La réponse de maître Déshoulières est ici : http://sebastiannowenstein.blog.lemonde.fr/2017/05/17/la-reponse-de-maitre-deshoulieres-son-courrier-au-bureau-du-procureur/
À Lille, le 17 mai 2017.
Cher Maître,
Enseignant dans le secondaire, je travaille -dans le cadre du cours d’enseignement moral et civique- sur les persécutions d’homosexuels en Tchétchénie que vous dénoncez devant la Cour pénale internationale. Je prépare, en collaboration avec des collègues, un dossier sur la question qui intègre, pour le moment, les courriers que j’ai eu l’occasion d’envoyer à monsieur Kadyrov, président de la République tchétchène, à monsieur l’ambassadeur de Russie et au Parti Socialiste. D’autres courriers et documents seront bientôt disponibles sur mon blog. J’y publie également cette lettre.
Comptez-vous rendre public le dossier que vous avez transmis à la Cour ? Dans l’affirmative, pourriez-vous me le communiquer ?
L’article du Monde1 par lequel j’ai appris votre démarche indique que vous portez plainte. Ne serait-il pas plus exact de dire que vous avez porté des informations à la connaissance du Procureur ? En effet, si j’en crois la documentation de la Cour2, seuls peuvent déclencher l’ouverture d’une enquête un État partie au Statut de Rome, le Conseil de sécurité de l’ONU et le Bureau du Procureur. Avez-vous saisi les autorités françaises pour les inviter à demander au Bureau du Procureur d’ouvrir une enquête ?
Je lis dans Le Monde que vous saisissez la Cour pour génocide. Je constate cependant qu’au sens de la Cour, le génocide est caractérisée par l’intention spécifique de détruire, en tout ou partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux par le meurtre de ses membres ou par d’autres moyens. Les homosexuels n’étant pas un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comment rattachez-vous, maître, les persécutions que vous dénoncez au crime de génocide ?
Je vous prie de croire que les questions que je vous pose n’ont pas d’autre visée que de cerner votre position et de vous donner la possibilité, si vous le souhaitez, de les défendre. Ce sont des questions qui vont être abordées en cours et qui font partie du dossier que nous préparons. Il ne faudrait pas les voir donc comme un rejet ou une approbation de votre démarche, mais comme une volonté de la comprendre rationnellement.
Maître, vous le savez, le périmètre de la notion de génocide fait, depuis les débats qui virent sa naissance juridique au lendemain de la seconde guerre mondiale, l’objet de controverses animées.. Par ailleurs, lorsque je me suis intéressé avec mes élèves aux usages de la justice, nous avons remarqué que les acteurs sociaux la saisissent parfois pour amplifier l’écho qu’ils veulent donner à une problématique qui les préoccupe. Ces questions aussi émergeront inévitablement en cours et elles doivent être traitées dans notre dossier. Souhaitez-vous les évoquer ?
Dans l’attente de votre réponse, je vous prie de croire, cher Maître, à l’expression de mes salutations respectueuses.
Sebastián Nowenstein,
professeur agrégé.