A Lille, le 1er décembre 2020
Madame la secrétaire d’État,
s/c du chef d’établissement
Enseignant dans le secondaire, je travaille sur la question de la déforestation.
Je m’interroge sur les poursuites judiciaires dont peuvent faire l’objet des importateurs de soja cultivé de façon illégale et sur la volonté de l’État de poursuivre ces actes.
Je voudrais pouvoir informer mes élèves de façon exacte sur le sujet.
Dans ce but, je me permets de vous transmettre quelques questions. Auriez-vous l’amabilité d’instruire vos services afin qu’il y soit répondu ?
Je fais précéder ces questions de quelques remarques et citations sur lesquelles elles se fondent.
Je publie ce courrier à l’adresse https://sebastiannowenstein.org/2020/11/29/deforestation-et-recel-questions-pour-la-secretaire-detat-b-abba/
Le code pénal, en son article 321-1 dispose :
Le recel est le fait de dissimuler, de détenir ou de transmettre une chose, ou de faire office d’intermédiaire afin de la transmettre, en sachant que cette chose provient d’un crime ou d’un délit.
Constitue également un recel le fait, en connaissance de cause, de bénéficier, par tout moyen, du produit d’un crime ou d’un délit.
La Cour de cassation écrit (La protection de l’environnement et la compétence du juge français) :
Les atteintes portées à l’environnement ignorant les frontières, le juge français est appelé à connaître, entre autres, des conséquences subies en France de faits commis à l’étranger.
L’article 40 du code de procédure pénale dispose :
Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs.
J’ai noté que le président Macron a déclaré que la France a une part de complicité dans la déforestation (franceinfo, 27/08/2019). Vous êtes, vous-même, consciente du problème, puisque vous œuvrez pour qu’il soit mis un terme à l’importation en France de produits agricoles contribuant à la déforestation (Le Monde, 19/11/2020). Le dossier de presse du Plan Climat du gouvernement remarque que les pays européens sont responsables de plus d’un tiers de la déforestation liée au commerce international de produits agricoles. (Source : Stratégie Nationale de Lutte contre la Déforestation importée, SNDI).
Je comprends que les Douanes possèdent des informations précises sur des entrées de ces produits en France et sur les entreprises qui les achètent (Disclose, 26/11/2020).
Je note également que dans le cadre de la plate-forme que vous mettez en place, certains fonctionnaires de votre ministère disposeront aussi de ces données. Je cite l’article de Disclose :
« Seul un nombre restreint de fonctionnaires du ministère de la Transition écologique y auront accès », précise encore le cabinet. Leur rôle : signaler aux entreprises concernées qu’elles importent du soja depuis des zones protégées.
Dans le même article, on lit aussi cette déclaration d’un membre de votre cabinet :
« Le soja dans le Cerrado, ce n’est pas un trou dans la raquette, c’est le Far West (…) Le soja rentre comme ça, sans aucun contrôle. »
Je remarque que dans le dossier de presse mentionné plus haut il n’est pas question d’actions répressives et que, par conséquent, le dispositif mis en place semble reposer sur la bonne volonté des acteurs et sur la présomption de leur bonne foi.
Au vu de ce qui précède, je voudrais vous poser les questions suivantes :
- Avez-vous porté à la connaissance du Procureur de la République l’existence d’importations de soja produit illégalement ?
- Si tel n’est pas le cas, pourquoi ne l’avez-vous pas fait ?
- Les fonctionnaires de votre ministère qui, dans le cadre de la plate-forme que vous mettez en place auront accès aux information sus-citées, porteront-ils à la connaissance du Procureur l’existence desdites importations ? Si tel n’est pas, ne craignez-vous pas que vos fonctionnaires méconnaissent l’article 40 du code de procédure pénale ?
- Il semble probable que certaines entreprises importent du soja produit illégalement en connaissance de cause. Ne craignez-vous pas qu’elles ne détruisent les preuves de leurs infractions en découvrant que l’État en est informé ? Ne faut-il pas au préalable de toute information en direction de ces entreprises que le Procureur de la République enquête sur l’existence ou non d’un recel dans leur chef ?
- Comment justifier l’absence de volet répressif dans la SNDI ? Présume-t-on que tous les acteurs qui contribuent à la déforestation importée le font par ignorance ? Peut-on penser raisonnablement que la bonne volonté supposée desdits acteurs permettra de progresser dans la résolution du problème ?
Dans l’attente de votre réponse, je vous prie d’agréer, madame le ministre, l’expression de mes salutations les meilleures.
S. Nowenstein, professeur agrégé.