4% de décrocheurs… De quoi parle-t-on ?

Le ministre évoque régulièrement un taux de décrocheurs de 4%. La Direction de l’Évaluation, de la Prospective et de la Performance (DEPP) donne, quant à elle, pour 2015, un taux de décrochage de 13 %. Aurait-on moins de décrocheurs avec une école fermée qu’en temps normal ? Lettre transmise par la voie hiérarchique.

Monsieur le Ministre,

s/c du chef d’établissement

Vous évoquez souvent le chiffre de 4 ou 5% d’élèves décrocheurs (devant le Sénat, par exemple).

Nous aimerions savoir comment l’indicateur qui vous permet de parvenir à ce chiffre est constitué.

Nous aimerions savoir aussi comment s’articule cet indicateur avec celui établit par la Direction des Études et de la Prospective et de la Performance (DEPP), qui donne, pour 2015, un taux de décrochage de 13 %.

Aurait-on moins de décrocheurs avec une école fermée qu’en temps normal ?

Utiliser le même mot pour deux indicateurs visiblement différents est trompeur1 et accrédite l’idée que tout va bien, sauf pour 5 % des élèves.

Monsieur le ministre, les faibles moyens d’enquête dont nous disposons donnent, au contraire, des résultats alarmants. Dans certaines matières, dans certaines filières, nous constatons des taux de rendu des devoirs en dessous de 5 %. Nous pensons, mais il s’agit sans doute d’une estimation optimiste, que les élèves rendant régulièrement leurs travaux dans toutes les matières ne dépassent pas les 10 %

Le retour volontaire des élèves en classe que vous organisez contre l’avis du Conseil scientifique COVID-192 et qui ne devrait concerner que 15 % des élèves, selon les déclarations du premier ministre, a une portée médiatique importante, mais n’est pas à l’évidence de nature à résoudre les problèmes auxquels nous faisons face et encore moins à ceux qui s’annoncent.

Il est à noter, au surplus, que selon un sondage récent3, le retour à l’école sera fortement corrélé au revenu. Ainsi, si moins d’un parent sur trois prévoit d’envoyer son enfant à l’école. Ce chiffre, déjà bas, descend à 17% pour les familles au plus bas revenu, ce qui semble ruiner votre prétention que le retour à l’école tel que vous le mettez en place vise à protéger nos élèves les plus fragiles. Il est probable, bien au contraire, que l’effet obtenu sera à l’opposé de celui que vous escomptez.

Monsieur le Ministre, nous craignons que des indicateurs mal construits et trompeurs associés à un retour dans les salles de classe n’obéissant pas à des impératifs pédagogiques clairs ne soient en train d’occulter les dimensions d’un problème qui risque de prendre des proportions gigantesques lors de la rentrée de septembre si, comme cela est probable, celle-ci se fait encore sous le signe du coronavirus.

Nous vous prions de croire, monsieur le Ministre, à l’expression de notre attachement au service public d’éducation.

SN, pour la liste d’Union.

1«Mal nommer les choses c’est ajouter au malheur du monde.», selon la citation apocryphe de Camus.

2Voir, à ce sujet, notre courrier du 28 avril 2020.

3Voir http://www.odoxa.fr/sondage/a-cette-idee-folle-jour-de-rouvrir-lecole/