À Lille, le 7 mars 2024.
Madame la ministre,
s/c du chef d’établissement, publication à l’adresse https://sebastiannowenstein.org/2024/03/07/les-verites-alternatives-de-la-ministre-berge-par-la-voie-hierarchique-ii/
Après les déclarations étonnantes que vous avez formulées sur Radio J le 11 février 2024, je vous ai écrit par la voie hiérarchique pour vous demander quelques clarifications. J’ai aussi saisi la PRADA du premier ministre pour que me soit communiqué le rapport que vous avez demandé à vos services concernant les propos ambigus supposément tenus par des associations féministes françaises subventionnées par l’État au sujet des attaques du Hamas du 7 octobre 2023. En tant qu’enseignant, il me semblait indispensable de m’intéresser à la diffusion d’une fausse information par une ministre et à la manière dont elle s’en servait pour justifier une enquête administrative visant des associations féministes à l’endroit desquelles elle faisait naître un soupçon qui s’est avéré injustifié.
L’interview que vous avez donnée au Parisien, dans laquelle vous reconnaissez qu’il n’y a pas eu de déclaration problématique de la part des associations féministes, me conduit à renouveler ma demande.
Je souhaite, au surplus, vous faire part des remarques ci-après qui, pour l’essentiel, prennent appui sur l’interview précitée.
Bien à vous,
S. Nowenstein, professeur agrégé, lycée Gaston Berger, Lille.
Remarques à l’attention de la ministre Bergé au sujet de ses soupçons infondés, des fausses informations qu’elle diffuse et des indignations sélectives dont elle fait montre.
- Vous avez instruit vos services pour qu’ils examinent les déclarations des associations féministes recevant des fonds publics au sujet des attaques du Hamas du 7 octobre.
- Vous avez affirmé que les associations qui auraient tenu des propos ambigus sur ces attaques ou qui n’auraient pas su les caractériser ne devraient pas recevoir des fonds publics
- Vous avez vous-même caractérisé ces attaques de façon ostensiblement fausse, puisque vous avez déclaré que des milliers de femmes israéliennes ont été exterminées, assassinées, violées ou brulées. Ce que vous prétendez est impossible, étant donné que le nombre total de victimes fut de 1160 selon les autorités israéliennes et qu’il reste 131 otages à Gaza.
- Les travaux de vos services montrent qu’aucune association féministe recevant des fonds publics n’a tenu des propos problématiques au sujet des attaques du Hamas.
- Vous le reconnaissez dans l’interview que vous avez donnée au Parisien. Puis, vous ajoutez : Et je voulais surtout envoyer un message clair.
- Vous avez fait enquêter à partir de rien pour envoyer un message. Quel est ce message ?
- On ne le sait pas vraiment. Mais, il s’est inséré parfaitement dans la propagande israélienne et a fait écho aux accusations que le premier ministre Netanyahou a lancées contre les associations féministes.
- En lançant votre enquête et en faisant en sorte que votre initiative soit relayée par les médias, vous avez suscité les soupçons les plus graves à l’endroit des associations féministes françaises. Ces soupçons étaient infondés.
- Vous reprochiez aussi leur silence à ces associations. Mais ignorez-vous qu’il faut du temps pour établir la commission de crimes sexuels ? Ignorez-vous qu’Israël refuse la venue d’une commission d’enquête indépendante ?
- Voici ce que Le Monde nous dit le 5 mars 2024 au sujet du rapport, qui n’est pas une enquête, de l’envoyée spéciale Pramila Patten : Ce n’est qu’au début de février que l’envoyée spéciale de l’ONU pour les violences sexuelles dans les conflits, Pramila Patten, a pu se rendre en Israël et en Cisjordanie pendant deux semaines et demie, accompagnée d’une équipe technique de neuf personnes. Ils y ont rencontré des témoins et des victimes des attaques, des otages libérés – mais aucune victime directe de violences sexuelles.
- L’article dit aussi : Sans avoir la capacité de vérifier le nombre de victimes, Mme Patten a estimé qu’il y avait de « bonnes raisons de croire » que des viols ont été commis lors de l’attaque du Hamas, que des otages ont subi diverses formes de violences sexuelles, et que « de tels traitements ont certainement toujours cours ».
- Que devaient-elles dire, les associations féministes, alors qu’il n’y avait pas et qu’il n’y a pas de témoignage direct des viols et alors qu’Israël est engagé dans une politique de désinformation qui préoccupe même dans le pays, tant les fausses informations ont pullulé après les attaques du Hamas ?
- Vous avez rappelé le mot d’ordre féministe « on vous croit ». Ce mot d’ordre n’est pas une injonction à croire l’État d’Israël.
- Il fallait, estimez-vous, avoir quelque chose à dire aux femmes israéliennes : Je leur réponds quoi ? demandez-vous aux journalistes du Parisien qui vous interrogent. Le pronom leur renvoie aux femmes israéliennes qui, semble-t-il, vous interpellent.
- Aux associations féministes soupçonnées injustement, vous leur dites quoi, madame Bergé ? Leur présenterez-vous vos excuses ?
- Aux femmes violées dans les camps libyens que la politique migratoire européenne a livrées, vous leur dites quoi, madame Bergé ? Nous finançons les garde-côtes qui les enlèvent en mer, madame Bergé (voyez cet article du Monde, par exemple).
- Aux femmes palestiniennes qui accusent de viol et de violences sexuelles l’armée israélienne, vous leur dites quoi, madame Bergé ? À celles qui sont mortes par milliers, à celles qui accouchent dans des conditions épouvantables, à celles qui ont perdu leurs enfants, vous leur dites quoi, madame Bergé ?
- Vous êtes-vous assurée que les associations féministes qui reçoivent des fonds publics ont bien su caractériser ce qu’il se passe à Gaza ou en Libye (et ailleurs) ? Vous inquiétez-vous de leur silence ? Ont-elles assez dit qu’elles croient les femmes palestiniennes et celles violées en Libye ?
- Donnerez-vous des instructions pour que vos services passent au crible les déclarations des associations féministes sur le sujet ? Dénoncez-vous leur silence ? Dénoncez-vous le vôtre ?
- Vous avez pourtant, vous avez encore, déclaré : Quand on est humaniste, féministe, on l’est quelles que soient les victimes ! J’ai donc demandé une évaluation, parce qu’il n’est pas possible de subventionner des associations qui auraient fait l’apologie des crimes terroristes du Hamas.
- L’apologie du terrorisme est un délit qui, en vertu de l’article 40 du code de procédure pénale, requiert, pour un ministre, de saisir sans délai le procureur de la République. On n’y répond pas par une enquête administrative.
- Lorsque vous annoncez publiquement votre enquête, vous ne parlez pas d’apologie du terrorisme. Maintenant, vous découvrez (et le faites savoir) que vous avez craint de financer des associations qui auraient fait de l’apologie du terrorisme.
- Sous le président Macron, le délit d’apologie du terrorisme a connu une inflation remarquable. Il semblerait que, sous votre impulsion, en plus de servir à poursuivre des syndicalistes, des enfants ou des parlementaires, son invocation permette de justifier rétrospectivement une enquête administrative infondée ou absurde.
- Êtes-vous consciente, madame, de l’incohérence de vos raisonnements ? Pensez-vous qu’il soit décent de diffuser de fausses informations sur les attaques du Hamas ?
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