Le courrier de Timburbrou, le 14 mars 2026.
Les élèves de STMG de Timburbrou nous surprennent encore. Après leurs succès dans le domaine de la recherche, ils se sont lancés avec le même bonheur dans l’édition scientifique, tout en volant au secours des scientifiques trop enfermés dans leur savoir.
L’ennui, tel a été le point de départ de notre démarche, nous explique Omar Elkhadji, responsable du projet. Le jour où notre prof de maths nous a annoncé qu’au lieu de faire cours nous allions aller écouter un chercheur en informatique nous parler du Big Data, nous nous sommes tous écriés : Oh, non, madame, pitié; non, pas de conférence ! Le programme, madame, le programme, il faut qu’on avance avec le programme !
Ce que les élèves redoutaient par-dessus tout, c’était d’assister encore à une conférence à laquelle ils ne comprendraient pas grand-chose. Mais, ces élèves, nous les connaissons maintenant assez pour savoir que rien ne leur est plus étranger que la déploration stérile. Ils ont réfléchi, consulté et compris : les chercheurs étaient atteints de ce que Steven Pinker appelle, the curse ou knowledge1 -la malédiction du savoir-, une pathologie qui fait croire à celui qui en souffre que tout le monde en sait autant que lui sur son sujet de prédilection et l’empêche ainsi d’avoir des échanges normaux avec la plus grande partie de la population. C’est une sorte d’autisme induit par une trop grande et trop intense spécialisation professionnelle. Les élèves ont décidé d’aider les chercheurs, tout en s’aidant eux-mêmes. Et le résultat nous aide tous à mieux comprendre le monde et à accroître notre savoir.
Le traitement-type, nous explique Omar, dure une année scolaire. Le dispositif est très simple, mais efficace. Les chercheurs viennent chez nous, s’installent dans une salle confortable et essayent de nous expliquer de leur mieux ce qu’ils font. Les échanges sont enregistrés, puis travaillés par l’équipe thérapeutiquo-éditoriale sous la supervision de notre prof de français. Le chercheur reçoit l’enregistrement et les remarques de l’équipe et doit s’efforcer de faire plus clair la fois d’après. Pour la rédaction du livre proprement dit, une équipe naïve, comme nous disons, entre en jeu : le chercheur explique à nouveau son travail. La clarté tant louée de nos ouvrages, n’est pas une donnée immédiate ou spontanée, vous le voyez, mais le résultat d’un travail patient et long mené par nos équipes de thérapeutes-éditeurs et, bien entendu, du chercheur lui-même. Le maître-mot de notre démarche est la bienveillance : les chercheurs sont des gens sensibles que l’épuisement guette en permanence; il n’est pas question de les brusquer .
Simple, mais efficace, en effet : J’ai enfin réussi à expliquer à mon mari ce que je fais !, confirme, ravie, Drita, chercheuse en mathématiques. Maintenant, chaque soir, pendant qu’il prépare le repas, il m’assaille de questions sur ma journée au labo !
1 PINKER, S, 2014 The sense of style, New York : Viking Pinguin.