Prise en charge de ma classe de 1ère STMG. Évoquer la laïcité1.
L’enseignant peut-il et doit-il rechercher l’adhésion des élèves à l’article 141-5-12 du code de l’éducation ?
La première note que je vous envoie prend appui sur le récit de la prise en charge de la classe de première STMG dont je suis professeur principal. Je ne cherche pas à retrouver les mots exacts que j’ai employés, je rédige librement en sachant quels sont mes interlocuteurs. Ce que je voudrais, c’est que vous me disiez si vous pensez ou non que le fond de ces propos est conforme à ce qui doit être une explication de la laïcité délivrée à des élèves dans le cadre de mes fonctions d’enseignant. Je me demande aussi s’il existe d’autres positionnements légitimes pour l’enseignant ou si celui que j’ai adopté est le seul possible dans le cadre légal qui est le nôtre.
Lors de la réunion de pré-rentrée, nous avons reçu l’injonction orale d’évoquer la laïcité avec nos élèves au cours des deux premières heures que nous passerions avec les classes dont nous sommes professeurs principaux. Après avoir réglé quelques formalités avec mes élèves, je leur ai déclaré que nous allions parler de la laïcité car j’avais reçu l’injonction de le faire dans le cadre de la Grande mobilisation de l’École pour les valeurs de la République3. J’ai dit que nous pouvions aborder cette question de deux manières : à partir de leurs impressions et réflexions ou sur la base d’un exposé que je ferais. J’ai précisé que, quelle que fût la démarche que nous adopterions, la réflexion et la discussion qui se mettraient en place se feraient, conformément aux exigences du code de l’éducation, en intégrant la nécessité de favoriser le développement de l’esprit critique de l’élève. J’ai toutefois signalé que les enseignants, aux termes du code de l’éducation en son article L111-14, avaient mission de faire partager les valeurs de la République. On peut concevoir, ai-je reconnu, qu’il y ait une certaine tension entre ces deux exigences et ai avancé que nous pourrions parler de cette question plus tard.
Ainsi que je m’y attendais, les élèves m’ont demandé de faire un exposé, que je vous épargnerai, pour me concentrer sur quelques points qui émergèrent des échanges qui eurent lieu.
Je m’y attendais aussi, ce qui suscita les réactions des élèves et leur envie de s’exprimer, ce fut la question du foulard5. « Cette loi est nulle », fit une élève. Je lui ai répondu qu’elle avait le droit de le penser, qu’elle avait aussi le droit de le dire, mais que ce qui serait beaucoup plus intéressant, ce serait qu’elle essaye d’argumenter et de dire pourquoi elle pensait cela, ce qui nous permettrait de mettre en place une délibération au lieu de devoir nous contenter d’une série de déclarations rendant compte du ressenti de chacun à l’égard de cette loi. J’ai précisé une chose qui me semblait essentielle : nous allions parler en suivant les exigences d’un débat argumenté qui se déroule au sein de l’école. En m’inspirant de Rawls6 et de Habermas7, j’ai considéré que les règles qui doivent régner lorsque l’on délibère dans une société juste sont les mêmes qui doivent prévaloir dans les discussions qui se tiennent dans l’école, notamment : utilisation d’arguments rationnels et non-recours à des croyances globalisantes personnelles, religieuses en particulier. Il fallait débattre sur des bases communes et on ne pouvait asseoir son argumentation sur des croyances qui n’étaient pas partagées par tous. J’ai ajouté, ce qui, d’un point de vue philosophique est redondant, mais qui ne me l’a pas semblé dans le cadre qui était le mien, qu’on allait parler de façon sereine et qu’on allait essayer de ne pas faire appel non plus à des émotions personnelles.
De manière générale, les élèves désapprouvaient la loi, mais ils ne parvenaient pas à structurer solidement leur propos. L’un des arguments que j’ai le plus entendu était que le voile ne gênait personne. J’ai expliqué que les libertés de conscience et d’expression sont au cœur de notre ordre juridique et qu’elles sont garanties par les textes fondamentaux qui l’organisent, notamment par la charte européenne des droits de l’homme8 en ses articles 9 et 10. Mais, ai-je précisé, ces libertés ne sont pas absolues ; elles peuvent être limitées si elles ne sont pas compatibles avec celles d’autrui, suivant l’adage « ma liberté s’arrête là où commence celle des autres », comme le précise le libellé même des articles de la CEDH qui les instituent9.
Les défenseurs de l’interdiction du foulard à l’école, ont recours à deux types d’arguments, ai-je expliqué: le trouble de l’ordre public (1) et l’empêchement qu’il constituerait au développement du jugement critique (2).
Selon la commission Stasi, citée par le rapport du Sénat Projet de loi Laïcité – Port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics10, « à l’école, le port d’un signe religieux ostensible (…) suffit déjà à troubler la quiétude de la vie scolaire ».
Selon ce même rapport, qui cite la commission Stasi, l’accès à l’autonomie de jugement ne peut commencer par l’affichage d’une quelconque allégeance :
Comme le rappelle la commission Stasi, « à l’école de la République sont accueillis non de simples usagers mais des élèves destinés à devenir des citoyens éclairés ».
L’école n’est pas un service public ordinaire. Elle accueille, en effet, des « citoyens en puissance », des jeunes en construction d’identité, en général mineurs, encore fragiles, vulnérables aux pressions et aux influences extérieures : « Le fonctionnement de l’école doit leur permettre d’acquérir les outils intellectuels destinés à assurer à terme leur indépendance critique. Réserver une place à l’expression des convictions spirituelles et religieuses ne va donc pas de soi11. »
L’exercice de la liberté repose sur des contraintes. L’accès à l’autonomie de jugement ne peut commencer par l’affichage d’une quelconque allégeance. »
J‘ai résumé les arguments de ceux qui critiquent la loi en disant qu’ils pensent que la limitation des libertés de conscience et d’expression ne se justifie qu’en cas d’un danger imminent, sérieux et certain dont la preuve n’est pas apportée par les défenseurs de la loi. Ils avancent aussi que ces derniers ne démontrent pas que le port du foulard empêche de par lui-même l’accès à l’autonomie de jugement et qu’au surplus, la recherche de celle-ci ne saurait avoir pour effet de porter atteinte aux libertés garanties par la CEDH12.
Le Conseil constitutionnel, n’ayant pas été saisi13, ce débat n’a pas pu avoir lieu en son sein. Quant à la cour européenne des droits de l’homme, elle produit une jurisprudence qui laisse les commentateurs les plus avisés souvent perplexes : elle autorise l’Italie a accrocher des crucifix dans les salles de classe, accepte le licenciement d’une enseignante suisse portant le foulard, et ne condamne ni la France, pour l‘exclusion d’un élève portant un turban sikh, ni la Turquie pour l’interdiction du foulard à l’université14. Le Conseil d’État, lui, a dit que les jugements rendus sur les exclusions de lycéens au titre de la loi de 2004 étaient conformes au droit15.
J’ai dit aux élèves que je cherchais à faire en sorte qu’ils adhèrent aux valeurs de la République, mais que, concernant la loi de 2004, je ne cherchais qu’à les éclairer sur l’état du droit et sur les arguments utilisés par les uns et les autres. J‘ai expliqué que la République leur demande d’adhérer à ses valeurs, mais, uniquement, d’obéir à ses lois. J’ai observé, du reste, que, concernant la loi de 2004, un certain nombre d’élèves qui s’étaient exprimées se retrouvaient visiblement dans la situation que je décrivais : elles n’aimaient pas cette loi, mais elles s’y soumettaient, ce dont je ne pouvais que les féliciter. À mes yeux, ces jeunes filles donnaient à voir un comportement républicain et civique exemplaire en obéissant à la loi alors qu’elles la trouvaient injuste. Il me semble que l’on retrouve ici la distinction fondamentale entre croyance et connaissance : pour les valeurs, nous devons être dans une démarche d’endoctrinement16, alors que la loi appelle une démarche de connaissance.
Nous avons ensuite abordé la question de la désobéissance à la loi. Après que les élèves se sont exprimés, je leur ai proposé un ensemble de critères qui doivent être remplis pour légitimer la désobéissance à une loi : impossibilité de rechercher son abrogation par des moyens légaux et démocratiques, urgence à faire cesser ses effets si ceux-ci portent atteinte de façon intolérable ou irréversible à des droits fondamentaux, proportionnalité entre les moyens déployés et le but poursuivi.
Les élèves ont alors émis des doutes sur le pouvoir qu’ils avaient de peser sur la vie publique en France. Je leur ai accordé que tous les citoyens n’avaient pas la même influence sur les affaires publiques, mais que conclure à une impossibilité absolue d’action dans leur chef était une erreur ou une facilité. Facilité, parce que cela permettait de ne pas s’engager dans la vie publique sans avoir à se le reprocher17. Erreur, parce qu’en dépit des barrières réelles qui se dressent devant le citoyen qui veut peser sur la vie politique, des moyens existent, notamment ceux de l’action collective, qui permettent parfois de renverser ces barrières. J‘ai dit aux élèves que cette loi qu’ils ne semblaient pas approuver, des gens qui la voulaient s’étaient mobilisés pour l’obtenir et y étaient parvenus. Que ces gens aient été plus influents qu’eux, cela était probable. Il restait néanmoins un espace non-négligeable d’expression pour le citoyen décidé à convaincre ses concitoyens de la nécessité de changer ou abroger une loi. Par ce discours, j’ai voulu combattre l’idée émise de différentes manières par mes élèves, que la République n’était pas pour eux. Je crois que cette idée est dangereuse parce qu’elle conduit au repli communautaire, à se détourner d’une République perçue comme hostile et étrangère à soi et non comme un espace qui appartient à chacun –et qui leur appartiendra à eux, élèves, de plein droit quand ils seront majeurs-. Pour faire vivre pleinement ses valeurs, pour être en accord avec elles, la République a besoin des futurs citoyens que vous êtes, ai-je dit. Pas forcément de votre accord avec chacune de ses lois, mais de votre critique loyale dans les espaces de délibération que la République se donne et nous donne18.
J’avais loué la maturité et le sens civique des jeunes filles qui, souhaitant porter le voile, acceptaient de se soumettre à une loi qu’elles estimaient injuste, mais qui, votée démocratiquement dans un pays comme la France, s’imposait à elles. J’ai invité les élèves à faire preuve de la même maturité à l’égard de l’ordre scolaire et de ses normes, dont certaines leur apparaîtraient injustes ou injustement mises en œuvre, mais qu’il faudrait critiquer de façon argumentée et civile et non combattre par le chahut.
Nous n’avons pas eu l’occasion, en raison de la richesse des échanges, de revenir sur la tension qu’il peut exister entre l’obligation légale de faire adhérer aux valeurs de la République et celle de favoriser le jugement critique. Je crois que la seule manière de dépasser cette tension est celle que j’ai indiquée plus haut : une démarche d’endoctrinement19 pour les valeurs de la République et une démarche de connaissance pour ses lois. C’est la position que j’ai adoptée devant mes élèves, celle qui a consisté à expliquer la loi du 15 mars 2004 sans chercher à convaincre de sa justesse.
Je voudrais maintenant en venir à ce qui est le sens premier de cette note : vous soumettre les énoncés suivants, que je défends plus bas :
1. L’enseignant est tenu de chercher à faire partager les valeurs de la République, mais n’est pas tenu de faire adhérer aux lois de la République. À l’égard de ces dernières, il se contentera de prôner l’obéissance.
2. Rechercher, à l’école, l’adhésion aux lois de la République, au-delà de leur connaissance et de l’obligation de principe de s’y soumettre, constitue une atteinte au principe de neutralité et affaiblit la vitalité démocratique de la société de demain.
L’absence d’obligation, dans le chef de l’enseignant, de rechercher l’adhésion de l’élève à une loi découle de l’article L111-1 du code de l’éducation qui nous fait obligation de faire partager les valeurs de la République. Si le législateur avait voulu que nous fassions partager l’ensemble de la production législative ou réglementaire de la République, il l’aurait dit et n’aurait pas limité notre obligation aux valeurs de la République20.
On pourrait toutefois objecter, que la loi du 15 mars 2004 a été prise « en application du principe de laïcité », comme l’indique son titre. Cette appellation conférerait à ladite loi un statut à part ; l’invocation liminaire de la laïcité serait une opération qui aurait pour effet d’élever ce simple texte au rang de valeur de la République. La loi et la valeur seraient indissociables. Ne pas défendre la loi du 15 mars 2004 reviendrait à ne pas faire partager les valeurs de la République. Cette argumentation contient, cependant, des failles insurmontables.
Il n’est pas clair, d’abord, que la laïcité soit une valeur de la République, elle serait à ranger, plutôt, du côté des principes21. Rien ne permet d’affirmer, de surcroît, que le fait de nommer de telle ou telle manière une loi permette au législateur de lui faire remonter la pyramide des normes pour la constitutionnaliser ou la « conventionnaliser », voire la transmuter en valeur. On doit remarquer aussi que, alors que l’article L 442-5 dispose que Dans les classes faisant l’objet du contrat, l’enseignement est dispensé selon les règles et programmes de l’enseignement public, la loi du 15 mars 2004 ne s’applique pas dans l’enseignement privé sous contrat, ce qui semble avoir pour effet de ravaler cette loi à un rang indéterminé, mais inférieur à celui de simple règle22, sans quoi, elle aurait trouvé à s’appliquer dans le privé aussi. Quoi qu’il en soit, il ne se conçoit pas que cette loi soit en même temps consubstantielle à une valeur de la République et qu’elle ne s’applique pas à l’enseignement privé sous contrat. Affirmer, au contraire, cette consubstantialité et affirmer en même temps que le « caractère propre » empêche l’application de la loi du 15 mars 2004 dans les établissements privés revient à établir une hiérarchie qui donne une préséance au caractère propre sur la laïcité23.
Mais on peut aussi choisir d’embrasser une démarche conceptuelle ou philosophique, comme le fait madame Kintzler24 –autant que possible, nuance-t-elle-, qui établirait par la pensée ou la raison que l’interdiction de signes par lesquels les élèves manifestent leur appartenance religieuse est une application du principe de laïcité. Cette démarche conduirait à une vérité philosophique et non à une vérité politique ou légale. Celui qui l’emprunte choisit d’ignorer le droit pour déduire du principe lui-même la validité de l’énoncé qui ferait obligation à l’enseignant de défendre l’interdiction du foulard25 non parce qu’il s’agit d’une loi, mais parce qu’elle se déduit en raison du principe de laïcité. Pour ce raisonnement, l’existence de l’article 141-5-1 est indifférente, puisque l’interdiction devient une conséquence inéluctable de l’application de la pensée au principe de laïcité. Le raisonnement serait le suivant : la loi dispose que le maître fait partager les valeurs de la République. La laïcité est une valeur de la République. La nécessité d’interdire le foulard découle en raison du principe de laïcité, ergo, l’enseignant doit défendre la nécessité d’interdire le foulard, que la loi le dispose ou pas. J’aurais aimé pouvoir combattre ici l’affirmation selon laquelle l’interdiction du foulard peut être justifiée en raison de façon convaincante26, mais cela prendrait une place excessive. Je dirai seulement que la façon dont le fonctionnaire exerce ses missions est déterminée par le droit et non par des considérations ou des méditations dont les résultats sont, au sens de Popper, infalsifiables. Celles-ci ne peuvent intervenir que dans l’espace laissé vaquant par la loi. Or, il faut le constater, le législateur ayant sans doute considéré que la démonstration en raison n’était pas convaincante au point de se suffire à elle-même, s’est saisi de la question -c’était son droit le plus strict- pour poser une norme. Ce faisant, il nous impose d’aborder la question -lorsque nous exerçons nos fonctions- par le prisme du droit et a exclu que, en l’espèce, nous interprétions à notre guise les principes ou les valeurs de la République27. Pour l’enseignant, substituer à la loi ses interprétations personnelles des principes -ou celles de tel ou tel philosophe- reviendrait à s’ériger en législateur.
Le deuxième énoncé est plus exigeant. Il affirme l’obligation pour l’enseignant de s’abstenir de louer ou critiquer la loi. Plusieurs arguments peuvent être mobilisés pour défendre cet énoncé ; j’en retiendrai deux :
1. Les valeurs ont une vocation permanente ou éternelle, alors que celle de la loi est de toujours être sujette à modification si le peuple souverain le veut. Fondamentales, les valeurs sont soustraites à la délibération démocratique parce que l’on considère que, sans elles, la justice et la vie démocratique sont impossibles. Par opposition, la loi relève du politique ; une fois promulguée, elle est une manière légitime parmi d’autres que la société se donne pour s’organiser sous l’égide des valeurs. Mais ces valeurs ne sauraient empiéter sans motif sérieux sur la vie démocratique ; elles ne sauraient, sans motif sérieux, amputer la souveraineté du peuple, celle que le Souverain exerce par la loi que ses représentants votent. Si l’école va au-delà de l’exigence générale d’obéissance à la loi et de la démarche de connaissance qui l’éclaire, si elle endoctrine et fait aimer une loi particulière, voire toutes les lois, règlements et circulaires, elle ampute la vie démocratique des possibles légitimes, parce que respectueux des valeurs, qui auraient pu advenir si les citoyens de demain avaient pu former leur jugement librement.
2. La Convention Européenne des Droits de l’Homme28 consacre la liberté de conscience (art. 9) et celle des parents de donner une instruction conformément à leurs convictions religieuses (art. 2, protocole additionnel). Si ces textes n’empêchent nullement que l’on interdise certaines tenues ou certains comportements perçus par les élèves comme indissociables de leur pratiques religieuses, on ne voit pas comment ils pourraient justifier que l’on s’efforce à l’école de faire considérer comme bonnes et justes ces interdictions, sauf si elles peuvent être dérivées de façon directe et inévitable des valeurs qu’il serait fondé de faire partager aux élèves. On peut décrire les arguments des uns et des autres, mais on ne saurait prendre partie. Naturellement, l’État lui-même peut défendre ses positions, mais on ne saurait confondre totalement l’École, qui est une institution, et l’État : en cours, l’enseignant n’est pas au service de l’État, mais au service du savoir29. De surcroît, l’obligation d’assiduité de l’élève crée des obligations plus strictes à l’enseignant qu’à l’État, car si, le citoyen est libre de ne pas lire la propagande du ministère, l’élève, lui, ne peut se soustraire à la parole du maître. L’enseignant républicain interdira donc le port du foulard, fera une description objective de la loi, et de ses motivations, pourra présenter les arguments des uns et des autres en signalant, s’il le faut, que certains de ces arguments ne s’intègrent pas dans le cadre d’une délibération républicaine, mais il ne confondra pas démarche de connaissance et démarche de conviction ou d’endoctrinement30. On peut ici rappeler utilement l’étonnant arrêt Lautsi31 qui autorise la présence de crucifix dans les salles de cours des écoles publiques italiennes. Cherchant à minimiser l’impact dudit objet, la Cour affirme que « le crucifix apposé sur un mur est un symbole essentiellement passif » (§ 72) et, par comparaison au contenu des enseignements, elle estime que ce symbole n’emporte pas « une influence sur les élèves comparable à celle que peut avoir un discours didactique ou la participation à des activités religieuses » (§ 72)32. Il faut comprendre que, pour la Cour, un effort d’endoctrinement dans le chef du maître serait plus grave que l’apposition d’un crucifix sur le mur d’une classe.
Chères collègues, madame et monsieur les référents-laïcité académiques, les considérations que je viens d’effectuer m’ont conduit, dans un premier temps, à affirmer que :
1. L’enseignant de la République doit faire partager les valeurs de la République conformément à l’article L111-1 du code de l’éducation.
2. Cet endoctrinement ou cette démarche de conviction ne saurait s’étendre à l’ensemble de la production législative de la République.
3. Par conséquent, l’article L141-5-1 du code de l’éducation doit être présenté dans le cadre d’une démarche de connaissance et non dans le but de convaincre les élèves de son bien-fondé.
4. Toute présentation non neutre de cet article constitue une atteinte au principe de neutralité de l’État.
Ces énoncés sont ceux que je vous annonçais au début de ma lettre. Cependant, au moment de conclure, une autre interrogation surgit de ce qui vient d’être établi: l’obligation de faire partager le principe de laïcité pourrait légitimer un biais dans 3 et 4, en faveur d’une démarche de minimisation de la loi sur le foulard. En effet, nous avons démontré que la combinaison de cette loi et de l’article L442-5 nous laisse le choix de ravaler cette loi à un rang inférieur à la règle ou de reconnaître que le principe constitutionnel de laïcité s’efface devant le « caractère propre » des établissements privés. Il se pourrait qu’une présentation objective des choses fondée sur une démarche de connaissance ait pour effet d’éloigner nos élèves d’un principe de laïcité rendu incohérent par le législateur. L’obligation de faire partager les valeurs de la République doit-elle nous conduire à occulter ce que nous avons établi et à minimiser l’importance de la loi pour préserver l’adhésion au principe de laïcité ? Je reconnais que je n’ai pas répondu à cette objection. Si j’ai montré, en effet, que la loi sur le foulard ne saurait être défendue ou magnifiée sans porter atteinte aux principes de neutralité ou de laïcité, il se pourrait, en revanche, que l’enseignant doive diminuer son importance pour ne pas susciter des interrogations délétères au sujet du principe de laïcité. En somme deux possibilités légitimes subsistent : une présentation objective de la loi au risque de diminuer dans l’esprit des élèves le prestige du principe de laïcité ou une présentation qui minimise la loi afin de diminuer l’atteinte au principe de laïcité qu’engendre son cantonnement dans le secteur public.
La question qui doit être résolue ici est celle du conflit qui peut exister entre l’obligation de faire partager les valeurs de la République et celle de développer le jugement critique, entre croyance et connaissance, entre éducation et enseignement, entre endoctrinement et transmission du savoir. On peut penser qu’un dépassement de ce conflit est possible si l’on pose que le contenu d’un principe (ou d’une valeur) ne se laisse pas définir par telle ou telle loi, que le législateur peut errer et qu’une application erronée d’un principe (ou d’une valeur) peut être corrigée. Il se pourrait qu’il incombe à l’institution républicaine qu’est l’École de faire vivre ces principes ou valeurs de façon rigoureuse et dépassionnée et d’interpeller le législateur lorsque l’analyse rationnelle montre qu’un texte affaiblit ces principes ou valeurs que la Nation lui fait mission de faire partager. Je tâcherai de me pencher sur cette question dans une prochaine note.
Je vous prie d’agréer, chères collègues, chères D et L, monsieur et madame les référents-laïcité, monsieur le Proviseur, l’expression de mes salutations laïques et républicaines.
Sebastián Nowenstein
Annexe I
Lettre d’accompagnement à la présente note.
Chères collègues référents-laïcité,
Chères D et L,
Monsieur le Proviseur,
Madame et Monsieur les référents-laïcité académiques,
L’École, sous l’impulsion de madame la ministre, est engagée en une grande mobilisation pour les valeurs de la République33. Comme le code de l’éducation, en son article L111-1 nous faisait déjà obligation de faire partager ces valeurs aux élèves et que la loi sur la refondation de l’école34 insiste à plusieurs reprises sur ce point, la démarche de la ministre doit être interprétée comme une injonction à intensifier et à généraliser ce que nous accomplissions déjà. La création d’un réseau de référents-laïcité cooptés par le ministère indique une volonté de donner une importance particulière au principe de laïcité, qui, si je comprends bien, devient, dans le cadre de cette mobilisation, une valeur. Or, valeur ou principe, la laïcité s’apparente à un universel vide hegelien pour Pierre Kahn35 et se présente sous sept visages différents pour Jean Baubérot36. Lors de la réunion de rentrée, vous avez dit, monsieur le Proviseur, sans nommer personne, que la laïcité était parfois mal comprise des collègues. Je me demande si je fais moi-même partie de ces enseignants qui comprennent mal la laïcité.
Dans ce contexte, j’analyse comme une exigence déontologique le fait de vous soumettre les notes que je rédige en vue de pouvoir m’acquitter de la tâche ardue consistant à présenter de façon réaliste la laïcité à mes élèves. Ces notes ne sont pas des cours, mais leur préparation me paraît un outil indispensable pour pouvoir répondre de mon mieux aux questionnements qui peuvent émerger dans le cadre de mes missions. Je pense aussi que, dans un sujet aussi délicat, il est normal que je soumette ces notes à la critique au-delà du périmètre de la classe. Il me semble, en effet, que, quel que soit l’effort d’objectivité que l’enseignant déploie, il est souhaitable de mettre le citoyen en devenir qu’est l’élève en présence de critiques argumentées de la parole du maître, ce qui requiert la publication de textes la présentant. Je voudrais pouvoir dire à mes élèves : « Voici la question telle que me la présentent mes lectures des textes officiels et ma meilleure analyse rationnelle. Mais d’autres sont en désaccord avec moi et ils ont bien voulu exposer pour vous leurs arguments ici… ». Donner à voir une délibération rationnelle me paraît utile pour favoriser l’émergence du jugement critique de l’élève, objectif que le code de l’éducation met tant de fois en avant.
À mon sens, cette exigence déontologique pèse aussi sur mes cours. Lorsque j’analyse un texte littéraire afin de préparer un cours, je ressens la nécessité de publier mes conclusions afin de me soumettre à la critique et, idéalement, de proposer à mes élèves des critiques écrites de mes conclusions. Lorsque je travaille sur l’imposture d’Antonio Pastor Martínez, un faux déporté, j’écris aux personnes et institutions intéressées -et je publie mes courriers37– pour leur demander de prendre position sur les conclusions auxquelles je parviens. Je dois avouer que je n’arrive qu’imparfaitement à m’acquitter de cette exigence déontologique.
En cours, j’essaye de faire preuve de discernement et mes notes, bien entendu, n’arrivent pas telles quelles aux élèves. Mais il faut toujours approfondir : nous savons tous qu’un cours acceptable requiert une réflexion qui dépasse de très loin ce qui va finalement être mis en œuvre.
Je vous soumettrai ces notes au fur et à mesure que je les rédigerai. Je les publierai aussi sur mon blog pour apporter ma contribution à la réflexion collective sur la meilleure manière de faire vivre dans nos écoles les principes et valeurs de la République.
Je vous prie d’agréer, chères collègues, chères Noëlle et Isabelle, madame et monsieur les référents-laïcité, monsieur le proviseur, l’expression de mes salutations laïques et républicaines.
Sebastián Nowenstein,
professeur agrégé.
Voir aussi :
http://sebastiannowenstein.blog.lemonde.fr/2017/04/21/lettres-restees-sans-reponse-rappel-et-interrogations-a-lintention-de-madame-la-ministre/
1Cette note est adressée à nos référents-laïcité. Le courrier qui l’accompagne se trouve en annexe (annexe I).
2 Article L141-5-1 : Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit.
Le règlement intérieur rappelle que la mise en œuvre d’une procédure disciplinaire est précédée d’un dialogue avec l’élève. http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006071191&idArticle=LEGIARTI000006524456
3Une confusion certaine règne dans les textes officiels sur la nature de la laïcité : valeur ou principe ? La question mérite des développements que je ne pouvais faire en cours. S’il semble conceptuellement facile de résoudre le problème en adscrivant la laïcité dans le champ des principes, il n’en reste pas moins qu’il faut tenir compte de la confusion créée sur la question par les textes qui règlent nos missions. Je voudrais me pencher sur la question dans une note distincte. Ici, je mélange un peu valeurs et principes afin, d’une part, de me situer au plus près de la situation qui prévaut au moment où je parle avec ma classe et, d’autre part, afin de pouvoir avancer dans la réflexion sur des questions qui ne requièrent pas de façon incontournable de clarifier ce point. Voir aussi la note 19.
4Lequel dispose notamment : Outre la transmission des connaissances, la Nation fixe comme mission première à l’école de faire partager aux élèves les valeurs de la République. http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006071191&idArticle=LEGIARTI000027682584
5Pour ne pas avoir à reprendre à chaque fois l’intitulé exact de la loi, je dis la « loi sur le foulard », ou « l’interdiction du foulard ». Cette commodité ne me paraît pas excessive ou injustifiée ; la lecture des différents rapports qui ont conduit à l’adoption de la loi du 15 mars ne laisse aucun doute sur le fait que ce qui était visé en tout premier lieu, c’était le foulard dit islamique ou musulman.
6John Rawls (Catherine Audard), Théorie de la justice, Point, « Points Essais, n° 354 », , 665 p.
7Jürgen Habermas Morale et communication, Théorie de l’agir communicationnel (t.2, Paris, Fayard, 1987), De l’éthique de la discussion (Paris, « champs », Flammarion, 1992), Débat sur la justice politique (avec John Rawls,« humanités », cerf, 1997), Droit et démocratie, trad. française R. Rochlitz et C. Bouchindhomme, Gallimard, 1997
8Convention européenne des droits de l’homme : http://www.echr.coe.int/Documents/Convention_FRA.pdf
9Habermas l’explique fort bien : Dans la compréhension moderne du droit, le concept de droit subjectif, ainsi que nous l’avons vu dans le premier chapitre, joue un rôle central. Il correspond au concept de la liberté d’action subjective : les droits subjectifs (qu’on dit simplement « rights » en anglais) fixe les limites dans lesquelles un sujet est en droit d’affirmer librement sa volonté. Et, de fait, ils définissent d’égales libertés d’action pour tout individu ou sujet de droit en tant qu’il est compris comme porteur de droits. Dans l’article 4 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen de 1789, il est dit : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. Ainsi, l’exercice des droits naturels à chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits ; ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi. » C’est là une proposition à laquelle se rattache Kant lorsqu’il formule son principe universel du droit selon lequel est conforme au droit toute action qui peut ou dont la maxime peut laisser coexister de l’arbitre de chacun avec la liberté de tout le monde d’après une loi universelle. C’est encore ce qu’observe Rawls lorsqu’il formule son premier principe de la justice : « Chaque personne doit avoir un droit égal au système le plus étendu de libertés de base égales pour tous, compatibles avec un même système pour tous. » Le concept de loi explicite l’idée, déjà contenue dans le concept de loi, d’égalité de traitement : dans la forme des lois universelles et abstraites, tous les sujets bénéficient des mêmes droits. J. Habermas, Droit et démocratie, trad. française R. Rochlitz et C. Bouchindhomme, 552 p, Gallimard, 1997, p 97-98.
10http://www.senat.fr/rap/l03-219/l03-219_mono.html
11Alors que, selon la CEDH, en son article 10, la liberté d’expression est la norme et sa limitation l’exception justifiée par des motifs impérieux, la commission Stasi, reprise par le rapport du Sénat, opère, pour l’espace scolaire, une inversion : l’interdiction de l’expression de convictions spirituelles est la norme et son autorisation, qui ne va pas de soi, l’exception qu’il faut justifier. L’assise juridique de cette opération n’est pas claire.
12Il est aisé de trouver l’expression unifiée des arguments en faveur de la loi dans des textes officiels, qui, par contre, ne font guère de place aux arguments de ceux qui se sont opposés à la loi. Cette situation est logique, le texte ayant été porté de façon très consensuelle par les députés et sénateurs. L’opposition à la loi se manifeste plutôt en dehors des instances parlementaires et n’est pas unifiée. C’est ce qui m’a conduit à citer longuement les rapports de la commission Stasi, du Sénat et de l’Assemblée, alors que j’ai essayé de synthétiser moi-même en quelques phrases les arguments qui me paraissent les plus pertinents des adversaires de la loi. Le fait que la loi n’ait pas été portée devant le Conseil constitutionnel contribue à la « dispersion » des arguments. La tâche aurait été plus facile dans le cas contraire, l’enseignant aurait pu faire le choix de rendre compte d’une délibération du Conseil constitutionnel, plutôt que du foisonnement d’arguments qui se déploient dans la société civile, pour l’appeler ainsi. Voir note suivante.
14Nicolas Hervieux réussit le tour de force de dégager une cohérence dans la production de la Cour en la matière : c’est ce qu’il a appelle la jurisprudence « ni-ni » : La position strasbourgeoise est donc qualifiable de jurisprudence « ni-ni » : ni interdiction des manifestations religieuses dans l’espace scolaire ; ni obligation pour l’État de les accepter (pour une idée similaire en matière d’euthanasie, v. Cour EDH, 2e Sect., 16 décembre 2008, Ada Rossi et autres & sept requêtes c. Italie, Req. 55185/08 – ADL du 3 janvier 2009 ; Cour EDH, 1e Sect. 20 janvier 2011, Haas c. Suisse, Req. n° 31322/07 – ADL du 21 janvier 2011). Ceci est confirmé par le fait que la Cour prend bien soin de ne pas renverser la jurisprudence Lucia Dahlab c. Suisse. Source http://combatsdroitshomme.blog.lemonde.fr/2011/03/21/crucifix-dans-les-salles-de-classes-la-capitulation-de-la-cour-europeenne-des-droits-de-l%E2%80%99homme-cour-edh-gc-18-mars-2011-lautsi-c-italie/ On est en droit de se demander si l’exigence de respecter les différentes traditions constitutionnelles n’installe pas dans le fonctionnement de la Cour une sorte de déni de justice structurel.
16Je donne au mot endoctrinement le sens d’une activité qui consiste à amener quelqu’un à partager certaines idées. Si, conformément à l’obligation que me fait l’article L111-1, je cherche à faire en sorte que les élèves adhèrent aux valeurs de la République, je les endoctrine. L’endoctrinement est une tâche noble lorsqu’il se fait sous les auspices de la loi qu’une société démocratique se donne et dans des limites judicieuses. Il cesse probablement de l’être lorsqu’il s’insinue au lieu de s’afficher. Je crois par conséquent que nous devons distinguer connaissance et croyance et que donner le nom d’endoctrinement à ce qui en relève contribue à cette distinction nécessaire. La question des limites et de la place qu’il faut donner à l’endoctrinement est une question qui mérite d’être abordée par elle-même, notamment au regard des exigences de la loi pour la refondation de l’École de la République qui, en son annexe, énonce : Enseigner et faire partager les valeurs de la République est une des missions qui incombent à l’école. L’ensemble des disciplines d’enseignement et des actions éducatives participe à l’accomplissement de cette mission. Source : LOI n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République http://www.legifrance.gouv.fr/eli/loi/2013/7/8/2013-595/jo/texte
17J‘ai précisé, suivant Habermas, que la République n’exige pas du citoyen qu’il participe dans les affaires de la cité. Si elle rend possible sa participation, elle ne sanctionne pas celui qui s’en met en retrait et vaque exclusivement à ses affaires privées : « (…) nous pouvons donc comprendre l’autonomie privée d’un sujet de droit essentiellement comme la liberté négative qui consiste à pouvoir se retirer de l’espace public des obligations illocutoires réciproques pour se replier sur une position d’observation mutuelle, et d’influence réciproque. L’autonomie privée va aussi loin qu’il se peut tant que le sujet de droit n‘a pas à se justifier et qu’il ne doit fournir pour ses plans d’action aucune raison publiquement acceptable. Les libertés subjectives autorisent qu’on se place en dehors de l’activité communicationnelle, et qu’on refuse les obligations illocutoires ; elles fondent une sphère privée qui libère des charges que suppose la liberté communicationnelle avec ses exigences et ses concessions réciproques. » J. Habermas, Droit et démocratie, trad. française R. Rochlitz et C. Bouchindhomme, 552 p, Gallimard, 1997, p 137.
18Je crois que dans certains cas extrêmes, ce repli s’effectue vers une communauté idéalisée dont on perçoit d’autant moins les effets de domination (je donne au mot domination le sens de Petit dans Republicanism: a theory of freedom and government, 1997) qu’elle est construite et imaginée par le jeune comme un refuge contre une société dont il pense qu’elle limite ses libertés. Alors que la République est justiciable des imperfections du réel, la communauté imaginaire est libre par construction et irresponsable, au sens juridique, de ses actes parce que supposément empêchée d’exprimer pleinement ses potentialités par sa sujétion à l’ordre républicain. Je crois que ce qu’il faut montrer, c’est que la République offre un espace de contestation contre les effets de domination qu’elle peut elle-même engendrer et que même si ces espaces ne sont pas parfaits, ils sont réels. Il faut aussi montrer que ces espaces ne fonctionnent pas seuls, mais qu’ils requièrent d’être occupés par des citoyens qui les fassent fonctionner de façon loyale. En ce sens, les défauts de la République sont aussi les défauts de ceux qui ne l’investissent pas complètement. La République cesse alors de se présenter comme un régime oppressif pour devenir notre chose commune, forte si nous l’investissons, faible si nous la délaissons.
19L’endoctrinement n’exclut pas la délibération rationnelle et n’est pas incompatible avec une argumentation loyale et rigoureuse en ses procédures. Un endonctrinement qui nierait la liberté de conscience et userait de la manipulation ne serait pas acceptable à l’École. La question se pose pour les valeurs et principes de la République, mais aussi pour d’autres missions que la Nation nous confie, celle, par exemple, de « développer un esprit européen » (LOI n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République) ou celle « de renforcer le lien armées-Nation » Loi du 28 octobre 1997 portant réforme du service national, chapitre IV, article L.114-1, citée dans BO en ligne Hors série N°8 du 6 août 1998 .
20La généralisation de cette exigence aurait des effets problématiques pour la liberté pédagogique, voire pour la liberté tout court : conçoit-on d’imposer aux enseignants de défendre, si la question était évoquée dans leurs cours, la loi sur la réforme du collège, ou celle de la Révision Générale des Politiques Publiques et non simplement d’informer objectivement les élèves à leur sujet ? Cette expérience mentale ici proposée peut être lue comme une démonstration par l’absurde de la difficulté d’instituer une obligation générale de défense des lois de la République dans le chef des enseignants.
21Voir à ce sujet, Pierre Kahn : http://spirale-edu-revue.fr/IMG/pdf/kahn_spirale_39.pdf. Philosophe, Pierre Kahn est professeur des Universités à Caen. Il a été coordinateur du groupe chargé de l’élaboration des projets de programmes d’enseignement moral et civique pour le Conseil supérieur des programmes : http://eduscol.education.fr/cid92403/l-emc-principes-et-objectifs.html#lien1
22La loi du 15 mars 2004, nous le disions plus haut, n’a pas été soumise au Conseil constitutionnel, contrairement à la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959, codifiée en l’article cité. Par sa décision du n° 77-87 DC du 23 novembre 1977, le Conseil constitutionnel a jugé ladite loi conforme à la Constitution. Dans le conflit entre les deux textes, on ne voit pas comment on pourrait faire prévaloir celui présumé constitutionnel parce que n’ayant pas été soumis au Conseil constitutionnel sur celui dont la constitutionnalité a été établie explicitement.
À moins de penser que le Conseil constitutionnel puisse se contredire, il faut penser que la contrariété ici soulevée ne peut être résolue qu’au bénéfice de la loi de 1959. Sur le fait étrange que la loi sur le foulard n’ait pas été soumise au Conseil constitutionnel, on pourra lire Julie Brau, Controverses autour de la loi du 15 mars 2004 : laïcité, constitutionnalité et conventionnalité : http://www.droitconstitutionnel.org/congresmtp/textes1/BRAU.pdf
23Dans l’exposé des motifs de la loi, le législateur se contente d’énoncer que la loi ne s’applique pas aux établissements privés sous contrat :
La loi s’applique dans les écoles, les collèges et les lycées publics. Elle ne concerne donc pas les établissements d’enseignement privés, qu’ils aient ou non passé avec l’État un contrat d’association à l’enseignement public. Elle s’applique aux élèves, sachant que les personnels de l’éducation nationale sont d’ores et déjà soumis au principe de stricte neutralité que doit respecter tout agent public. (http://www.legifrance.gouv.fr/affichLoiPubliee.do;jsessionid=FB342AEB492461DE5E8426D5E3A68489.tpdjo14v_2?idDocument=JORFDOLE000017759496&type=expose&typeLoi=&legislature=)
Dans leurs rapports respectifs, le Sénat et l’Assemblée se montrent plus diserts et excipent du principe de liberté de l’enseignement et du nécessaire respect du caractère propre qui en découle pour justifier que l’interdiction des signes religieux ne s’applique pas aux établissements privés sous contrat.
Pour le Sénat :
S’agissant des établissements sous contrat, le principe de liberté de l’enseignement, consacré par le Conseil constitutionnel33(*) comme principe fondamental reconnu par les lois de la République34(*), impose que soit appréhendée sous un angle spécifique la problématique du port des signes d’appartenance religieuse.
En effet, la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959, dite « Loi Debré », a posé les fondements des rapports entre l’État et les établissements d’enseignement privés. Cela se traduit par une forme de conciliation permettant un financement public de l’établissement, en contrepartie duquel l’État se réserve le droit d’exercer son contrôle, dans le respect, néanmoins, du « caractère propre » de l’établissement.
Sans en définir le contenu juridique, le Conseil constitutionnel a donné valeur constitutionnelle au « caractère propre » des établissements liés à l’État par contrat, en indiquant que la reconnaissance et la sauvegarde de celui-ci n’était que la mise en œuvre du principe de liberté d’enseignement35(*).
Interrogé par la mission d’information de l’Assemblée nationale, M. Roger Errera, conseiller d’État, en a donné la définition suivante : « Le caractère propre, c’est la « valeur différente » de l’enseignement privé, le style de l’éducation, l’encadrement, les activités post-scolaires, les formes de la vie pédagogique (…), les valeurs au nom desquelles cet établissement a été créé… »
Respecter le « caractère propre » des établissements d’enseignement privés sous contrat d’association avec l’État apporte la garantie de l’existence possible d’un tel enseignement confessionnel, permettant à la liberté religieuse de s’exprimer pleinement. (http://www.senat.fr/rap/l03-219/l03-219_mono.html#toc124)
Se faisant l’exégète créatif de la production législative et des arrêts du Conseil constitutionnel, ce rapport reconnaît que le Conseil Constitutionnel ne définit pas le caractère propre des établissements privés et cherche dans le même mouvement à lui donner un contenu substantiel d’une force capable de cantonner une loi prise en application du principe de constitutionnel de laïcité d’une république indivisible en dehors du pré-carré du privé. Mais, en plus de singulier et créatif, le Rapport est d’une malhonnêteté caractérisée, car la décision sur laquelle il fonde le cordon sanitaire qui exclut la laïcité du privé sous contrat a été prise pour rejeter un recours de 60 sénateurs qui contestaient la constitutionnalité d’une loi qui, codifiée, a donné l’article L442-5, lequel dispose : Dans les classes faisant l’objet du contrat, l’enseignement est dispensé selon les règles et programmes de l’enseignement. Lesdits sénateurs attaquaient la loi au motif qu’elle mettait en cause la liberté d’enseignement et le respect du « caractère propre » des établissements sous contrat. Le Conseil Constitutionnel, par la décision à laquelle le Rapport du Sénat fait dire ce qu’il veut, confirmait l’étendue limitée de l’invocation utile de la notion de « caractère propre » et rappelait notamment que le caractère propre ne saurait porter atteinte à la liberté de conscience : 6. Considérant qu’il résulte du rapprochement des dispositions de l’article 4, alinéa 2, de la loi du 31 décembre 1959, dans la rédaction nouvelle qui leur est donnée par la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel, et de celles de l’article 1er de la loi du 31 décembre 1959 que l’obligation imposée aux maîtres de respecter le caractère propre de l’établissement, si elle leur fait un devoir de réserve, ne saurait être interprétée comme permettant une atteinte à leur liberté de conscience (http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-con..decision-n-77-87-dc-du-23-novembre-1977.7529.html#). En somme, le raisonnement vicié du Rapport consiste à reconnaître que le « caractère propre » d’un établissement a une valeur constitutionnelle, à reconnaître que ledit caractère n’est pas défini de façon claire, à occulter qu’il ne saurait porter atteinte à un principe fondamental tel que la liberté de conscience et à tirer de son indéfinition un motif suffisant pour laisser le privé en dehors de l’application d’une loi prise en application du principe de laïcité.
Pour l’Assemblée Nationale :
C.- LA PRISE EN COMPTE DE CERTAINES SPÉCIFICITÉS
1.- La prise en compte du caractère propre des établissements privés sous contrat
La nécessaire clarification de l’application du principe de laïcité dans les établissements d’enseignement doit-elle s’appliquer aux établissements d’enseignement privés ayant passé avec l’État un contrat d’association ? Cette question a fait l’objet de nombreux débats au sein de la mission.
Il convient de souligner, en premier lieu, que la question ne se pose pas pour les établissements privés hors contrat qui ne font pas partie du service public de l’Éducation nationale : le dispositif législatif ne leur serait donc pas appliqué.
Plusieurs éléments militent en faveur de l’extension de l’interdiction du port, par les élèves, de signes religieux et politiques aux établissements privés sous contrat.
Ces établissements font partie du service public de l’enseignement et à ce titre sont soumis à des obligations de service public, tel que le respect des convictions personnelles des élèves.
Le second alinéa de l’article L.442-5 du code de l’Éducation précise, en effet, que, dans le cadre d’un contrat d’association l’enseignement est dispensé selon les règles et programmes de l’enseignement public. De plus, l’article L.442-1 du code de l’Éducation, introduit par la loi du 31 décembre 1959, dispose que l’établissement privé sous contrat, tout en conservant son caractère propre, doit dispenser l’enseignement dans le respect total de la liberté de conscience. Par ailleurs, l’article prescrit que tous les enfants, sans distinction d’origine, d’opinion ou de croyances ont accès à ces établissements.
Se pose, dès lors, la portée juridique du « caractère propre » des établissements privés sous contrat.
Interrogé par la mission, M. Roger Errera63, conseiller d’État, a défini ainsi le caractère propre des établissements privés : « La loi ne définit pas le caractère propre, la jurisprudence non plus. On le discerne bien en distinguant ce qui est de l’éducation et ce qui relève de l’enseignement. Le caractère propre, c’est la « valeur différente » de l’enseignement privé, le style de l’éducation, l’encadrement, les activités post-scolaires, les formes de la vie pédagogique, les rapports avec les familles, avec les élèves, la disposition même des locaux, les valeurs au nom desquelles cet établissement a été créé… »
Le Conseil constitutionnel, dans une décision du 23 novembre 197764, a indiqué que la sauvegarde du caractère propre d’un établissement lié à l’État par contrat n’est que la mise en œuvre du principe de la liberté d’enseignement. Dans la même décision, il est précisé que l’obligation imposée aux maîtres de respecter le caractère propre de l’établissement, si elle leur fait un devoir de réserve, ne saurait être interprétée comme permettant une atteinte à leur liberté de conscience.
Une seconde décision du Conseil constitutionnel, en date du 18 janvier 1985, confirme que la reconnaissance du caractère propre des établissements d’enseignement privés n’est que la mise en œuvre du principe de la liberté d’enseignement.
La mention du caractère propre ne semble donc pas avoir d’autre portée que de garantir la liberté d’enseignement et d’affirmer l’existence de deux types d’établissements, sans remettre en cause l’obligation de respecter l’intégralité des règles de fonctionnement du service public de l’enseignement.
Dans cette logique, le caractère propre n’ouvrirait aucun espace aux établissements privés sous contrat pour restreindre ou élargir les libertés publiques applicables au milieu scolaire. Le seul droit spécifique auquel s’attacherait le caractère propre serait celui de créer un établissement scolaire à caractère confessionnel dans le respect des obligations requises par la loi.
Le Conseil d’État a eu aussi à connaître à deux reprises65 du problème de la portée juridique du caractère propre d’un établissement privé, au regard des obligations qui en découlent pour le personnel enseignant.
Comme le Conseil constitutionnel, le Conseil d’État considère que la liberté d’enseignement consacrée par le caractère propre d’un établissement ne permet ni d’évincer ni de limiter les autres libertés fondamentales au sein de l’établissement, telles qu’elles s’appliquent dans les établissements publics.
Au contraire, interrogés sur le caractère propre, des représentants de l’enseignement confessionnel ont tenté de définir la notion. Lors de son audition, M. Chamoux66, directeur du collège privé Saint-Mauront de Marseille a souligné « En fait, le caractère propre, selon moi, ne réside pas seulement dans ces temps, mais irrigue la vie de tous les jours. Quand on vit sa foi, forcément, l’on pose question aux autres. Est-ce ostentatoire ? Je ne le sais pas, mais forcément des personnes vivent différemment. (…) Le caractère propre, c’est la vie au quotidien. C’est la rencontre avec l’autre, la discussion avec l’autre, des temps d’échange : pourquoi je fais le ramadan, pourquoi, vous chrétiens, faites le carême ? Que faites-vous pendant le ramadan, pendant le carême ? Je situe le caractère propre dans la vie de tous les jours, davantage que dans les temps précis réservés aux catholiques. Il est dans le témoignage d’ouverture aux autres. »
C’est dans ce contexte incertain que l’extension de l’interdiction du port des signes religieux a fait l’objet de débats au sein de la mission.
Certains membres de la mission ont considéré que le caractère propre des établissements privés ne concerne que la garantie de la liberté d’enseignement et implique simplement l’existence de deux types d’établissements. Surtout, ils considèrent que les établissements privés sous contrat font partie du service public de l’enseignement, qu’à ce titre ils sont subventionnés et que, par conséquent, ils doivent garantir, comme les établissements publics, le principe de laïcité.
D’autres membres de la mission ont considéré, au contraire, que la notion de « caractère propre » des établissements privés sous contrat est au cœur de l’identité, de la spécificité des ces établissements et de la relation particulière qu’ils entretiennent avec les religions, comme en témoigne le fait que les enseignants peuvent être des religieux. Ils sont donc opposés à l’extension du dispositif à ces établissements scolaires.
Ayant constaté qu’un consensus n’a pu s’établir sur l’extension de l’interdiction de tout port visible de signes religieux et politiques aux établissements privés sous contrat en raison de leur caractère propre, votre Président vous propose de ne pas prendre de mesures dans ce domaine et, ainsi, de ne pas inclure les établissements privés sous contrat dans le champ d’application de la disposition législative envisagée.
Le Rapport de l’Assemblée est plus précis que celui du Sénat. Il présente de façon plutôt objective la situation et énonce des arguments puissants en faveur d’une application de l’interdiction des signes religieux à l’enseignement privé sous contrat, arguments qu’il puise dans la loi et dans des décisions du Conseil Constitutionnel et du Conseil d’État. Puis, le Rapport met en avant des déclarations touchantes du directeur d’un collège catholique de Marseille qui, auditionné par la commission, a bien voulu partager avec les députés des méditations assez vagues sur le « caractère propre » dont on ne sait pas très bien si elles concernent ou non le contenu de la loi ou si elles militent ou non en faveur de l’interdiction des signes religieux dans le privé. Ensuite, le Rapport nous informe que certains membres de la mission étaient pour l’extension de l’interdiction et d’autres contre celle-ci, et qu’il n’y a pas eu consensus, ce qui a conduit le Président à proposer de ne pas inclure le privé dans le dispositif. En somme, il y a des des arguments pour l’extension au privé ; il n’y en a pas pour ne pas y procéder et on choisit l’option pour laquelle il n’y a pas d’arguments.
24Ici, par exemple : http://archives.hci.gouv.fr/IMG/pdf/actes_du_colloque_laicite.pdf, à la page 19.
25Ce travail ne diffère pas de façon significative de celui que demanderait de combattre les thèses de madame Kintzler. Je considère, au demeurant, que le fait que madame Kintzler soit devenue, pour ainsi dire, la philosophe officieuse de l’Éducation Nationale ne doit pas empêcher la critique de ses thèses. Mais j’estime aussi que le fonctionnaire que je suis est astreint à une forme de déférence à l’égard de celle que les écrits de notre ministère mettent tant de fois en exergue. M‘adressant à vous en tant que fonctionnaire, conscient du devoir de loyauté qui est le mien, je m’efforce d’étendre cette obligation de déférence à l’ensemble des notes que je prépare à votre intention. Je ne doute pas que l’on m’en saura gré.
26Je m’excuse auprès de mes lecteurs de ne pas entreprendre ici cette démonstration. J’invoquerai à ma décharge la même indulgence que réclament Sokal et Bricmont, qui reconnaissaient avec résignation que la tâche de démontrer de façon rigoureuse qu’un énoncé est faux ou fantaisiste est plus lourde que celle de le produire. Précisons toutefois qu’une démonstration convaincante est à entendre dans le sens d’une démonstration tellement forte qu’elle ne peut, comme aurait dit Montaigne, qu’emporter la créance de tout homme ou femme de bonne foi qui s’y exposerait. L’évidence qu’une telle démonstration n’existe pas a conduit le législateur, en toute logique, à légiférer pour imposer une volonté qui ne s’impose pas per se.
27Avec bon sens, Michel Miaille, dans La laïcité, signale que les arguments puisés dans la sociologie ou la théologie n’ont de valeurs que s’ils sont confirmés et éclairés par des dispositions juridiques, La laïcité, Michel Miaille, Dalloz, 2014, 316 p.
28http://www.echr.coe.int/Documents/Convention_FRA.pdf
29Péguy affirmait ainsi que « Il ne faut pas que l’instituteur soit dans la commune le représentant du gouvernement; il convient qu’il y soit le représentant de l’humanité; ce n’est pas un président du conseil, si considérable que soit un président du conseil, ce n’est pas une majorité qu’il faut que l’instituteur dans la commune représente: il est le représentant né de personnages moins transitoires, il est le seul et l’inestimable représentant des poètes et des artistes, des philosophes et des savants, des hommes qui ont fait et qui maintiennent l’humanité. Il doit assurer la représentation de la culture». On n’embrassera pas l’ensemble de la rhétorique Péguy, tant de fois glorieusement cité, on ne dira pas ainsi avec lui que l’instituteur représente les philosophes (nous imagine-t-on en représentants de Barthes, Virilio, Kristeva, Kintzler, Pena-Ruiz, Baudrillard… !?), mais on dira que l’enseignant transmet des savoirs, y compris des savoirs au sujet d’une loi, et qu’il ne s’écarte de l’objectivité et de la neutralité que pour susciter l’adhésion aux valeurs de la République.
30L’enseignant retrouve toutefois sa liberté de parole dès lors qu’il quitte sa salle ou son établissement : dans l’espace public, il est seulement tenu à un devoir de réserve, une construction prétorienne concernant l’ensemble des fonctionnaires que la jurisprudence encadre de façon d’autant plus tolérante que la position hiérarchique du fonctionnaire est faible. Voir à ce sujet : http://www.fonction-publique.gouv.fr/droits-et-obligations#Obligation_reserve_ ou https://fr.wikipedia.org/wiki/Devoir_de_r%C3%A9serve_dans_la_fonction_publique_fran%C3%A7aise#cite_note-1, qui fournit des liens intéressants.
31Cour EDH, G.C. 18 mars 2011, Lautsi c. Italie
32http://riviste.unimi.it/index.php/statoechiese/article/view/1048/1279
33Onze mesures pour une grande mobilisation de l’École pour les valeurs de la République
http://www.education.gouv.fr/cid85644/onze-mesures-pour-un-grande-mobilisation-de-l-ecole-pour-les-valeurs-de-la-republique.html
34LOI n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=71E714F8DE90A4DB794791D1D00BDBBA.tpdila10v_1?cidTexte=JORFTEXT000027677984&dateTexte=20151111
35Pierre Kahn : http://spirale-edu-revue.fr/IMG/pdf/kahn_spirale_39.pdf. Philosophe, Pierre Kahn est professeur des Universités à Caen. Il a été coordinateur du groupe chargé de l’élaboration des projets de programmes d’enseignement moral et civique pour le Conseil supérieur des programmes : http://eduscol.education.fr/cid92403/l-emc-principes-et-objectifs.html#lien1
36Jean Baubérot, Les 7 laïcités françaises, Paris, Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme, coll. « interventions », 2015, 176 p.
37Je ne renvoie pas mes élèves vers mon blog, où je publie ces lettres.
Pour mieux comprendre la difficulté de votre tâche il faudrait nous dire si vos élèves sont très largement musulmans, particulièrement « issus de l’immigration ». C’est là que nous constatons le vrai problème : en France, il est condamnable de seulement constater l’identité socioethnoreligieuse des élèves… alors même que c’est cela le problème. Le plus édifiant est de savoir que face à un public non musulman (athée, chrétien, bouddhiste, etc.), la laïcité ne pose pas problème et qu’elle est même bien souvent souhaitée.
Je voudrais juste apporter une critique de vocabulaire concernant l’emploi de l’adjectif « falsifiable ». Certes, en sciences, par un transfert direct de l’anglais, il a le sens que vous lui donnez. Mais il n’empêche que ça me heurte. Je préfère et de loin, l’adjectif « réfutable », qui a le mérite d’être univoque et de viser clairement le champ de l’argumentation. Alors que falsifiable, dans son sens courant, qui déborde sur son sens scientifique ou didactique, évoque la disposition à pouvoir être falsifié, c’est-à-dire manipulé, détourné de son sens ou de son apparence ou de son rôle premiers. Ne parle-t-on pas de documents infalsifiables, pour évoquer l’obstacle qu’ils présentent au faussaire ?
Oui, peut-être avez-vous raison. J’hésite sur la bonne traduction de ce mot et il m’est arrivé aussi d’employer l’adjectif réfutable », que vous préconisez.