Lettre à monsieur le Recteur après les poursuites contre Bernard Mezzadri

Monsieur le Recteur,
Il y a deux ans, alors que monsieur Valls, à l’époque ministre de l’intérieur, déclarait que les Roms avaient vocation à rentrer chez eux, j’avais eu recours à l’ironie pour demander à notre ministre des instructions au sujet de l’évolution vertigineuse que connaissaient les valeurs de la République. Naturellement, mon courrier avait été envoyé par la voie hiérarchique. Il avait aussi été publié sur mon blog.
Aujourd’hui, un autre enseignant, monsieur Mezzadri, fait l’objet de poursuites pour avoir ironisé sur les propos bien connus de monsieur le premier ministre, qui avait réclamé plus de « blancos » sur le marché d’Évry. Ces poursuites ont été déclenchées après que monsieur le Président de l’université d’Avignon et des pays de Vaucluse (UAPV), aujourd’hui recteur de l’académie de Nice, eut saisi le procureur de la République du message de mon collègue. Contrairement à ma lettre, ce message avait été posté sur un forum de son université qui était réservé au personnel de celle-ci.
Mon courrier sus-mentionné était resté sans réponse, ce qui est un peu frustrant, mais, à mon estime, pas excessivement grave. Ce que je retiens, cependant, c’est que je n’ai pas fait l’objet de la moindre sanction ; je n’ai même pas été convoqué par le proviseur pour évoquer la question. J’en avais conclu à l’époque qu’en écrivant ce que j’avais écrit, je ne m’étais point écarté de mes obligations de fonctionnaire et d’enseignant. Mon blog, du reste, s’est depuis enrichi d’autres missives qui, si elles restent toujours sans réponse, ne m’ont jamais valu quelque sanction ou poursuite que ce soit.
Je voudrais savoir, monsieur le Recteur, si les temps ont désormais changé et si, ce qui était normal ou, du moins, toléré il y a quelques années est désormais interdit et passible de poursuites. La publication à nouveaux frais que je fais ce jour de ma lettre (ici : http://sebastiannowenstein.blog.lemonde.fr/2016/01/27/manuel-valls-les-poursuites-contre-un-collegue-et-les-roms/) est-elle susceptible de me conduire, à l’instar de monsieur Mezzadri, devant le tribunal correctionnel ? Saisirez-vous, monsieur le Recteur, le procureur de la République, ainsi que le fit votre collègue de Nice ? Ou pourrai-je encore écrire sans crainte, comme je l’ai toujours fait ?
Dans l’attente de votre réponse, je vous prie d’agréer, monsieur le Recteur, l’expression de mes salutations respectueuses.
Sebastián Nowenstein
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