Certains doutent de l’existence réelle de G. Vestringios. Ce n’est pas le cas de N, qui l’a interrogé sur l’emploi de estar dans les expressions estar vivo et estar muerto.
Réponse à N.
Lors du dernier cours, N, tu as exprimé ta perplexité devant les phrases estar vivo, estar muerto. Permets-moi d’ajouter quelques autres phrases qui peuvent nous permettre d’élargir la réflexion :
Ser viejo no es estar muerto.
Juan es joven, Juan está joven.
María es vieja, está vieja.
La première règle qu’on s’est donnée (ser, quand on classe, estar, quand on ne classe pas) ne te permet pas de trancher.
Soit.
Essayons une deuxième règle : on emploie estar lorsqu’il s’agit d’évoquer un état différent de l’état normal de la chose ou de l’objet.
On dit La silla está rota. L’état de cassée n’est pas l’état normal d’une chaise dans notre esprit. Donc, c’est estar.
Très bien.
Maintenant, Juan está muerto. Quand on pense à Juan, on le conçoit comme une personne en vie. Son état normal est d’être vivant. Donc, l’état particulier de Juan, celui d’être mort, doit être indiqué à l’aide de estar.
Sauf que, me diras-tu. Juan está vivo, c’est aussi avec estar. Il faut savoir, monsieur ! C’est quoi, finalement, l’état normal de Juan ?
Et tu auras raison de te fâcher un peu…
Que vais-je te dire ?
Eh bien, que, dans des conditions normales, la phrase está vivo apparaît pour contredire la supposition contraire, à savoir que la personne est morte ou, à tout le moins, pour dissiper une incertitude. Quand je vous ai demandé d’inventer un personnage et de le décrire, tu n’as pas mis, parmi les caractéristiques de ton personnage qu’il était vivant…
Je crois que c’est un peu comme si tu devais situer Juan soit du côté de la vie, soit du côté de la mort. Comme s’il y avait deux grandes régions et qu’il te fallait situer Juan dans l’une d’elles.
Quand tu dis Juan está joven, tu veux dire qu’il est jeune pour son âge. Il a 90 ans, mais il en paraît beaucoup moins. Quand tu dis Juan está viejo, c’est un peu pareil, mais de l’autre côté, pour ainsi dire. Dans les deux cas, ta perception de la situation intervient. Quand tu dis Mi abuelo está viejo, ce que tu exprimes, c’est que tu as toujours eu une certaine idée de ton grand-père, une certaine image de lui, et que maintenant, tu le trouves vieilli par rapport à cette image.
Quand tu dis Juan es viejo (ou joven), tu te situes sur un plan plus objectif, tu décris une situation et tu n’exprimes pas tellement la façon dont tu la perçois.
Revenons au fait d’être vivant ou mort.
Dire de quelqu’un qu’il est vivant ou mort, dans les faits, n’intervient, comme on le disait plus haut, que pour préciser une impression, une incertitude, qui est l’état normal de Juan dans ton esprit (tu ne sais pas s’il est vivant ou mort). Ou pour opposer l’état réel de Juan à l’état qui était le sien dans ton esprit.
En fait, on revient à ce qu’on a déjà dit : ce qui est déterminant, ce n’est pas tellement l’état réel de Juan, mais l’état qu’il a dans ton esprit. Si celui-ci est indéterminé, il n’est pas anormal que l’énoncé qui permet de lui donner un état précis se formule à l’aide de estar. C’est, en fait, que l’état normal de Juan, dans ton esprit, est de n’être ni vivant ni mort. L’état de vivant ou mort sera donc un état particulier par rapport à cet état normal qui est celui de Juan dans ton esprit.