La réforme Blanquer a des défauts innombrables.
La réforme Blanquer est mise en place dans précipitation et sans concertation.
La cerise sur le gâteau, si on peut dire, c’est le changement exprès, arbitraire et illégal des modalités de notation du bac1.
Pourtant, je me demande si nous battre contre toutes ces réformes qu’on subit à intervalles réguliers doit être pour nous le premier des enjeux. C’est une question que je me pose…
- Parce que l’existant a déjà beaucoup de défauts qui perdurent, réforme ou pas réforme. Ne serait-ce que cet énorme défaut qui fait de notre école l’une des plus inégalitaires de l’OCDE, comme nous le rappelle, par exemple, Georges Felouzis dans cet article.
- Parce qu’attribuer à une réforme précise, aussi néfaste soit-elle, des inégalités systémiques qui caractérisent et singularisent notre école depuis qu’elle existe et qui n’ont de cesse de s’aggraver, Blanquer ou pas Blanquer, est une erreur qui nous place dans une situation passive où la lutte contre le très mauvais du jour n’est pas facile à distinguer de la défense du très mauvais d’hier;
- Parce qu’il ne faut pas se laisser dicter le calendrier et la nature de la lutte syndicale par le ministre du jour, bien heureux de se draper dans sa légitimité démocratique pour nous accuser de vouloir faire la loi à la place du Parlement;
- Parce qu’il n’y a pas une position unanime des enseignants sur ce que devrait être l’École. Chez nous, y compris à l’intérieur du plus puissant de nos syndicats, l’ultra-dominant SNES, il y a des gens qui sont partisans de l’élitisme antirépublicain et d’autres qui prennent au sérieux l’article premier du code de l’éducation. Chez nous, il y a des gens que cela ne dérange pas qu’une partie de l’enseignement soit payante (les voyages sont des actes d’enseignement payants) et d’autres, comme moi, que cela embête et qui ont cette exigence curieuse que le principe de gratuité de l’enseignement public soit respecté2. Or, pour qu’une grève soit efficace, elle doit être suivie massivement.
- Parce qu’au contraire, il y a un consensus sur la revendication d’une augmentation de nos salaires et d’une amélioration de nos conditions de travail;
- Parce que la revendication d’une École efficace et égalitariste3 doit s’intégrer dans les luttes des travailleurs et des classes populaires, ce qui ne peut pas être fait si nous nous nous enfermons dans les dialogues (de sourds) que nous entretenons, réforme après réforme, avec nos ministres successifs.
- Parce que, sans contradiction avec 6, l’École à venir doit être aussi l’objet d’un vaste consensus social qui intègre nos contributions, mais aussi sur celle d’autres acteurs, ce pour quoi la grève contre une réforme n’est pas pas a priori un outil pertinent.
- Parce qu’à tout mélanger, on perd sur la réforme sans rien gagner sur les salaires.
Je propose donc :
- Que la lutte syndicale porte prioritairement sur les salaires et les conditions de travail et que la grève soit employée à cette fin4 si nécessaire.
- Qu’en même temps, nous nous appliquions à rechercher des convergences avec tous ceux, acteurs sociaux et citoyens, qui veulent que le système scolaire français cesse d’être ce qu’il est pour évoluer vers un système égalitariste et efficace.
- Qu’ensuite, collectivement, nous cherchions les moyens de faire émerger une École qui soit en accord avec ce qu’elle proclame être et avec les missions que le code de l’Éducation nous confie.
1. J’ai écrit au ministre Blanquer à ce sujet par la voie hiérarchique : https://sebastiannowenstein.org/2019/07/09/lettre-au-ministre-blanquer-par-la-voie-hierarchique-au-sujet-du-baccalaureat-2019/
2J’ai écrit au ministre Blanquer par la voie hiérarchique pour lui demander de bien vouloir agir afin de mettre un terme à l’illégalité que constituent ces voyages payants : https://sebastiannowenstein.org/2018/11/10/les-voyages-scolaires-ne-peuvent-pas-etre-payants-lettre-au-ministre-blanquer/
3L’égalitarisme est une école de pensée qui donne la priorité à l’égalité de tous (Wikipédia)
4Avons-nous honte de revendiquer sur nos salaires ? J’en ai l’impression. Peut-être que cette honte peut être corrélée utilement avec le fait que les enseignants qui ont le plus de poids syndicalement sont des enseignants âgés dont le traitement, tout en étant faible, paraît moins bas que celui des jeunes collègues. Nous pourrions demander en premier lieu une amélioration pour les moins payés d’entre nous. En tout cas, nous devons aider fortement le ministre Blanquer à ne pas oublier ses promesses de revalorisation.