(Je viens d’inviter monsieur Bensoussan à venir dans ma classe. La lettre est ici : http://sebastiannowenstein.blog.lemonde.fr/2017/03/02/lettre-a-monsieur-bensoussan-invitation-a-venir-dans-ma-classe/)
Monsieur le Directeur,
Il y a peu, j’ai eu l’occasion de visiter une admirable exposition itinérante sur la Shoah conçue par l’institution que vous dirigez. Enseignant dans le nord de la France, je me suis demandé s’il serait possible d’accueillir une telle exposition au sein de mon lycée.
Je considère toutefois indispensable de vous interpeller, au préalable, au sujet des déclarations de monsieur Bensoussan qui, sur France Culture, a affirmé que, dans les familles arabes de France, on tétait l’antisémitisme avec le lait de sa mère et que cet antisémitisme était atavique. Monsieur Bensoussan endossait une déclaration qu’il prêtait au sociologue Smaïm Laacher, déclaration que ce dernier a nié avoir faite.
Monsieur le Directeur, je ne pense pas que les déclarations du responsable éditorial de votre institution et rédacteur en chef de la Revue d’histoire de la Shoah, publiée sous vos auspices, constituent un obstacle dirimant à ce que nous recevions l’exposition que je mentionne plus haut. L’imputation de monsieur Bensoussan est certes injurieuse à l’égard d’une partie de nos élèves et contraire aux valeurs de la République, que nous avons mission, au titre de l’article L111-1 du code de l’éducation, de faire partager. Mais ma position, monsieur le Directeur, est qu’il ne faut pas priver les élèves d’une bonne exposition au motif que l’institution qui l’a conçue ne désavoue pas les propos de l’un de ses membres les plus éminents. Je considère par conséquent que si je vous interpelle sur la question et que votre réponse est mise à la disposition des élèves, nous aurons respecté nos obligations d’enseignants. Je pense en effet que nos élèves sont en mesure de réagir avec dignité et hauteur aux imputations de monsieur Bensoussan. Je dis toujours à mes élèves qu’on se grandit à ne pas verser dans l’hystérie, y compris -surtout peut-être- lorsque l’on en est soi-même victime.
Monsieur le Directeur, votre institution est en partenariat permanent avec le Minstère de l’Éducation nationale. Après avoir vu votre exposition, je me suis dit que ce partenariat nous honorait. Mais je pense aussi qu’il vous oblige. Monsieur le Directeur, la justice a été saisie des propos de monsieur Bensoussan et elle doit se prononcer prochainement. Il me semble cependant que le silence que, sauf erreur de ma part, vous avez gardé après les déclarations de votre pretigieux collaborateur, rend plus difficile notre devoir d’enseignants de combattre pied à pied l’antisémitisme et le négationnisme nauséabonds qui s’emparent parfois de certains de nos élèves. Ces déclarations sont odieuses, mais aussi irresponsables et dangereuses. Je forme des vœux, monsieur le Directeur, pour que, avec fermeté, vous contribuiez à limiter leurs effets.
Je publie cette lettre sur mon blog et la transmets pour information à mes supérieurs hiérarchiques.
Je vous prie d’agréer, monsieur le Directeur, l’expression de mes salutations respectueuses.
Sebastián Nowenstein,
professeur agrégé.