostar, pouvez-vous m’indiquer les textes qui l’instituent? Pouvez-vous également m’indiquer à partir de quelle date la police fédérale a eu conscience de l’illégalité des contrôles britanniques? Le temps écoulé entre cette date et celle de la mise en place du couloir dont vous parlez fut, au vu du dossier, anormalement long. Pouvez-vous m’en communiquer les raisons?

03.02 Joëlle Milquet, ministre: Monsieur le président, madame Genot, c’est la troisième fois que je vais aborder cette question et dire et redire la même chose!

Avant 2011, il y eut, au total, sept arrestations d’un voyageur Eurostar à destination de Lille à la gare du Midi. Cela ne me semble pas un chiffre énorme. De nature administrative, elles furent opérées par des policiers fédéraux belges sous la responsabilité d’un officier de police administrative de la police fédérale des chemins de fer.

Je répète, sur la base des informations qui m’ont été transmises, que ces arrestations ont eu lieu pour des raisons de trouble à l’ordre public et à la tranquillité causé par l’intéressé dans le terminal à l’occasion de son refus, fût-il légitime, de se soumettre au contrôle des services d’immigration britanniques. Donc, apparemment, l’intéressé n’est pas resté totalement silencieux!

La plainte déposée en 2011 par le voyageur, relative à ces arrestations par la police belge, fait l’objet d’une enquête judiciaire par l’Inspection générale de la police fédérale et de la police locale sous la conduite d’un juge d’instruction. Je n’ai pas l’impression que l’on ait conclu, à ce stade, que la police avait mal travaillé – et je pèse mes mots.

Je répète aussi que le Royaume-Uni ne fait pas partie de l’Espace Schengen et que le Code « Frontières Schengen » de 2006 ne lui est donc pas applicable. De plus, les plaintes relatives à l’illégalité des contrôles britanniques des voyageurs à destination de Lille ont été l’origine d’une analyse juridique par la police fédérale.

En ce qui concerne les trains directs, la Convention Eurostar entre les gouvernements de la Belgique, de la France, du Royaume-Uni et de l’Irlande du Nord, signée à Bruxelles le 15 décembre 1993 et entrée en vigueur le 1er décembre 1997, offre la base légale aux contrôles frontaliers des entrées sur le territoire du Royaume-Uni qui sont effectués par des agents britanniques.

Par contre, en ce qui concerne les contrôles d’immigration des entrées sur le territoire britannique à l’égard des passagers empruntant un train avec arrêt à Lille, une telle base légale fait toujours défaut. C’est la raison pour laquelle des négociations sont en cours avec le Royaume-Uni, sous la direction de l’Office des Étrangers, afin de conclure un accord en la matière.

Suite à l’analyse juridique de la police fédérale, une concertation s’est tenue le 9 décembre 2010 entre l’Office des Étrangers et la police fédérale. Lors de cette concertation, l’idée est venue de créer le corridor spécifique pour les passagers à destination de Lille de sorte à ce qu’il n’y ait plus de contact possible entre ces passagers et les agents d’immigration britanniques, puisque ces deniers ne sont compétents que pour le train direct qui va immédiatement en Angleterre. Afin de réaliser l’aménagement infrastructurel nécessaire, une demande a été adressée à la société Eurostar, via le Groupe SNCB, avec deux rappels dans le courant de l’année 2011 (le 6 mai et le 8 juillet). Ce système est entré en vigueur en date du 15 février 2012.

Il reste un problème en France puisque les Français ne veulent pas que les Britanniques contrôlent sur leur territoire les passagers qui partent vers l’Angleterre. Les Français n’acceptent pas que des autorités de pays étrangers officient sur leur territoire.

03.03 Zoé Genot (Ecolo-Groen): Madame la ministre, je suis contente que l’action de ce passager ait pu aboutir à cette remise en cause et au respect de la légalité.

Vous dites dans votre réponse qu’il a été arrêté pour trouble de l’ordre public mais plusieurs procès-verbaux mentionnent clairement que c’est parce qu’il se soustrayait à ces contrôles illégaux. Même les policiers étaient mal à l’aise de devoir accomplir un acte illégal. J’espère que cela ne se reproduira plus.