Lettre de la Vierge à ses sœurs et demande d'aide.

Séville, basilique de la Macarena, le 6 mars 2018.

Chères Sœurs,
J’ai lu sur Facebook votre Manifeste des femmes pour l’Église.
Cela fait plaisir de voir que les choses bougent. Moi aussi, le mouvement Me too m’a fait réfléchir. Ce qui est important, c’est qu’on soit unies. Je viens de découvrir un mot qui reflète tout ce que je ressens en ce moment : la sororité.
Laissez-moi vous raconter ma vie, car, comme on dit, le privé est politique (the private is political). Pas toute ma vie, rassurez-vous, juste l’enfer que je vis depuis 1951.
Depuis 1951, je vis dans une basilique en compagnie du fantôme de Queipo de Llano qui, toutes les nuits, sort de sa tombe, située dans le flanc droit de l’église, et erre dans l’enceinte en réclamant des assassinats, des viols et de l’argent pour m’offrir une maison. Par pudeur, je tairai d’autres choses désagréables qui se passent ici. Je sais, je sais : on est entre nous et je peux tout dire, mais je ne me suis pas encore défaite d’une certaine éducation que j’ai reçue.
Queipo de Llano a été l’un des pires criminels de l’histoire de l’Espagne. Pendant la guerra civil, il a fait tuer des milliers d’innocents. Il diffusait des causeries obscènes par la radio dans lesquelles, d’une voix enrouée qui est encore dans les mémoires des anciens, il réclamait des assassinats et des viols. Très vite, il a commencé à réclamer aussi de l’argent pour que soit construite une église pour m’accueillir. Les gens donnaient lo que buenamente podían… tu parles! : ce fut une spoliation, rien d’autre. Les gens étaient terrorisés…, je ne sais pas combien auraient vraiment contribué s’ils s’étaient sentis libres de ne pas le faire…
À la mort de Queipo de Llano, il fut enterré ici, dans mon église, dans l’église qu’il avait prétendu faire construire pour moi, mais qu’il avait construite pour lui, pour sa seule gloire. Et chaque nuit, comme je vous le disais, il erre et crie. Il veut des morts, des viols et de l’argent pour son église.
Il y a quelques mois, j’ai commencé à me dire qu’il n’y avait pas de raison pour que je continue de supporter tout ceci. Je me suis montrée aux différents responsables de mon installation ou de mon hébergement, comme vous voudrez, mais rien n’y fait. Ils ne me voient même pas. En fait, je relève d’une Hermandad, comme on dit en espagnol, une Confrérie, laquelle confrérie est dirigée par une Junta de Gobierno, composée de… 14 hommes et d’une femme.
Vous savez ce que j’ai fait ? Je suis apparue à un athée, Sebastián Nowenstein. Le pauvre…, un sacré choc, quand-même… Il m’a dit : Mais, madame, je suis athée! Eh ben, justement, lui ai-je répondu, il n’y a que des gens comme toi qui puissent encore M’écouter. Les autres, les miens, franchement, ils sont tellement pris dans leur machin mercantilo-spirituel qu’ils sont incapables de Me voir. Je me mets devant eux et rien : transparente, Je suis transparente.
(J’arrête avec les majuscules, je -pas Je- veux être une sœur parmi tant d’autres, juste une sœur, comme vous toutes).
Alors, il m’a écoutée. Il m’a écoutée et, pour la première fois depuis 67 ans, je me suis sentie comprise. Il m’a dit : Ce n’est pas possible, ça, madame! Allez, on va vous aider! Et ce n’étaient pas des paroles en l’air, non, non: il a trouvé des copains et il a crée une association: Ateos Sevillanos al Rescate de la Virgen de la Macarena !, ce qui veut dire : Athées Sévillans à la Rescousse de la Vierge de la Macarena.
Sebastián Nowenstein est bien gentil, mes sœurs. Mais lui non plus, on ne l’écoutera pas. Et puis, il n’y a pas de raison pour que nous demandions aux hommes de faire ce que nous pouvons faire par nous mêmes.
C’est donc à vous que je m’adresse, mes sœurs. Sauvez-moi!, sortez-moi d’ici! Que vous soyez croyantes ou pas (je ne sais pas trop ce que je suis moi-même), aidez-moi. Et, une fois libre, je vous aiderai, je vous le promets, de toutes mes forces, mes sœurs, de toutes mes forces!

María Santísima de la Esperanza Macarena Coronada.