Chères et chers collègues,
« La réalité me donne tort », dit la ministre : elle a changé son fils d’école parce qu’elle voulait lui faire sauter une année et non pas en raison des heures non remplacées. L’enseignante de son fils n’avait pas été absente.
Que la ministre ait oublié pourquoi elle avait changé son fils d’école paraît incroyable. Qu’elle mente en disant qu’elle a été sincère paraît vraisemblable.
Pourtant, je crois en elle. Comment y parviens-je ?
En me rappelant en permanence l’enseignement de Tertullien, théologien du IIᵉ siècle :
« Le Fils de Dieu a été crucifié : je n’en rougis pas, parce que c’est à rougir. Le Fils de Dieu est mort : c’est d’emblée croyable, puisque c’est inepte ; enseveli, il a ressuscité : c’est certain, parce que c’est impossible. »
La chair du Christ, V, 4
J’y crois parce que c’est inepte.
Tertullien nous invite à renoncer à la rationalité. Il nous invite à adhérer à la foi alors que ce qu’elle dit est inepte.
L’anthropologie évolutive suggère que les croyances absurdes ont pu émerger comme preuve de l’adhésion à une communauté. Croire quelque chose d’absurde aurait été une façon de montrer son désir d’appartenir à ladite communauté. On le voulait tellement qu’on était prêt à proclamer les croyances les plus folles.
Ah, me direz-vous, cela était facile du temps de Tertullien. L’École, aujourd’hui, c’est la Raison. La République, c’est la Raison.
Je ne le nie point. Le défi est immense. Il faut donc être héroïques. Il suffit d’être héroïques.
La ministre elle-même nous montre la voie, qui accepte d’être mal payée pour servir la Nation.
Mais, surtout, collègues, la République nous accompagne. Avez-vous réalisé qu’elle n’a de cesse de proclamer des valeurs qu’elle méconnaît ?
Pourtant, vous croyez toujours que les valeurs de la République sont ce qui la guide. Songez un instant à tout ce en quoi il nous faut croire déjà. Vous vous direz alors que croire en la ministre n’est pas hors de portée. C’est juste un tout petit pas supplémentaire qu’il faut faire.