Confronter l’article premier du code de l’éducation (le L111-1) et la définition du wokisme[1] (ou du woke) que donne wikipédia fait comprendre l’étroite parenté qui existe entre les valeurs de la République que nous devons nous efforcer de transmettre à nos élèves et cette philosophie nourrie de la défense de la dignité humaine portée par le mouvement des droits civiques états-unien.
D’un point de vue empirique, l’existence dans la société française de discriminations structurelles en matière, par exemple, d’accès au logement (voir aussi cette étude de l’Insee) ou de contrôles policiers est reconnue par le défenseur des droits (voir aussi l’étude classique de Jobard et Lévy). Le caractère inégalitaire de l’école française est un fait établi internationalement et admis par le CNESCO ; chacun de nous constate, du reste, l’existence de filières ethniques au sens où des élèves de certaines origines y sont largement majoritaires ou, corrélativement, totalement absents. Chacun de nous, s’il le souhaite, peut se rappeler que le défenseur des droits a constaté que les élèves de Saint-Denis ont été placés « dans une situation défavorable aboutissant à une rupture du principe (…) d’égalité des usagers devant le service public ». La dépense par élève dans ce département est largement inférieure à celle consentie à Paris.
En ce qui concerne les discriminations, les inégalités salariales et les violences faites aux femmes, il existe aussi un large consensus sur leur réalité et sur la nécessité d’œuvrer pour limiter, atténuer ou éliminer ces phénomènes. Des actions de discrimination positive sont mises en place au sein de l’école au bénéfice des filles (Informatique au féminin, L codent, par exemple). On fait généralement des constats analogues pour les minorités sexuelles.
On remarquera, à titre subsidiaire, que les actions de discrimination positive semblent légitimes lorsqu’elles visent à accroître la représentation des filles dans certaines filières, mais qu’il semble inconcevable d’y avoir recours pour atténuer les biais ethniques ou d’origine sociale dans les décisions d’orientation.
Une conclusion s’impose : le prescrit légal s’appliquant aux circonstances sociales que nous connaissons fait de nous, enseignants, des wokistes au sens de wikipédia. De par l’article L111-1, la Nation fait de nous des wokistes professionnels ou des professionnels du wokisme.
Je propose que nous donnions une forme concrète à cette presqu’identité entre valeurs de la République et pensée woke sous la forme d’une Association Française d’Enseignants Wokistes (AFEW).
Les collègues désireux de prendre part à cette association peuvent me contacter sur l’adresse s.nowenstein@gmail.com
Sebastian Nowenstein, professeur agrégé.
[1] Le terme anglo-américain woke (« éveillé ») désigne le fait d’être conscient des problèmes liés à la justice sociale et à l’égalité raciale (en)1. Consulté le 06/02 /2022.
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