Pour signer cette lettre : Réponse à la tribune des 50 chefs d’établissement. Lettre au ministre.
Monsieur le Ministre,
Dans une tribune récente donnée au Monde1, plus de 50 chefs d’établissement, se prévalant de leur fonction, présentent une vision des luttes en cours contre votre réforme qui est en contradiction flagrante avec ce que nous voyons dans nos établissements et avec les exigences minimales d’une argumentation loyale.
D’abord, par une préoccupante altération du raisonnement, ces chefs d’établissement confondent effets et causes. En les lisant, nous avons l’impression que pour eux l’épuisement des équipes, les élèves stressés et désorientés, voire même les inégalités scolaires futures, trouvent leur origine dans la mobilisation en cours contre votre réforme.
Ensuite, par une surprenante méconnaissance du fonctionnement de l’administration qui montre, certes, leur désarroi, mais vaut surtout reconnaissance de l’impuissance de l’État à organiser un baccalauréat serein, ces chefs d’établissement interpellent la société au lieu de s’adresser à l’État et à vous, monsieur le ministre, en tout premier lieu.
Enfin, par un alarmant travestissement des faits, ces chefs d’établissement nourrissent un récit qui présente des groupes jusqu’au-boutistes empêchant par des actions de plus en plus dangereuses, par la violence, les insultes ou les coups l’immense majorité des élèves de retrouver la normalité de l’école républicaine. Avec candeur, cependant, nos collègues citent -à moins que ce soit un ajout sournois du journal- un article du Monde2 qui présente une réalité toute autre, voire qui lui est tout simplement opposée.
Ce à quoi nous assistons dans nos établissements, c’est au délitement du lien de confiance entre école, familles et élèves et des enseignants et leur institution. Nous voyons des élèves qui refusent de composer ou d’aller en cours devant des blocages souvent symboliques. Nous voyons des élèves qui refusent de composer ou d’aller en cours alors qu’il n’y pas de blocage, comme le montre l’article du Monde que les proviseurs n’ont pas lu. Et nous voyons aussi des personnels épuisés non par la mobilisation actuelle, mais par l’entassement des réformes dont la vôtre, menée tambour battant, constitue une sorte de paroxysme ; des personnels épuisés par l’incertitude qui pèse sur leurs retraites, par les conditions de travail souvent impossibles et par des salaires qui se dégradent. Nous voyons, hélas, une école française qui détient depuis des années le triste record d’être parmi les plus inégalitaires de l’OCDE, une situation qui ne doit rien à la mobilisation actuelle.
Monsieur le Ministre, nous vous demandons d’indiquer clairement que la tribune donnée au Monde par ces proviseurs ne reflète ni l’analyse ni la position de notre institution.
Le rétablissement de la confiance en l’école sera long et difficile. La clarté des positions et la loyauté dans l’argumentation en sont des conditions essentielles et préalables.
Nous vous prions de croire, monsieur le ministre, à notre attachement indéfectible au service public d’éducation et à nos salutations respectueuses.
Pour signer cette lettre : Réponse à la tribune des 50 chefs d’établissement. Lettre au ministre.