Des sanctions pour les élèves de Timburbrou ?
Le Courrier de Timburbrou, le 26 mars 2032,
Dans une philippique adressée à l’inspecteur Benjamin Cattagana et dont nous avons rendu compte ici, les élèves de Timburbrou s’en sont pris à la politique de la promotion de la science dans notre académie. Leur lettre étant restée sans réponse, les élèves l’ont rendue publique et ont manifesté sous les fenêtres de l’inspecteur afin que ce dernier les reçoive en délégation.
Vont-ils, ces élèves, être sanctionnés, voire exclus de leur établissement ?
Rappelons d’emblée que la décision d’exclure un élève d’un établissement scolaire est du ressort du conseil de discipline de celui-ci où siègent, entre autres, des représentants des élèves, des parents et des personnels. Si les conseils de discipline se montrent souvent intraitables devant les faits qui portent atteinte à la bonne marche de l’établissement, la jurisprudence récente du lycée de Timburbrou rend très improbable une éventuelle exclusion d’élèves dont le tort serait de questionner la politique de promotion de la science de leur académie.
Il reste que l’on s’interroge devant la violence de l’écrit des élèves. On a coutume de dire que la virulence du propos traduit la faiblesse de l’argumentation. Ce n’est pas le cas ici. Le texte des élèves est solide, étayé par des enquêtes minutieuses et fondé sur la connaissance de la législation. Pourquoi avoir alors agi comme ils l’ont fait ? Reprenons le calendrier.
Le 17 mars, le courrier est envoyé. Le 19 mars, « constatant l’absence de réponse de l’administration », les élèves le rendent public dans un site confidentiel. Le 21 mars, « constatant une nouvelle fois le silence de l’administration », les élèves manifestent.
Perplexe et consterné, l’inspecteur Cattagna déclare ne pas comprendre la démarche de ces adolescents et suggère qu’ils sont manipulés. Il pointe le développement récent de sites hargneux et vindicatifs qui, bien que soulevant parfois de véritables questions, le font avec une virulence telle que tout dialogue en devient impossible. L’inspecteur se demande si les élèves veulent vraiment ce qu’ils réclament ou si le but recherché n’est pas d’humilier l’administration en la caricaturant. Sur le fond, l’inspecteur pense que la communication et la science ne s’opposent pas. Interrogé sur la question de savoir s’il compte ou non donner suite aux demandes de ces élèves aussi vindicatifs que performants, il répond que, pour le moment, il ne fait qu’instruire.
Notre enquête nous a conduits à rencontrer des personnalités que les élèves ont contactées récemment. Auturnia de la Torre, Ysabella Herið Lindo (plus connue dans les milieux scientifiques sous le nom de madame Sherlin) ou Simonetta Extremota décrivent toutes des démarches ambiguës : des propositions certes intéressantes, mais une tension dans la démarche qui rend la collaboration difficile ou impossible.
Le sociologue Bonifacio Tergiverso Africano propose ce que beaucoup considèrent une solution de bon sens : prendre les élèves au mot et tout faire pour les aider à faire de la science. Il considère que si les élèves sont manipulés, comme le suggère l’Inspecteur, cela finira par se voir. Mais, monsieur Africano, qui connaît ces élèves et les fréquente depuis des années, ne pense pas qu’ils soient sous influence. Il pense plutôt que, pour eux, l’action politique passe avant leur amour pour la science, qu’ils instrumentalisent. Il n’en demeure pas moins que leurs réussites sont réelles : Faudra-t-il, au motif des intentions qu’on leur prête, refuser de prendre en compte des remarques qui, de l’avis de beaucoup, sont frappées au coin du bon sens ?, interroge le sociologue.