Le Monde et la vérité alternative de la ministre Bergé. Lettre au médiateur.

À Lille, le 7 mars 2024

Monsieur le Médiateur,

Par un article en date du 12 février 2024, Le Monde nous informait que la ministre Bergé avait instruit ses services pour que ces derniers passent au crible les déclarations des associations féministes au sujet des attaques du Hamas du 7 octobre 2023. La ministre, nous disait l’article, menaçait de supprimer les subventions des associations qui n’auraient pas su caractériser ces attaques ou qui auraient tenu des propos ambigus à leur sujet. Les déclarations de la ministre avaient été effectuées sur l’antenne de radio J.

Par un article en date du 2 mars 2024, nous apprenions qu’aucun propos ambigu dans le chef des associations féministes financées par des fonds publics n’avait pu être mis en évidence. L’article citait la ministre, qui avait accordé une interview au Parisien.

Je vous écris pour attirer votre attention sur le fait que, lors de ses déclarations sur Radio J, la ministre Bergé avait prétendu que des milliers de femmes israéliennes ont été exterminées, assassinées, violées ou brulées, ce que l’article du Monde ne mentionnait pas. C’est une omission qui me paraît regrettable en ceci que la ministre avait désigné les associations féministes dont les subventions devraient cesser comme étant celles qui n’avaient pas su caractériser ce qui s’était passé le 7 octobre. Or, à l’aune de la caractérisation effectuée par la ministre, aucune association respectant un tant soit peu la réalité des faits n’aurait pu garder ses subventions. L’exigence de la ministre en devenait absurde et les instructions qu’elle annonçait avoir délivrées à ses services l’étaient tout autant. J’estime que Le Monde a eu tort de ne pas le relever et qu’il a eu tort de ne pas réagir à la diffusion d’une information fausse par une ministre.

Dans l’article du 2 mars, vous écrivez :

La ministre avait annoncé mi-février que le gouvernement était en train de passer « au crible » les déclarations liées à l’attaque sans précédent du 7 octobre de toutes les associations féministes, exprimant son refus de voir l’Etat soutenir financièrement « des associations qui ne sauraient pas caractériser ce qui s’est passé » ce jour-là. Ce en référence aux 1 160 personnes qui ont été tuées par le mouvement islamiste mais aussi aux violences sexuelles ayant été commis ce jour-là, et qui sont depuis documentées. »

Comme on vient de le voir, la ministre a fondé publiquement sa décision non pas sur le chiffre de 1160 personnes tuées, mais sur des chiffres inventés de milliers de femmes victimes des violences sexuelles du Hamas. Il est problématique que Le Monde corrige les chiffres de la ministre pour les rendre compatibles avec la réalité. Et, bien entendu, il est totalement faux que les violences sexuelles dans les proportions inventées par la ministre aient été documentées.

Le Monde a-t-il été, dans cette affaire, à la hauteur des exigences de rigueur qu’il s’impose ? Au-delà du cas du Monde, monsieur le médiateur, je dois vous avouer que je peine à comprendre le peu de cas qui est fait de cette situation où l’on voit une ministre diffuser publiquement une information ostensiblement fausse, fonder sur cette dernière les instructions qu’elle donne à ses services et faire naître le soupçon au sujet d’associations honorables. N’y aurait-il pas lieu d’enquêter sur cette étrange situation ?

Je publie ce courrier à l’adresse https://sebastiannowenstein.org/2024/03/05/le-monde-et-la-verite-alternative-de-la-ministre-berge-lettre-au-mediateur/

Je ne manquerai pas de publier votre réponse, si vous estimez opportun de me la communiquer.

Je joins en annexe à ce courrier ceux que j’ai adressés à la ministre Bergé par la voie hiérarchique et à la PRADA du premier ministre, ainsi que celui que j’adresse à mes collègues afin de les inviter à travailler collectivement sur les déclarations de la ministre et, plus largement, sur la question, à mes yeux intrigante, du peu de cas qu’il en a été fait dans les médias.

Bien cordialement,

Sebastian Nowenstein, professeur agrégé, lycée Gaston Berger, Lille.