Lettre ouverte aux producteurs de fraises et fruits rouges victimes du dumping écologique organisé par l’État espagnol et toléré par la Commission européenne.

  1. Vous faites face à la concurrence déloyale de certains producteurs espagnols qui, au moyen de puits illégaux, captent de l’eau et en disposent de façon gratuite.
  2. Cette situation, connue publiquement et qui dure dans le temps, a conduit la Commission européenne à assigner l’Espagne devant la Cour européenne de justice pour non-respect de ses obligations de protection des zones humides de Doñana1.
  3. L’article 107 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne définit les aides d’État comme les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.
  4. L’eau des nappes phréatiques est une ressource publique et son usage est soumis à l’autorisation des autorités compétentes.
  5. En méconnaissant ses obligations, l’État espagnol accorde l’eau aux agriculteurs qui la captent.
  6. La Commission européenne n’a pas, à ce jour et à ma connaissance, agi contre l’Espagne sur le plan de la concurrence, le problème étant pour l’heure traité uniquement par le prisme de la protection de l’environnement. Parmi les mesures qui pourraient découler d’une procédure sur la base de l’article 107 figure l’obligation qui serait faite à vos concurrents de rembourser les aides illégalement perçues.
  7. Si vous vous estimez victime d’une concurrence déloyale, vous pouvez en informer la Commission européenne au moyen de ce formulaire.
  8. La Commission européenne est la gardienne des Traités, mais elle a la liberté d’agir contre les États qui les violent ou de ne pas le faire2.
  9. Sur la base de l’article 340 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, vous pouvez aussi engager une action en responsabilité contre la Commission européenne si vous estimez que son inaction vous a causé un dommage.
  10. L’arrêt Dorsch a ouvert la voie à une reconnaissance de « responsabilité d’un acte licite« , ce qui veut dire qu’il n’y a pas besoin de démontrer que Commission a commis une illégalité pour engager sa responsabilité3.
  11. Les chances de succès d’une action en responsabilité contre la Commission européenne sont plus grandes si elles visent son activité non-normative, c’est-à-dire son activité administrative4.
  12. Lorsque la Commission européenne s’abstient de poursuivre l’Espagne sur la base de l’article 107, elle ne pose pas un acte normatif.
  13. La licéité (la légalité) de l’abstention d’agir de la Commission ne repose, au demeurant, que sur la possibilité qui est offerte à ladite Commission de ne pas faire respecter les Traités5.
  14. La licéité de l’abstention d’agir de la Commission n’annule pas le droit à une protection juridictionnelle effective reconnu par l’article 42 de la Charte européenne des droits, qui dispose : Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l’Union.
  15. L’article 321-1 du code pénal français stipule : Le recel est le fait de dissimuler, de détenir ou de transmettre une chose, ou de faire office d’intermédiaire afin de la transmettre, en sachant que cette chose provient d’un crime ou d’un délit. Constitue également un recel le fait, en connaissance de cause, de bénéficier, par tout moyen, du produit d’un crime ou d’un délit.
  16. L’article 247 du code pénal espagnol réprime la captation d’eau sans autorisation6.

1Voir http://europa.eu/rapid/press-release_IP-19-466_fr.htm

2La Commission peut engager une procédure en justice contre un État membre qui ne met pas en œuvre le droit de l’Union. Voir : https://ec.europa.eu/info/law/law-making-process/applying-eu-law/infringement-procedure_fr

3Voir PECHO et VAN WAEYENBERGE, « La responsabilité « sans faute » en droit communautaire », Journal de droit européen, Avril 2009.

4Voir MOLINIER et LOTARSKI, Droit du contentieux de l’Union Européenne, 2012, pages 229 et suivantes.

5Voir note 2.

6Art. 247 du code pénal espagnol : 1. El que, sin hallarse autorizado, distrajere las aguas de uso público o privativo de su curso, o de su embalse natural o artificial, será castigado con la pena de multa de tres a seis meses.