Lettre à monsieur Bellamy au sujet du dumping écologique espagnol que la Commission européenne tolère.

Monsieur le candidat,

Enseignant dans le secondaire, je travaille avec quelques collègues sur la question de la concurrence libre et non faussée.

Je me permets de vous écrire car je souhaiterais vous demander comment vos propositions trouveraient à s’appliquer dans un cas précis que nous étudions : celui des avantages indus dont bénéficient certains producteurs espagnols de fraises sur le marché européen en raison de l’inexécution par l’État espagnol de ses obligations environnementales.

Afin de ne pas alourdir inutilement ce courrier, je me permets, pour les détails de la problématique, de vous renvoyer aux courriers que j’ai transmis sur cette question madame Jégouzo, cheffe de la délégation de l’UE en France, à certains députés français de régions productrices de fraises et à des producteurs français de fruits rouges.

Je résumerai la question brièvement :

Des producteurs espagnols de fraises utilisent illégalement et gratuitement la ressource publique qu’est l’eau. De plus, nombre de ces producteurs exploitent des terres non-agricoles. Cette situation est connue de la Commission européenne, qui a assigné l’État espagnol devant la Cour européenne de justice pour le non-respect de ses obligations de protection des zones humides de la Réserve naturelle de Doñana1.

Au-delà de la gravité exceptionnelle de l’impact de cette situation sur la réserve de Doñana, la problématique de la sur-exploitation de ressources en eau de l’Espagne concerne l’ensemble du pays, ainsi que nous le rappelait en 2018 la Cour des comptes européenne2. Une estimation récente évoque le chiffre d’un million de puits illégaux dans le pays. Cette situation dure depuis des années.

Si, à l’évidence, la responsabilité première de cet état de fait incombe à l’État espagnol, on ne saurait ignorer que la non-exécution de ses obligations par ce dernier crée un avantage sélectif dans le chef de certains agriculteurs espagnols dont sont victimes les producteurs français ou européens, lesquels doivent faire face à une concurrence déloyale.

Dans ces conditions, j’aimerais savoir si, dans votre esprit, la proposition 31 de votre programme Pour la France : transformer l’Europe doit trouver à s’appliquer dans ce cas d’espèce : faut-il créer une barrière écologique pour protéger les producteurs français des avantages indus dont bénéficient leurs concurrents espagnols ?

De même, je voudrais savoir si la préférence française que vous réclamez dans votre proposition 36 doit trouver à s’appliquer ici.

Je note que votre proposition 46 défend l’idée de confier aux régions la gestion de tous les fonds européens du 2ème pilier de la PAC. Dans le cas qui nous occupe, la Junta de Andalucía semble avoir été tout sauf diligente. Ne craignez-vous pas que votre proposition n’aggrave le dumping écologique dont souffrent les producteurs français en donnant des pouvoirs supplémentaires à des régions intéressées plus par le développement de leurs exportations que par le respect de la législation environnementale ?

Vous réclamez, par votre proposition 50, que soit mis un terme au dumping social. Réclamez-vous aussi la fin du dumping écologique ?

Votre proposition 51 veut alléger les contrôles sur les producteurs européens qui respectent déjà les standards les plus élevés du monde. Ne craigniez-vous pas que les producteurs français soient handicapés par votre affirmation qui, dans le cas présent, est fausse ?

Je publie cette lettre à l’adresse https://sebastiannowenstein.org/2019/05/17/lettre-a-monsieur-bellamy-au-sujet-du-dumping-ecologique-espagnol-que-la-commission-europeenne-tolere/. J’interrogerai dans les jours qui viennent d’autres formations politiques3 au sujet de la problématique que je vous soumets. Le but de cette démarche est d’être en mesure de donner à voir à nos élèves les positions que les différentes formations politiques prennent sur un sujet qu’ils étudient.

Dans l’attente de votre réponse, je vous prie d’agréer, monsieur le candidat, l’expression de mes salutations les meilleures.

S. Nowenstein,

professeur agrégé.

1Voir http://europa.eu/rapid/press-release_IP-19-466_fr.htm

2Voir https://www.eca.europa.eu/Lists/ECADocuments/SR18_33/SR_DESERTIFICATION_FR.pdf

3Vous pouvez consulter ici la lettre que j’envoie à madame Loiseau. N’hésitez pas à vous saisir, si vous le souhaitez, des questions que je lui pose et que j’aurais pu vous pose à vous aussi. Vous pouvez faire de même, naturellement, avec les courriers à venir que j’adresserai à d’autres formations politique et que je publierai dans ce blog.