Monsieur Christian Estrosi
Député-Maire de Nice
Président de la Métropole Nice-Côte d’Azur.
A Bruxelles, le jeudi 11 juillet 2013
Monsieur le député,
Monsieur le maire,
Vous avez affirmé récemment que l’islam et la démocratie étaient absolument incompatibles. Comme pour rendre vos propos plus évocateurs ou explicites, vous avez ajouté que, parce que vous défendiez les principes de la laïcité, vous estimiez légitime que l’on se mît à hurler dès que quelqu’un dans un lieu public portait un signe permettant d’afficher de façon ostentatoire une appartenance religieuse. Ces déclarations me conduisent à vous écrire en tant qu’enseignant. En effet, aux termes du code de l’éducation, la Nation fixe comme mission première à l’école de faire partager aux élèves les valeurs de la République. En déclarant incompatibles démocratie et islam, vous sapez notre travail et portez atteinte à la première des missions que la Nation nous confie. Comment croire qu’il pourrait y avoir adhésion aux valeurs de la République dans le chef de nos élèves si cette adhésion devait s’accompagner, en violation du principe de laïcité et de neutralité de l’État, du rejet de l’islam ? Comment le croire d’abord pour nos élèves de confession musulmane à qui on demanderait, et à eux seuls, de rejeter leur religion? Comment croire ensuite que l’ensemble de nos élèves, musulmans ou pas, feront leurs, en les comprenant, les principes républicains si l’on accrédite l’idée qu’une partie de la population, quel que soit son respect de la légalité, n’a pas sa place en République -car démocratie et République vont de pair- au motif que l’on a déclaré sa religion et la démocratie incompatibles ?
Il est aussi une obligation qui, même si elle n’apparaît pas, à ma connaissance, de façon explicite dans le code de l’éducation, n’en est pas moins au cœur de nos missions : celle de protéger, en adultes responsables que nous sommes, nos élèves. Il m’est ainsi arrivé d’intervenir physiquement pour protéger des élèves agressés ou molestés. Il m’a semblé donc évident que je devais, dans le cadre de ma mission, intervenir pour protéger mes élèves, ou du moins une partie de mes élèves, de l’agression dont ils sont l’objet de votre part. Il y a en France des millions de musulmans ; parmi mes élèves, une proportion non négligeable est sans doute adepte de cette religion. Il n’est certes pas anodin, vous en conviendrez peut-être, qu’un député, un maire, un ancien ministre, un responsable politique de premier plan, s’en prenne à une frange considérable de la population et à une partie sans doute encore plus importante des élèves de l’école de la République en les déclarant incompatibles avec la démocratie par le truchement de la religion qu’ils pratiquent. Peut-être serez vous offensé de voir ainsi vos actes comparés à ceux des voyous qui parfois agressent nos élèves ? Il me semble, pardonnez-moi, que le tort que vous causez est bien plus grand que celui qui découle de la plupart des incivilités auxquelles nous faisons face régulièrement. Être agressé par un voyou est de nature à ébranler quiconque. Mais, si tout se passe normalement, la société intervient par ses institutions pour protéger la victime, rappeler la loi et restaurer l’ordre social en punissant le coupable ou en mettant en œuvre des moyens adaptés pour le faire. Le voyou n’incarnera donc pas aux yeux de la victime l’entièreté de l’ordre ou de la norme sociale. Par contre, de par les responsabilités qui sont les vôtres, de par celles que vous avez exercées, de par la légitimité que vous donne le suffrage universel, vos paroles ont une portée lourde, et les blessures qu’elles ne manqueront pas d’engendrer seront d’autant plus graves. De surcroît, vous vous attaquez à ce qu’il y a peut-être de plus fondamental dans l’esprit d’un être en formation : les liens qu’il entretient, qu’il bâtit, qu’il tisse avec la société. Ne pas réagir à vos propos eût été à mes yeux pire que de passer en faisant semblant de ne rien voir à côté d’un élève qui se fait agresser : j’aurais eu en effet le sentiment de faillir à mes obligations de fonctionnaire et d’enseignant les plus hautes.
Sans réponse satisfaisante de votre part, monsieur le député-maire, sans l’expression publique de vos regrets et de vos excuses, je diffuserai le plus largement possible cette lettre. Je vous avouerai toutefois que l’espoir de vous voir changer d’avis me paraît bien mince : en vous écrivant, ce sont surtout mes élèves que j’ai en tête. Il me semble nécessaire qu’ils sachent que, quelle que soit l’importance de votre position, la République ne se résume pas à vos propos et qu’il existe des institutions, comme l’École, dont la mission première est à l’opposé même de ce que vous distillez. Je suis certes conscient d’avoir, en tant que fonctionnaire, une obligation de réserve qui découle du principe de neutralité de l’État: je ne dois pas instrumentaliser ma fonction pour défendre une opinion politique. Cette obligation de réserve me paraît à la fois nécessaire et légitime pour autant qu’elle ne réduise pas à néant le droit à la liberté d’expression. Cependant, si j’estime ne pas violer cette obligation en vous écrivant publiquement (si votre réponse ou votre absence de réponse me contraint à le faire), ce n’est pas en raison de mon droit à la liberté d’expression, mais parce que j’ai la conviction qu’en agissant comme je le fais je n’exprime nullement une opinion politique mais me situe bien dans le cadre de mes obligations de service. Vous non plus, au demeurant, n’exprimez pas à proprement parler une opinion politique, ou du moins vos propos ne sauraient, en République, recevoir une telle qualification. Faudrait-il les qualifier de philosophiques, de pseudo-ethnologiques, de néo-colonialistes ? Je ne sais. En tout cas, ils semblent contredits par le comportement quotidien de tant de Français musulmans qui sont des citoyens comme les autres, ni meilleurs ni pires, et qui, pour autant qu’ils respectent la loi -le principe de laïcité ne dit pas autre chose- ont toute leur place dans la vie publique et démocratique de la France.
Permettez-moi, enfin, monsieur le député, de vous faire une observation à laquelle vous voudrez bien peut-être apporter une réponse. Après que vous avez été désigné par ceux qui ont voté pour vous, vous êtes devenu un élu de la Nation et vous n’êtes pas, vous en conviendrez sans doute, le représentant de vos électeurs. Je ne comprends pas, monsieur le député, comment vous pouvez être cet élu de la Nation si vous proclamez comme une vérité d’évidence que la religion d’une partie des citoyens français est incompatible avec la démocratie. Comment peuvent-ils être à la fois une partie du peuple souverain et être incompatibles avec la démocratie de par le simple fait qu’ils sont musulmans ? Êtes-vous un élu de la Nation, ainsi que les institutions de la République l’exigent, ou seulement d’une partie de celle-ci ? Vous vous grandiriez, monsieur le député, en vous exprimant clairement sur ces questions afin que les déclarations malheureuses que vous avez faites ne troublent pas la mission que la Nation nous confie de transmettre les valeurs de la République à nos élèves.
Je communique ce courrier à mes supérieurs hiérarchiques afin qu’ils apprécient s’il y a ou non violation dans mon chef du principe de neutralité.
Je vous prie de croire, monsieur le député, monsieur le maire, à l’expression de mes salutations respectueuses.
Sebastián Nowenstein,
professeur agrégé, lycée Raymond Queneau, Villeneuve d’Ascq.
PS : Parmi les commentaire suscités par cette lettre, publiée il y a plus de deux ans, certains partagent trois caractéristiques : ils défendent monsieur Estrosi, ils sont écrits dans une langue farcie de fautes et, enfin, dans leur argumentation, l’émotivité le dispute à l’irrationalité. Je publie ces commentaires tels qu’ils me parviennent. Mais je serais curieux de savoir ce qui fait que cette interpellation, qui n’a jamais reçu de réponse de monsieur le député-maire, continue d’appeler les commentaires de ses partisans.
La question des roms est de celle qui, en période de crise et de craintes sur l’avenir, risque de susciter une progression du FN si elle est traitée uniquement sur le plan de la générosité sans prendre en compte la diversité des situations.
Je trouve scandaleux le propos de Vals dans la mesure où il exclu de la possibilité d’intégration une catégorie entière de population en raison de ses origines ethniques.
Mais si la majorité des roms qui viennent en France fuient des conditions insupportables dans leur pays d’origine, il faut bien admettre que quelques-un ont d’autres visées et ne cherchent qu’à s’enrichir par la prédation, la délinquance, la prostitution forcée de mineures ou de jeunes et la mendicité avec des enfants afin d’améliorer le « rendement », ce qui ne peut être considéré comme l’intérêt des enfants.
Aussi je pense qu’il faut combiner générosité et rigueur.
Sur ce sujet j’ai rédigé une tribune qui n’a trouvé gré auprès d’aucun des journaux auxquels je l’ai transmise et que je vous livre ci-après :
Combiner accueil et rigueur vis-à-vis des Roms
Dans nos civilisations sédentaires, les immigrés et les nomades ont toujours été mal acceptés, comme d’ailleurs tous ceux qui sont porteurs de différences de culture, de mœurs, de race ou de religion.
Plus que d’autres, les tziganes, manouches, roms, gitans et autres gens du voyage sont mal traités, souvent rejetés et, parfois, persécutés dans leur pays d’origine.
C’est pourquoi il est essentiel que l’Union européenne fasse plus fortement pression sur les pays, où résident de nombreux membres de ces communautés, afin qu’ils créent, en leur faveur, des conditions de vie telles qu’ils cessent de chercher à quitter leur pays.
Leur venue massive en France ne peut être considérée comme une solution, dès lors que ces personnes ne possèdent aucun moyen pour vivre, si ce n’est de s’installer dans des conditions déplorables, à la fois pour eux et pour ceux qui vivent à proximité, et d’avoir pour seules ressources celles qu’ils peuvent tirer de la mendicité, de la prostitution ou de la délinquance .
Mais, les expulsions de familles entières, installées dans des conditions à la fois précaires et illégales, n’apportent aucune solution, si ce n’est de les pousser à s’installer dans une plus grande précarité.
Aussi une réponse devrait être recherchée par l’offre d’un véritable accueil sur des aires de stationnement aménagées et en leur imposant le respect des exigences qui résultent des lois françaises et des textes européens.
Les Roms, lorsqu’ils viennent en France, sont, pour la plupart, des étrangers nationaux de pays membres de l’Union européenne, or nous disposons, dans notre arsenal juridique, de la possibilité d’apporter des réponses pour peu que les tenants de la générosité et ceux de la rigueur acceptent d’appliquer les règles de droit.
Il faut, en premier lieu, mettre à leur disposition des aires de stationnement
Les ressortissants de l’Union européenne, Roms ou non, ont le droit de venir librement en France, mais ils ne peuvent y séjourner plus de trois mois sans justifier de leur capacité à subvenir à leurs besoins (Article 121-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile).
Rien ne permettant d’interdire l’accès de notre territoire à un ressortissant d’un pays membre de l’Union européenne, en raison de l’absence de ressources au moment de son entrée, la première question qui se pose est celle de la manière dont doivent être traités ceux qui pénètrent sans aucune ressource.
A cette question la réponse est donnée dans un Traité du Conseil de l’Europe adopté en 1961 et révisé en 1996.
Ce document, qui porte le nom de Charte sociale européenne, impose aux 43 États (sur 47) qui s’y sont engagés, de respecter, vis-à-vis de toutes les personnes qui se trouvent sur le sol national, les droits fondamentaux relatifs au logement, à la santé, à l’éducation, à l’emploi, à la protection sociale et juridique et à la non-discrimination.
Ainsi, nul ne peut être expulsé, même d’un site occupé illégalement, sans que sa dignité soit respectée, sans qu’une solution de relogement lui soit proposée et sans bénéficier de garanties procédurales.
L’article 34 de la Charte reconnait aussi le droit à une aide minimum au logement à tous ceux qui se trouvent sur le territoire de l’un des Etats signataires de la Charte, sans disposer de ressources suffisantes.
Si l’on fait retour au droit national, la solution à l’hébergement sur des aires de stationnement spécialement prévus tant pour les nomades nationaux que pour tous ceux qui n’ont pas de domicile fixe, a été apportée par la loi Besson du 31 mai 1990, modifiée le 5 juillet 2000 puis le 1er août 2003.
Sur la base de ces lois, et des textes d’application, tout a été prévu pour que notre pays dispose d’un nombre d’aires permanentes d’accueil et de places à la hauteur des besoins.
Pourtant, aujourd’hui, cette loi est très mal respectée que ce soit par les collectivités territoriales ou par l’État chargé de se substituer, par l’intermédiaire de ses préfets, aux communes défaillantes.
En 2008, un rapport parlementaire relevait que sur les 42000 places nécessaires, 42% seulement avaient été aménagées, soit moins de 18000.
Si l’on se réfère aux communes de plus de 5000 habitants (2147 sur 36700) qui sont seules astreintes à cette obligation, la charge, sur la base d’un calcul purement mathématique, donné seulement pour situer l’ordre de grandeur, ne serait que de 9 places pour chacune de ces 2147 communes.
Qu’il s’agisse de l’accueil, notamment pour la scolarité des enfants, ou du respect des autres aspects du Pacte social européen, il serait souhaitable que ces aires de stationnement se situent au plus près des centres ville et qu’ils soient de taille modeste, les terrains de trop grande dimension favorisant l’anonymat en réduisant à la fois l’efficacité des contrôles et la mixité sociale : les unités qui accueillent de petits effectifs facilitent les contacts et les solidarités avec l’environnement tout en rendant plus difficile les trafics et la captation de ces populations par des réseaux mafieux.
Une fois l’aménagement de ces terrains effectué, un dispositif simple devrait être mis en place afin de permettre de connaître, en temps réel, les terrains de stationnement disposant de places disponibles, le numerus clausus de chaque terrain devant être strictement respecté.
Pour ceux qui arrivent sans caravanes ni tentes, ces terrains pourraient être équipés d’un petit nombre d’abris sommaires.
Outre la pression sur les pays d’origine, c’est donc à cette exigence de la loi Besson, qui traduit la générosité de la France mais, malheureusement, plus dans les textes que dans leur mise en œuvre, qu’il conviendrait prioritairement de s’atteler.
L’existence d’une possibilité d’hébergement permettrait de faire respecter, par les Roms, les exigences de nos lois
Le droit de pénétrer et de séjourner en France ne pouvant justifier des occupations de terrains ou de bâtiments illégales, d’autant que des possibilités légales de stationnement existeraient, les expulsions, assorties des garanties procédurales normales, n’auraient plus lieu d’être considérées comme une atteinte à la dignité de ces personnes.
Ensuite, le contrôle des conditions d’existence et le respect, par ces personnes, des lois françaises, qu’il s’agisse des lois pénales ou des obligations parentales en matière d’hygiène, de scolarité des enfants ou de leur préservation de la prostitution et de la mendicité, pourrait et devrait être effectué
Ces contrôles devraient aussi permettre de reconduire dans leurs pays d’origine ceux qui résident depuis plus de trois mois et qui ne disposent d’aucune ressource et de s’assurer que ceux-ci ne se livrent pas à des pratiques illégales.
Pour ces derniers, il reviendrait alors à la justice d’apprécier s’il y a lieu de poursuivre et de sanctionner les infractions constatées en prononçant, éventuellement, l’interdiction du territoire national.
En définitive il conviendrait que les protagonistes des querelles, entre ceux qui voudraient proscrire toute présence de Roms en France et ceux qui stigmatisent les expulsions pratiquées « sans proposer de solution » se rapprochent, en premier lieu pour faire pression sur les nombreuses communes qui ne respectent pas la loi Besson, adoptée depuis plus de 22 ans, et, ensuite, pour considérer que l’accueil d’étrangers sur notre territoire implique, de la part des bénéficiaires, le respect des lois, ce qui nécessite des contrôles et la sanction des infractions.
Les conflits purement idéologiques, pas plus que les guerres, ne sont source de progrès. En revanche, l’écoute des points de vue opposés, en acceptant de reconnaître la part de vérité qu’ils contiennent, se révèle toujours riche de solutions dès lors que le problème est replacé sur les rails du droit.
Jean-Pierre Dintilhac
Magistrat honoraire
25 septembre 2013
Bonjour Sebastian
j’ai beaucoup apprécié vos deux lettres.
Nous aurons je pense une réponse ou une non réponse .
J’ai été toutefois assez étonnée, sinon choquée, de cette citation de Tertullien
pouvez vous m’en dire plus ?
merci beaucoup
j’ai fait des études pour être prof de philo mais je n’ai pas enseigné
Réponse à monsieur le Belge.
La France à aucune leçon à recevoir d’un européen. Les étrangers quî résident en France doivent se comporter et respecter les us et coutumes du pays u ils résident
Si cela ne leur convient pas qu’ils retournent chez eux,point barre.
salut le Belge soyez gentil regarder déja chez vous. Votre pays n’accepte meme pas la double nationalité!!!!!!
H.Régen
Autre sujet…
Monsieur Estrosi,
J’ai écouté le discours de L. Wauquiez ce matin, suite à l’attentat terroriste dans l’Aude à Trèbes.
C’est consternant, cet appel aux électeurs de Marine Le Pen ?
Je trouve extrêmement pathétique qu’un homme politique en soit réduit à un tel comportement. Même la responsable du FN n’a pas dépassé son discours habituel.
J’espère que vous êtes sur une autre ligne que celle de L. Wauquiez, lequel manifestement cherche à succéder à Jean-Marie Le Pen dans la provocation.
Ses propos ne permettront pas d’anéantir le terrorisme.
Respectueuses salutations.
françoise gautier