Contrôles au faciès, IV. Les fonctionnaires belges de Sécurail et leurs contrôles au faciès sur le sol français.

À Bruxelles, le mercredi 23 janvier 2019.

Monsieur le Préfet,
Hier, en gare de Lille Europe, j’ai été témoin d’un contrôle au faciès effectué par un fonctionnaire belge de Sécurail. Le contrôle s’est déroulé à bord du train n° 9867, de 17.12 peu avant son départ, qui est intervenu avec une trentaine de minutes de retard sur l’horaire prévu.
L’agent Sécurail est monté dans le train, fort rempli, et il a exigé immédiatement d’un voyageur noir la présentation d’un titre de transport. Ce dernier, n’en possédant pas, le fonctionnaire l’a invité à descendre du train, ce que le voyageur a fait. Le contrôle qui a visé ce voyageur noir n’a concerné aucun des autres voyageurs se trouvant à proximité, tous blancs.
Le train est parti immédiatement après.
J’ai rejoint le fonctionnaire en question et l’un de ses collègues qui l’accompagnait et les ai interpellés au sujet du contrôle au faciès qu’ils venaient d’effectuer. Je leur ai rappelé que les contrôles au faciès étaient interdits sur le sol français. Le fonctionnaire belge m’a dit qu’il ne pouvait pas connaître toutes les lois françaises, mais que, par le passé, on lui avait demandé de rendre service. Je lui ai demandé qui lui avait demandé de rendre service et s’ils étaient en service au moment où ils avaient effectué leur contrôle. Les réponses des deux fonctionnaires ont été évasives. Je leur ai demandé de me communiquer leurs identités, ce qu’ils ont refusé de faire.
Une contrôleuse SNCF a assisté à une partie de la conversation avec les agents Sécurail. Elles s’est ensuite éloignée, car elle devait s’occuper de tâches de sécurité. Elle m’a ensuite rejoint en compagnie du chef de bord. Je leur ai fait part des échanges que j’avais eus avec les agents Sécurail. Les deux agents SNCF m’ont informé qu’ils allaient établir un rapport et qu’ils allaient rappeler aux agents Sécurail l’interdiction des contrôles au faciès à bord des trains SNCF.
Je vous transmets (annexe I) le témoignage de madame D, qui assista, il y a quelques mois, de faits analogues à ceux que j’ai l’honneur de porter à votre connaissance aujourd’hui.
Monsieur le Préfet, par courrier du 16 octobre 2018, je vous interrogeais sur le cadre légal éventuel qui permettrait aux fonctionnaires belges de Sécurail d’agir sur le sol français. Je vous priais aussi de m’indiquer quelle est l’autorité française de contrôle dont les actes de ces fonctionnaires relèvent. Ces questions sont à ce jour restées sans réponse. Je me permets donc de les renouveler.
Indépendamment des démarches que je serai amené d’entreprendre à titre personnel, je vous saurais gré de bien vouloir prendre les mesures qui permettront de mettre un terme à ces contrôles au faciès effectués par des fonctionnaires belges sur le sol français.
Je note, par ailleurs, que l’uniforme que portent les agents de Sécurail, ainsi que les menottes et le spray au poivre dont ils sont équipés de façon visible, est de nature à faire naître dans l’esprit du public la présomption que ces agents sont habilités à exercer des missions de contrôle. Dans l’hypothèse où certains des déplacements de ces agents à bord des trains entre Lille et Bruxelles, en gare de Lille Europe ou, plus généralement, sur le sol français ne seraient pas des actes de service posés dans un cadre légal adéquat, ne faudrait-il veiller à ce que leur tenue ne suscite pas la confusion dans l’esprit du public ?
Je vous prie d’agréer, monsieur le Préfet, l’expression de mes salutations les meilleures.
S. Nowenstein.
Annexe I.
Témoignage de madame D, transmis par courriel le 26 novembre 2018.
Salut Sebastián,
Ci-après le compte-rendu écrit de la situation dont je t’ai parlé.
Le vendredi 28 septembre 2018, ayant pris, en gare de Lille Europe, le TGV Lille-Bruxelles de 18:08, j’ai été témoin d’un contrôle de billet qui a attiré mon attention par trois circonstances particulières: 1. C’était un contrôle ciblé opéré dans l’urgence avant le départ du train: un seul passager a été contrôlé, qui se tenait parmi plusieurs autres passagers dans le sas d’entrée de la voiture. L’employé qui l’a contrôlé est monté dans le train pour contrôler ce passager. 2. Ce passager (qui était en règle et possédait un titre de transport) était le seul passager noir qui se trouvait dans le sas. 3. L’employé qui a opéré le contrôle portait un uniforme rouge caractéristique des agents Sécurail qui opèrent à Bruxelles. Il était accompagné de un (ou deux) agents en uniforme bleu marine du service de sécurité de la gare de Lille.
Je tiens à souligner ici le malaise que provoque l’impression d’assister à ce qui qui ressemble en tous points à un contrôle au faciès, et de la perplexité qui fait suite au constat qu’il puisse arriver qu’un agent Sécurail contrôle des passagers sur le territoire français.
Tu peux transmettre ce témoignage à qui de droit. J’espère que les autorités apporteront les éclaircissements nécessaires et pourront te garantir qu’elles mettent en oeuvre ce qu’il faut pour que ce type de contrôles ne se reproduise pas.
Bien à toi,
L.
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