Chers amis,
Les déclarations du président de la République sur les capacités expressives limitées qui seraient celles de boxeurs gitans me paraissent mériter la plus grande attention. Voulant procéder avec rigueur et méthode à leur analyse, je m’apprête à lancer une vaste enquête internationale afin d’interroger des chercheurs partout dans le monde sur la question de savoir s’il se conçoit qu’il puisse y avoir des fondements scientifiques aux affirmations du président de la République.
Je prévois aussi de solliciter les associations de Gitans et celles de boxeurs pour recueillir leurs réactions aux déclarations du président.
J’essaierai aussi d’identifier des avocats gauchistes afin de savoir si, dans l’hypothèse où ils auraient eu à conseiller monsieur Dettinger, ils l’auraient induit à s’exprimer comme il l’a fait.
Je vous soumets le projet tel qu’il m’apparaît aujourd’hui. Toutes vos suggestions sont les bienvenues. En particulier, se pose la question technique de savoir comment gérer le nombre très important de messages qui seront nécessaires au lancement de cette enquête. S’il y en a parmi vous qui souhaitent s’associer à la démarche, qu’ils se manifestent auprès de moi : le je de cette lettre peut être remplacé par un nous.
Vous vous doutez bien que l’idée même d’une telle enquête m’effraie. Mais il faut rappeler que sa nécessité ne naît pas de ma volonté, mais du gouffre que les paroles de la plus haute autorité de l’État fait entrevoir sous nos pieds.
Bien amicalement,
S. Nowenstein.
Grande enquête française et internationale sur le parler des Gitans et des boxeurs.
Le Président de la République a récemment affirmé que les propos tenus par monsieur Dettinger n’étaient pas des mots de Gitan. Ni du reste, de boxeur gitan, ce qui aurait dû découler du premier énoncé. Sans doute le président a-t-il voulu renforcer son propos en mettant en évidence la double improbabilité qu’il y aurait à ce qu’ un gitan boxeur ou un boxeur gitan s’exprime en faisant preuve d’une quelconque habileté oratoire.
Ces affirmations ont fait l’objet de critiques souvent émotionnelles. J’estime indispensable, au contraire, de lancer une vaste enquête internationale pour savoir s’il existe un quelconque fondement aux affirmations de monsieur le Président. En parallèle, j’écrirai par la voie hiérarchique à monsieur le Président pour l’interroger sur ses sources. Peut-il me fournir les références des études qui lui permettent d’énoncer que les paroles monsieur Dettinger ne sauraient être celles d’un boxeur gitan ?
Il nous faudra procéder avec méthode.
La première question doit être, à mon estime, de se demander si les propos de monsieur Dettinger indiquent une habileté oratoire hors du commun.
La deuxième question doit être de savoir si les propos en question doivent être considérés comme étant hors de portée d’un boxeur ou d’un gitan (ah, que j’ai du mal à écrire ce que j’écris !).
La troisième question est de savoir si l’on peut définir avec une certaine précision le périmètre au-delà duquel l’expression d’un Gitan ou d’un boxeur ne saurait s’aventurer.
Il y a une question subsidiaire : monsieur le président impute les propos de monsieur Dettinger à un avocat gauchiste. Cette attribution ne peut que frapper par sa précision. D’où la nécessité de se demander :
Quels sont les traits qui caractérisent les discours des avocats gauchistes ?
Comment monsieur le président parvient-il à détecter lesdits traits dans l’expression de monsieur Dettinger ?
Il doit être clair qu’au stade où se trouve notre enquête, nous présumons méthodologiquement que toutes ces questions trouveront des réponses satisfaisantes autant sur le plan scientifique que légal. Pour le moment, nous attribuons à notre méconnaissance de la littérature scientifique la surprise que, nous l’avouons, provoque chez nous le propos présidentiel.
A priori, l’idée d’envisager une méta-étude sur les capacités expressives des Gitans et des boxeurs nous heurte. Mais peut-on faire autrement si nous voulons qualifier juridiquement, scientifiquement ou moralement la parole présidentielle ?
Pourquoi l’enquête doit-elle être internationale ? Parce qu’il y a des Gitans et des boxeurs partout et parce que la science est, aujourd’hui, internationale. Nous pensons que, partout dans le monde, il y a des chercheurs en capacité de répondre aux questions que soulèvent les remarques du président.
Nous estimons aussi nécessaire d’interroger les principaux intéressés, à savoir les Gitans et les boxeurs. Que pensent-ils des propos du président ?
De même, il serait opportun d’interroger des avocats gauchistes : se regroupent-ils par associations ? Y a-t-il des traits qui les rendent reconnaissables ?
Nous appelons donc chacun à diffuser la lettre ci-jointe auprès de la communauté scientifique internationale. Deux autres lettres seront bientôt mises en ligne à l’intention des associations de gitans et de boxeurs. Nous prions donc aussi chacun de les diffuser largement.