Réponse du Dieu des Porcs à monsieur S, journaliste, qui dit du bien des végans.

Cher Monsieur S,

Pour les Porcs, il vaut mieux vivre un peu et être mangé après que de disparaître de la face de la terre.

Les végans, pour protéger les porcs du sort fatal qui est le leur, veulent les faire disparaître.

Les végans protègent leur sensibilité, pas les porcs.

Si vous étiez porc, que choisiriez-vous, de l’anéantissement ou de la vie promise à l’abattoir? Vous, porc, que choisissez-vous pour vos petits ?

On choisit tous la vie, fût-elle promise à l’abattoir.

Il est donc aisé de répondre à un végan si ses arguments sont ceux que vous lui prêtez.

Soyez honnête : les porcs doivent disparaître pour sauver les hommes. Leur anéantissement, leur disparition de la terre en tant que masse biologique, en tant que masse vivante, est une nécessité pour les hommes, par pour les porcs. Œuvrer pour la disparition des porcs tout en prétendant faire leur bonheur est absurde. C’est un syllogisme cynique qui ne devrait duper personne. Les végans le comprennent, mais ne l’avouent pas. Leur programme inclut-il le partage de la Terre entre porcs et hommes ? Non. Tout ce qu’ils envisagent, c’est la disparition progressive des porcs. Le végétalisme, l’antispécisme constituent, pour nous, des dangers mortels. Des générations d’hommes se sont régalées de notre chaire. Maintenant que nous (vous et nous) sommes devenus trop nombreux, votre survie vous conduit à l’ingratitude. Cette ingratitude, les végans, êtres aussi sensibles qu’hypocrites, la travestissent en sollicitude.

Demandez donc aux porcs. Écoutez-les. Chacun d’eux choisira l’abattoir, si cela permet à sa descendance de vivre encore ; l’abattoir, plutôt que le néant ; la vie, plutôt que la mort. Chacun d’eux, S, chacun d’eux.

Je suis le génome des porcs. Appelez-moi le dieu des porcs, si cela vous est plus facile.

A l’aube de l’Humanité, je me suis débrouillé pour faire travailler l’Homme à notre splendeur.

La réussite fut fulgurante. Elle est aujourd’hui évidente, visible pour tous. Nos excréments saturent les rivières bretonnes. Jamais le misérable génome de nos ancêtres n’aurait rêvé d’un tel exploit.

C’est parce que nous nous sommes adossés aux Hommes que nous avons réussi ainsi.

Ma chaire, mes pauvres chaires souffrent dans les fermes et abattoirs ? Je le sais, et cela me peine parfois. Mais c’était le prix à payer. Pour un génome, seule son expansion compte. Et puis, vous le savez sans doute, la chaire, l’individu, n’est que le véhicule que le génome emprunte pour être au monde. Elle peut être mangée. Mes cochons, c’est comme vos ongles ou vos cheveux. Mes cochons, ce ne sont que mes vieilles branches. Vous, S, vous aussi n’êtes qu’un véhicule, qu’une branche promise à l’élagage. Une branche d’un autre génome, celui des Hommes.

Mais, mes branches à moi, quand vous les aurez coupées toutes (si donc, un jour vous le faites, si un jour vous comprenez que vous devez cesser de nous manger et nous faire disparaître pour survivre à tant de milliards comme vous êtes), alors c’est moi qui mourrai, moi, le génome des porcs.

Il serait charitable que vous continuiez à nous manger. Que la fête se poursuive aussi longtemps que la Terre tient. Continuez à nous faire pousser, mangez-nous.

Tout sauf le néant. Disparaissons ensemble, frères humains. C’est le seul choix éthique digne de vous, de vos traditions. Soyez stoïques, soyez fidèles. Allons ensemble au désastre.

Allez-vous vraiment vous priver d’une viande qui grésille pour protéger l’avenir de vos enfants, d’êtres qui ne sont pas nés ? Au nom de notre longue amitié, ne le faites pas.

Le Dieu des Porcs, leur digne génome.

Boite noire :

Comment fait-on parler un génome ?

Nous avons développé l’Acharneur de réalités virtuelles (ARV) et les Logiciels Incarnés (LI). Ces outils nous permettent de transcrire, avec une fiabilité proche de la perfection, les messages d’entités variées, tels que les génomes.

Le monde est saturé de messages. Il suffit de les écouter.

Voir aussi, sur le sujet, l’éditorial du Monde du 20 mars 2020: Des excès de Borges. Éditorial du Monde en défense d’Emmanuel Macron.