La lutte de l’homme contre le pouvoir, c’est la lutte de la mémoire contre l’oubli.”
Milan Kundera, Le livre du rire et de l’oubli
Chères et chers collègues,
Je souhaite partager avec vous mes inquiétudes concernant la destruction d’archives à laquelle procède la France.
La France a détruit la messagerie de monsieur Gros, chef de cabinet du premier ministre Valls et celle de monsieur Blanquer, ministre de l’Éducation Nationale de 2017 à 2022. Elle détruit systématiquement celles des agents du ministère de l’Intérieur qui quittent le service.
Pourtant, l’article L214-3 du code du patrimoine punit d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende le fait, pour une personne détentrice d’archives publiques en raison de ses fonctions, de détourner ou soustraire tout ou partie de ces archives ou de les détruire sans accord préalable de l’administration des archives.
Deux courriers par lesquels j’ai saisi la Procureure de Paris (ici et ici) démontrent ce que j’affirme. Par la voie hiérarchique, j’ai porté à la connaissance de la première ministre Borne ces saisines (voir ici), ainsi que l’alerte que j’ai adressée à l’UNESCO (voir ici). Plus récemment, j’ai écrit, par la voie hiérarchique aussi, au président de la République (voir ici). Tout ceci s’est avéré, à ce jour, vain, ce qui ne m’empêchera pas, bientôt, de saisir la procureure une troisième fois, pour l’affaire Blanquer, en l’occurrence, pour laquelle je suis déjà devant le tribunal administratif et qui doit bientôt être jugé.
Le problème, en vérité, ne se limite pas à la France. Dans un ouvrage récent (The Declassification Engine: What History Reveals About America’s Top Secrets. Pantheon Books), le professeur Matthew Connelly donne des chiffres effrayants sur l’ampleur que prend la destruction d’archives aux États-Unis, un pays qui a une tradition de transparence peut-être unique au monde. Dans le huitième chapitre de son ouvrage, intitulé Deleting the archive: the ultimate secret, Matthew Connelly démontre à quel point perte massive d’archives signe la fin de l’histoire telle que nous la connaissons :
It is, in a very literal sense, the end of the history as we know it. «
Que faut-il désormais faire, chères et chers collègues ? Comment faire pour que cessent des actes qui obèrent notre capacité à connaître le passé et qui constituent une atteinte à l’État de droit, lequel requiert que l’État respecte les normes qu’il édicte ? Comment enseigner cette réalité ? Comment favoriser une délibération publique sur ce qu’elle implique ?
N’hésitez pas à m’écrire : sebastian-Andre.nowenstein@ac-lille.fr
Sebastian Nowensteinn, lycée Gaston Berger, Lille.