Vidal et le wokisme : je saisis le tribunal administratif après un avis favorable de la CADA.

Devant le silence de l’administration, j’ai saisi le Tribunal administratif le 20 août 2023.

À Bruxelles, le 20 août 2023.

Requête.

Par son Avis n° 20233086 du 22 juin 2023 (pièce complémentaire n° 1), la CADA émet un avis favorable à ma demande de transmission de l’ensemble des documents sur lesquels porte l’avis n° 20215197 de la CADA entre la période couverte par la demande et s’étendant à la totalité du mandat de la ministre Frédérique VIDAL, dont les fonctions ont cessé le 20 mai 2022. Par son silence, l’administration opposait un refus implicite à ma demande (pièce complémentaire n° 2).

La CADA s’exprime dans son avis dans les termes suivants :

Pour ce qui concerne les documents mentionnés au point 1) de la demande :
La commission rappelle qu’elle s’était prononcée, par un avis n° 20215197 du 25 novembre 2021, défavorablement à la communication de documents relatifs à une enquête, une étude ou des recherches portant sur « l’ensemble des courants de recherche » en lien avec « l’islamo‐gauchisme » (comme évoqué par Madame Frédérique VIDAL le 14 février 2021 sur la chaîne Cnews), ou encore relatifs à « un bilan de l’ensemble des recherches » en vue de « distinguer ce qui relève de la recherche académique et ce qui relève du militantisme et de l’opinion » (comme annoncé par Madame VIDAL le 16 février devant l’Assemblée nationale). Cet avis défavorable était motivé par la circonstance, invoquée par la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, qu’une décision était en cours d’élaboration.

La commission précise à cet égard que les documents préparatoires à une décision administrative sont en principe exclus provisoirement du droit à la communication aussi longtemps que cette décision n’est pas intervenue ou que l’administration n’y a pas manifestement renoncé, à l’expiration d’un délai raisonnable.
En réponse à la demande qui lui a été adressée, la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche a indiqué que les documents sollicités, s’ils existent, ne revêtent plus un caractère préparatoire.
La commission estime par suite que ces documents, s’ils existent, et à la condition qu’ils puissent être identifiés par l’administration et que la demande ne tende pas en réalité à l’établissement de documents en l’état inexistants, sont communicables à toute personne qui en fait la demande, en application de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration, à l’exception des mentions relevant des intérêts protégés par les articles L311-5 et L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, notamment le secret de la vie privée et le secret des délibérations du Gouvernement et des autorités responsables relevant du pouvoir exécutif.
Elle émet donc, sous ces réserves, un avis favorable.
Par ailleurs, la commission rappelle que le droit d’accès doit rester compatible avec le bon fonctionnement des services et cède devant les demandes abusives, auxquelles les administrations ne sont pas tenues de répondre, en application du dernier alinéa de l’article L311-2 du code des relations entre le public et l’administration.
Par sa décision du 14 novembre 2018, n° 420055, 422500, le Conseil d’État a jugé que revêt un caractère abusif, les demandes qui auraient pour effet de faire peser sur l’autorité saisie une charge disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose. Par sa décision du 17 mars 2022, n° 449620, il a précisé que, pour apprécier le caractère excessif d’une telle charge, il convient de prendre en compte « l’intérêt qui s’attache à [la] communication pour le demandeur ainsi, le cas échéant, que pour le public ».

Par sa décision du 27 septembre 2022, n° 451627, il a en outre estimé qu’une charge disproportionnée pouvait provenir de l’ampleur d’occultations à effectuer au sein d’un même document.
En l’espèce, à la lumière des principes qui viennent d’être exposés, il n’est pas apparu à la commission, en l’état des informations dont elle dispose, que le traitement de la demande ferait peser sur l’autorité saisie une charge de travail disproportionnée.

Je fais mienne la position de la CADA.

Je souhaite également rappeler les arguments que j’ai fait valoir dans mon courrier (pièce complémentaire n° 2) adressé le 6 avril 2023 au ministère de la Recherche, qui est resté sans réponse. Cette demande était formulée dans les termes suivants :

A Lille, le 6 avril 2023

Madame,

Je lis dans le journal Mediapart (« Islamo-gauchisme » à l’université : la ministre Vidal a tout fait pour protéger son mensonge, 31 mars 2023) que la CADA a réservé un avis défavorable (Avis n° 20215197 du 25 novembre 2021, ANNEXE I) à la demande d’un certain nombre de documents dont l’existence se déduit des déclarations répétées de la ministre VIDAL entre le 14 et le 16 février 2021 et des informations transmises par l’administration à la CADA pendant l’instruction de la demande de Mediapart. La CADA a fondé son refus sur l’exclusion provisoire du droit à la communication des documents préparatoires à une décision administrative, laquelle, selon les déclarations du ministère à la CADA, était en cours d’élaboration. Cette exclusion, comme le rappelle l’avis cité, cesse dès lors que l’administration a manifestement renoncé à prendre la décision que les documents demandés préparent.

Il se déduit du mémoire en défense présenté par l’administration (ANNEXE II) et dont Mediapart a eu connaissance qu’il a été renoncé à prendre la décision annoncée par la ministre VIDAL.

Les documents demandés deviennent dès lors communicables. Leur existence est, au vu des éléments rappelés par l’article de Mediapart, une évidence, puisque :

  1. La décision de la ministre de renoncer à donner une suite à ses annonces ne fut pas immédiate. En effet, au moment où la CADA a émis son avis, la décision était, selon l’administration, en cours d’élaboration.
  2. L’existence d’échanges est confirmée à Mediapart tant du côté du CNRS que du côté du cabinet de la ministre à Mediapart (voir « Islamo-gauchisme » : Vidal provoque la consternation chez les chercheurs, le 17 février 2021).
  3. Une présomption de sincérité s’attache aux déclarations d’un ministre de la République sur les actes qu’il entend poser dans l’exercice de ses fonctions. Il se conçoit, certes, qu’après réflexion la ministre VIDAL ait renoncé à des actes qu’elle avait l’intention de poser, mais il ne se conçoit pas qu’elle les ait annoncés avec l’intention de ne pas les poser, ou de ne pas amorcer leur préparation par des échanges appropriés.
  4. Il ne se conçoit pas que l’administration ait menti à la CADA.

Je demande au tribunal de suivre l’avis de la CADA et d’ordonner l’annulation du refus implicite que l’administration oppose à la communication des documents demandés.