Contrôles au faciès : ma réponse à la réponse du Préfet.

J’ai reçu un accusé de réception automatique de la Préfecture :
Ceci est un accusé de réception automatique.
Nos services vous informent de l’enregistrement de votre courrier électronique et de son orientation vers le service compétent.
Le cas échéant, ils s’efforceront de vous apporter une réponse dans un délai de 5 jours ouvrés soit par une réponse à votre demande ou soit par une réponse d’attente dans l’hypothèse où ce délai ne peut être respecté compte tenu des spécificités de votre situation ou de la réglementation
 
Monsieur le Préfet,
Je vous remercie pour votre courrier1.
Je me félicite que la République ait su mettre un terme aux contrôles au faciès qui avaient lieu en gare de Lille Europe. Depuis que je vous ai écrit pour les dénoncer2, je nen ai plus constaté.
Hélas, monsieur le Préfet, la pratique se poursuit dans les trains qui desservent Bruxelles. Des contrôles sélectifs sont effectués. Les migrants sont groupés dans la voiture-bar. Ils sont attendus par la sûreté ferroviaire belge à quai, puis ils sont soumis à des palpations que rien ne semble justifier. J’ignore ce qu’il advient d’eux après. Le mardi 11 décembre, j’ai assisté à une telle opération. Le jeudi 13 décembre aussi. J’ai été retenu ce jour-là par la sûreté ferroviaire belge, qui me reprochait d’avoir filmé son intervention.
Je saisi les autorités belges pour les faits se déroulant sur le sol belge, mais je m’adresse à vous aussi parce qu’une partie des contrôles se déroule sur le sol français.
Ce qui pose problème, encore une fois, ce sont les contrôles sélectifs, qui visent des personnes que les contrôleurs considèrent être d’apparence étrangère. Ces contrôles posent les mêmes problèmes que ceux pour lesquels je vous ai saisi. Qu’ils soient effectués à bord d’un train ne me paraît pas en changer la nature : contrôler les noirs et ne pas contrôler les blancs est discriminatoire. Malheureusement, moi et d’autres voyageurs habituels avons souvent constaté de telles pratiques.
Je remarque que ces contrôles lèsent non seulement les droits des personnes migrantes, mais ceux aussi des voyageurs qui, parfaitement en règle, sont de même apparence qu’elles.
Monsieur T est docteur en mathématiques et assimilé fonctionnaire. Il prend le train depuis 17 ans. Monsieur T est Belge et Sénégalais. Monsieur T est davantage contrôlé que nous, voyageurs blancs. Il y a quelques semaines, il s’apprêtait à s’asseoir dans l’Eurostar à destination de Bruxelles après avoir produit son billet sur le quai devant un agent de Sécuritas, quand un autre agent se précipita vers lui pour exiger derechef la présentation du billet déjà présenté.
Si l’on peut concevoir que le deuxième agent ait ignoré que le billet avait été présenté, on ne comprend pas (ou on ne comprend que trop bien) pourquoi monsieur A, un autre voyageur habituel qui était en compagnie de monsieur T, ne se vit rien demander. Devant l’indignation de monsieur A, qui constatait que monsieur T était victime d’une discrimination raciale inacceptable, l’agent de Sécuritas s’en alla.
La race ne saurait être un indice acceptable d’infraction en République.
Monsieur le préfet, vous m’écrivez qu’à la suite de mon intervention, les principes de la charte d’éthique et de déontologie de la SNCF ont, à nouveaux, été soulignés auprès des intervenants de la gare de Lille Europe. Il semble nécessaire qu’il en soit fait de même auprès du personnel roulant travaillant dans les trains au départ de Lille Europe. Nombreux sont, en effet, les contrôleurs pensent que leur entreprise attend d’eux qu’ils agissent comme ils le font. Ils sont nombreux à en souffrir, en tant que cheminots et en tant que citoyens. Qu’il soit rappelé aux cheminots le code déontologique de l’entreprise est donc bien. Ils sauront que non seulement ils n‘ont pas besoin de procéder à des contrôles qui font violence à leur conscience, mais, mieux, qu’ils ne doivent pas les effectuer.
Mais se défausser sur ces les personnels tout en découvrant ou en faisant mine de découvrir ce que l’on n‘aurait su ignorer en haut lieu manquerait d’élégance, pour dire le moins. Aussi, il semble par-dessus tout urgent que la loi républicaine soit encore rappelée à l’entreprise. Formons des vœux pour que ses dirigeants, prenant la loi au sérieux, assument les responsabilités qui sont les leurs.
C’est que, monsieur le préfet, à la lumière des faits constatés, on est en droit de s’interroger sur la compréhension des principes républicains par la SNCF. Ou sur sa sincérité et la profondeur de son engagement à les respecter. Le rappel mentionné dans le courrier que le directeur régional vous a transmis paraît s’être cantonné au périmètre le plus limité possible de mon intervention pour mieux ignorer le périmètre du problème lui-même. Faut-il croire que l’on se moque de l’État et de son représentant, que l’on ruse, que l’on finaude ?
Je vous saurais gré, monsieur le préfet, de bien vouloir renouveler votre intervention auprès de la compagnie ferroviaire afin que la légalité républicaine soit respectée autant sur les quais de la gare qu’à bord des trains qui en partent.
Je vous prie d’agréer, monsieur le préfet, à l’expression de mes salutations dévouées.
Sebastián Nowenstein

2Lettre publiée ici : http://sebastiannowenstein.blog.lemonde.fr/2018/09/22/controles-au-facies-de-migrants-en-gare-de-lille-europe-lettre-au-prefet-de-region/

Voir aussi :
http://sebastiannowenstein.blog.lemonde.fr/2019/01/14/controles-au-facies-en-gare-de-lille-europe-le-defenseur-des-droits-va-instruire/