Le Courrier de Timburbrou, le 3 mars 2042.
Laura Jiménez, nous l’avons rencontrée lorsque, adolescente, elle avait pris part à un travail d’écriture collaborative avec les élèves de Timburbrou. Mais, si nous parlons d’elle aujourd’hui, ce n’est point en raison de sa participation à l’aventure conduite par Jean Dupont autour du Physarum polycephalum, mais pour une autre raison.
A l’époque où Jean Dupont et son équipe tournaient leur célèbre film, une autre équipe de Timburbrou travaillait sur un sujet beaucoup moins amusant, beaucoup moins plaisant : celui de la mémoire des crimes de masse commis au cours de l’histoire. Cette équipe s’était donné plusieurs sujets de réflexion et parmi eux il y en avait un qui touchait Laura tout particulièrement, celui de la sévillane église de la Macarena. Laura avait eu quelques échanges avec ses camarades de Timburbrou concernant cette question. Elle avait, pour leur compte, interrogé des chercheurs, des politiciens et des décideurs ou de simples sévillans. Et elle nous avait lus.
Laura décida de changer l’histoire. Il fallait que l’on entende la voix des suppliciés de Queipo de Llano dans cette église bâtie pour lui rendre hommage et dont le financement s’était fait par une souscription prétendument populaire et libre, mais qui avait eu lieu alors que les milliers de fusillés de Queipo hantaient encore les mémoires.
Laura fit deux choses. D’abord, elle créa un programme qui permettait de visiter l’église avec un casque de réalité virtuelle qui superposait sur les murs les visages des milliers de morts qu’avait produits la barbarie de Queipo. Puis, elle loua une chambre à proximité de l’église depuis laquelle elle projetait sur ses murs de l’église des images et des documents qui rendaient compte aussi de la répression.
Laura réussit là où les élèves de Timburbrou avaient échoué. L’église de la Macarena perdit peu à peu ses fidèles et, enfin, le bâtiment en fut cédée à la Mairie, qui y installa un établissement de bains. Entre temps, le musée consacré à la féroce répression de Queipo que les élèves de Timburbrou avaient réclamé avait été installé dans l’emplacement de l’ancien musée militaire de Séville.
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