Les dérives du « off », lettre au Monde. Retour sur l’information.

À Lille, le 31 janvier 2023

Réf : https://sebastiannowenstein.org/2023/01/31/les-derives-du-off-lettre-au-monde-retour-sur-linformation/

Monsieur le Directeur,

Enseignant dans le secondaire et dans le supérieur, je travaille sur le projet Retour sur l’information qui, dans le cadre de l’éducation aux médias, cherche à favoriser l’exercice du jugement critique d’élèves et étudiants par l’approfondissement et l’analyse d’informations diffusées dans les médias.

Un article du Monde du 23 décembre 2O22 pointe les dérives du recours au off dans la communication de l’exécutif sous la présidence d’Emmanuel Macron. Dans cet article, une scène étonnante est décrite où l’on voit l’équipe du président s’efforcer d’imposer le off à une centaine de journalistes, dont certains appartenant à la presse étrangère :

Quand, soudain, l’organisateur se saisit du micro pour « rappeler certaines règles » : « Tout cela est off » – pour « off the record », hors micro et caméra. Une exigence de l’équipe d’Emmanuel Macron. Et qui, contrairement à ce qu’affirme l’Elysée, n’avait pas cours lors des précédents échanges avec la presse présidentielle. L’APP a eu beau prévenir que la digue ne tiendrait pas, se battre jusqu’à la dernière minute pour lever le off… Rien n’y fait.

https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/12/23/le-off-en-politique-chronique-d-une-derive-democratique_6155463_823448.html

Récemment, la polémique du « déjeuner du président », pour l’appeler ainsi, est venue illustrer ce que l’article dénonçait : le président de la République a invité à sa table dix éditorialistes -dont madame Fressoz, du Monde- qu’il a soumis à des conditions strictes de confidentialité. Lors de ce déjeuner, monsieur Macron a livré ses pensées sur la réforme des retraites. Sur demande du président ou de ses services, les journalistes ont occulté la tenue dudit déjeuner. Ils se sont aussi soumis à l’exigence de ne pas citer les propos du président en les lui attribuant explicitement.

Cette situation est-elle problématique ? Le Monde peut-il déplorer les excès du off et, en même temps, s’y soumettre et priver ses lecteurs d’une information –le président réunit secrètement les principaux éditorialistes de la presse nationale-, qui revêt un intérêt évident ? Est-il possible de faire autrement ?

Accepteriez-vous de répondre à des questions d’élèves et étudiants sur cette problématique ? J’adresse également ce message à Ivanne Trippenbach, Claire Gatinois et Matthieu Goar, auteurs de l’article précité, ainsi qu’à madame Fressoz. Je leur serais très reconnaissant s’ils acceptaient de répondre aux interrogations que je vous soumets.

Je formule des demandes analogues auprès d’autres organes de presse, de syndicats et de chercheurs. Je souhaite, par ailleurs, vous informer qu’en vertu de la loi sur la transparence de 78, j’ai demandé par la voie hiérarchique à la présidence de la République communication de certains documents ayant trait à la conférence de presse du 12 septembre 2022 et au déjeuner du président.

Bien cordialement,

S. Nowenstein, professeur agrégé.

PS du 3 février 2023 : Je remercie Gilles van Kote, du Monde, qui a bien voulu répondre à ce message et qui est disposé à échanger sur le sujet avec mes élèves. Je le remercie également de m’avoir signalé une erreur : j’attribuais à La Voix du Nord une position consistant à refuser le off, alors que ce qu’elle refuse, c’est la relecture. J’ai supprimé cette erreur en enlevant du texte la ligne qui la contenait. On peut retrouver le texte envoyé au Monde ici.

Retour sur l’information

Revenir sur des articles pour les analyser et, surtout, pour prolonger collectivement les enquêtes des journalistes est une activité qui a toute sa place dans l’éducation aux médias. Les travaux des chercheurs peuvent faire l’objet de la même démarche.

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