Projet Nos Arbres, Timburbrou.

Votre idée d’amuser un peu la vivacité de votre fille et de l’exercer à l’attention sur des objets agréables et variés comme les plantes, me paraît excellente, (…)

Jean-Jacques Rousseau, Lettres élémentaires sur la botanique, 22 août 1771.

Teaching is like photosynthesis: making food from air and light.

Richard Powers, Bewilderment, septembre 2021.

« Askrinn er allra trjá mestr ok beztr. Limar hans dreifast um heim allan ok standa yfir himni. Þrjár rætr trésins halda því upp ok standa afarbreitt. Ein er með ásum, en önnur með hrímþursum, þar sem forðum var Ginnungagap. In þriðja stendr yfir Niflheimi, ok undir þeiri rót er Hvergelmir, (…).

Sur Yggdrasil, l’arbre des mondes de la mythologie scandinave. Edda de Snorri, XIIIème siècle[1].

“Una jovialidad sana me impulsaba a pujar para crecer. Era muy fuerte y pensaba: Seré
más alto que el álamo y el ciprés, más vigoroso que el roble, y más verde que el pino.

La sangre, Elena Quiroga, 1952

Nos arbres.

Cette initiative vise à organiser l’étude minutieuse et sans limite de temps d’un arbre situé dans le campus du lycée Tongas Pastor et, également, à mieux connaître l’écosystème que constitue notre site. L’arbre choisi sera, en outre, un lieu de vie et d’échanges pour la communauté scolaire, et un élément de continuité entre des générations d’étudiants. Par l’attention qui sera portée à notre environnement, ce projet contribuera à sensibiliser la communauté scolaire aux problématiques des atteintes portées à l’environnement.

Nous travaillerons en collaboration étroite avec le Jardin des Plantes d’Eyja, situé à proximité du lycée et très disposé à s’impliquer dans ce projet.

Nous souhaitons, enfin, mettre en place des partenariats avec des établissements scolaires d’autres pays et que ces partenariats se fassent en collaboration avec des Jardins des Plantes locaux.

Notre initiative se met en place sans coût. Elle repose sur la disponibilité des participants. Nous ne voulons pas perdre de temps à rechercher des financements.

Ce projet s’inscrit dans le cadre des initiatives prises par l’Éducation Nationale en faveur du développement durable[2] et est en cohérence avec les axes que le lycée s’est donnés dans son projet d’établissement.

On trouvera ci-après un exposé succinct et provisoire des initiatives que nous comptons prendre, ainsi qu’une annexe portant sur les notions de recherche et savoir situés.

  • Choix de l’arbre.

La communauté scolaire est informée de l’initiative et invitée à participer à une délibération collective sur le choix de l’arbre à étudier. Cette délibération se fera de façon informée grâce à l’éclairage deTranna Þörna, du Jardin des Plantes.

  • Mise en place d’un protocole.

Un protocole est mis en place en collaboration avec madame Þörna. Il s’agit à ce stade d’identifier ce qu’il est pertinent d’observer.

  • Consigner les informations.

Les observations, effectués par les élèves et personnels associés au projet, sont consignées régulièrement.

  • Publication des données et des savoirs disponibles. QR codes.

Les données sont mises en ligne. On y accède librement à l’aide d’un QR code adossé à l’arbre, d’une carte animée et par les liens d’un site dédié.

Ces liens conduisent aussi à des informations d’ordre général sur l’espèce à laquelle appartient l’arbre.

Notre ambition est que le lecteur puisse consulter, dans un parcours d’approfondissement croissant, la connaissance disponible sur la question en lien avec l’arbre qui l’intéresse. Il aura accès à une vulgarisation de qualité, mais il pourra, de proche en proche, accéder à l’état de la recherche sur le sujet.

  • Extension de la démarche.

Cette démarche sera étendue à l’ensemble de notre campus si les participants au projet sont assez nombreux pour le faire. En particulier, il s’agira d’observer une micro-forêt et une grille végétalisée, que nous espérons voir installées dans notre site prochainement.

  • Arbre à palabres. Autour de l’arbre.

En plus d’étudier un arbre, nous voulons faire de lui un lieu de vie et d’échanges. Nous organiserons régulièrement des concours d’écriture qui auront comme contrainte d’évoquer notre arbre. Des manifestations artistiques seront aussi mises en place.

En résonance avec les réseaux mycorhyziens qui relient les arbres, des réseaux de fictions seront créés qui relieront entre eux des personnages inventés par les élèves. Parfois, incarnés par nos élèves, les arbres se mettront à parler entre eux. Nous rénoverons ainsi la vénérable tradition littéraire qui fait parler les arbres, mais qui les cantonne souvent à un dialogue avec les humains.

  • Arbre de savoir.

L’arbre est le siège de phénomènes physiques et chimiques. Nous inviterons des spécialistes qui les élucideront. Leurs prestations seront accessibles par le biais des dispositifs indiqués plus haut (§ 4).

  • Projeter des compétences.

Projeter sur notre campus les compétences scientifiques du Jardin des Plantes contribuera, nous en sommes certains, à l’exécution de nos missions éducatives. Les savoirs de l’École franchiront la rue Astrassia Descuarte aussi pour atteindre le Jardin des Plantes. On y parlera de l’arbre dans la littérature latino-américaine, d’Yggdrasil, l’arbre des mondes de la mythologie nordique, du renouvellement de la conception de la Nature que porte Rousseau ou de ces évolutions récentes qui explorent la possibilité de faire de certains objets naturels des sujets de droit. Sous des formes encore à définir, le Jardin des Plantes est désireux d’accueillir nos savoirs.

Un club de lecture sera aussi organisé au Jardin des Plantes, sous la forme de promenades pendant lesquelles les participants évoqueront librement des ouvrages lus qui portent sur l’arbre. Un espace dédié à notre projet sera mis en place au CDI et nous proposerons aux bibliothèques municipales d’Eyja de faire de même ; elles pourront inviter leurs lecteurs à se joindre au club de lecture. Le catalogue de l’Institut pour le Développement Forestier offre une illustration du dynamisme de la production éditoriale en la matière.

  • Faire savoir, communiquer.

Nous préparerons, avec une régularité à définir, une chronique qui rendra compte de nos activités et que nous proposerons à des médias de vulgarisation scientifique, tels qu’Epsiloon, ainsi qu’à des médias locaux. Cette chronique, sous forme de podcast, s’intégrera dans la webradio qui se met en place actuellement dans le lycée.

Annexe I. Un savoir et une recherche situés.

Nous aspirons à faire de notre arbre et du campus du lycée Tongas Pastor un lieu de savoir et de recherche situés.

Le savoir situé est un savoir que l’on relie de manière pertinente à un lieu (ou un objet, comme notre arbre). La physique des tensions négatives qui assurent la montée de l’eau jusqu’aux feuilles des plus hautes branches de notre arbre et celle de la cavitation, qui peut, bruyamment, la mettre en échec ; la mécanique de sa structure, qui explique sa capacité, ou non, à résister au vent seront expliquées en les appliquant à l’arbre choisi. La chimie de la photosynthèse demandera à être élucidée, en même temps qu’on observera les différences de formes des feuilles, selon qu’elles reçoivent plus ou moins de lumière. On évoquera aussi la mycorhize qui relie les végétaux par un réseau aussi actif que peu connu et qui pose l’étonnante économie des échanges de substances entre arbres appartenant à des espèces différentes. Il sera légitime aussi d’associer notre arbre aux activités humaines qui, autour de son espèce, se sont constituées. Un savoir situé est une façon de projeter des connaissances multiples sur un lieu et de permettre des errances savantes. Le savoir situé est une encyclopédie qui se déploie autour d’un lieu ou d’un objet.

La recherche située est un ensemble de protocoles de recherche se donnant comme contrainte de travailler sur un lieu ou sur un objet. La recherche située se perçoit comme citoyenne, ce qui veut dire qu’elle fait appel à des non-spécialistes, qui contribuent à sa mise en œuvre. En déposant des savoirs sur un même lieu et en les faisant interagir entre eux, la recherche située vise la sérendipité.

A cette fin, il est fondamental que la recherche située se déroule dans un lieu public et en interaction avec le public. Le pari qui est fait est que donner un lieu et un public communs aux savoirs et aux chercheurs facilitera les échanges et la sérendipité. Nous pensons que la création de fictions aura pour effet d’accélérer les processus cognitifs encore mal connus qui favorisent la sérendipité.

Les concepts de savoir et de recherche situés sont donc créés dans le double but de favoriser l’appropriation de la recherche par le citoyen et de favoriser les échanges entre chercheurs.


[1] Ce frêne est le meilleur et le plus grand de tous les arbres. Ses branches croissent partout dans le monde et atteignent le ciel. Trois racines le soutiennent qui s’étend chez les Ases pour l’une d’elles et, pour une autre, chez les géants du froid, là où se trouvait autrefois le gouffre de Ginnungagap, alors que la troisième atteint Niflheim (…). Trad. S. Nowenstein.

[2] Voir, notamment, le vademecum Éducation au développement durable.