Une EPP est une enquête menée de façon décentralisée par des enseignants, seuls ou avec leurs élèves ou étudiants. La collaboration de personnes non issues du monde enseignant est recherchée. Dans la rubrique Retour sur l’information de ce blog, le lecteur trouvera des exemples d’enquêtes en cours. Pour le moment, ces enquêtes se déroulent en français et en espagnol.
Les EPP ont une double vocation : accroître les connaissances disponibles sur un sujet et doter les enseignants de matériel susceptible d’être exploité en classe.
L’EPP est une procédure essentiellement écrite ; elle est loyale. Interrogées, les parties disposent d’un délai raisonnable pour fournir des réponses argumentées, ce qu’elles font (ou ne font pas, mais l’absence de réponse est une forme de réponse) par écrit.
Des témoignages oraux peuvent cependant être recherchés lorsque cela est opportun. En cas de nécessité impérieuse, l’identité des sources et des témoins pourra être occultée. La plus grande prudence s’impose en la matière : nous ne bénéficions pas de la protection des sources reconnue aux journalistes.
Les actes d’enquête d’une EPP sont publiés sans délai. Ces actes, ce sont les questions que nous transmettons, les réponses et les documents que nous obtenons. Notre travail se distingue ici de celui du journaliste, qui protège son enquête jusqu’à sa publication et ne partage pas ce qui la nourrit au-delà de ce qu’il en dit dans son article. Ceci ne doit pas être lu comme une critique, mais comme le constat d’une différence de procédés. Nos démarches, seront, en général, complémentaires.
Une autre différence qu’il faut mentionner réside dans la temporalité de notre travail. En général, le journaliste prépare un article sur un événement, enquête et publie ; son article clôt son travail. Il doit, déjà, couvrir une autre actualité. Notre démarche, au contraire, ne se clôt jamais, elle n’a pas de limite dans le temps. Je l’ai expliqué à Patrick Pouyanné, PDG de Total, dans ce courrier que je lui ai adressé pour lui annoncer que je commençais à enquêter sur les attaques en justice dont sa société était l’objet.
L’étude d’un arbre revêt une difficulté majeure pour le chercheur : la vie de ce dernier est trop courte (celle de son institut de recherche l’est aussi), alors que celle de l’arbre s’étale souvent sur des siècles. Mais, si les chercheurs et leurs instituts passent, les lycées restent, d’où le projet sur les arbres que voici, qui se donne pour but que des générations de lycéens se succèdent pour étudier la vie d’un arbre.
Certaines problématiques sociales gagnent à être regardées sur le temps long. Il serait souhaitable que nos enquêtes, endossées par nos établissements, se poursuivent au-delà des courtes années de nos passages par eux, au-delà de nos vies de profs aussi.
Il n’est, cependant, pas facile d’assurer la pérennité d’une enquête. Je pense qu’une façon d’y parvenir est de faire appel à l’écriture de fiction, c’est pourquoi je suggère que des ateliers d’écriture soient associés systématiquement aux enquêtes que nous entamerons. Ces ateliers s’adressent à nos élèves, mais aussi à des écrivains ; l’écriture s’y fait sous contrainte, puisqu’il faut évoquer une problématique, celle d’un pipeline, par exemple, celle du réchauffement climatique, celle d’un arbre. Surtout, il faut se mettre au service d’une fiction entamée par d’autres, tout en y imprimant sa marque. Ces fictions renseigneront nos successeurs sur notre présent. Ils sauront comment nous regardions et transmutions en fiction, en 2022, le procès d’une multinationale qu’on accusait de ravager la planète.
Pour collaborer avec une enquête en cours ou en proposer une, veuillez prendre contact avec Sebastián Nowenstein :
sebastian-Andre.nowenstein@ac-lille.fr
Voir aussi Retour sur l’information.