Mail envoyé le 12 06 2013.
Bonjour à tous,
On m’a fait remarquer hier que notre règlement intérieur interdit le port de tout couvre-chef. Ayant des doutes sur la légalité de cette disposition, j’ai fait quelques recherches qui confirment mon impression initiale : dans la décision que je joins à ce mail (annexe I), la cour administrative d’appel (CAA) de Nancy annule une telle interdiction contenue dans le règlement intérieur du lycée René Cassin de Strasbourg. La cour affirme en effet dans ses considérants :
que cette disposition institue une interdiction permanente, qui prohibe le port de tout couvre-chef, indépendamment du fait qu’il est susceptible de manifester ostensiblement une appartenance religieuse, en tout lieu de l’établissement, y compris à l’extérieur des bâtiments ; que l’institution d’une telle interdiction par le règlement intérieur de l’établissement, sous peine de sanctions disciplinaires ou de poursuites appropriées, excède, alors qu’il n’est pas établi que des circonstances particulières justifiaient une telle mesure, ce qui est nécessaire au maintien du bon ordre au sein de l’établissement et porte ainsi une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression reconnue aux élèves ainsi qu’à leur droit au respect de leur vie privée ;
Il reste que cette décision fait suite à une décision du Conseil d’État (annexe II) qui avait annulé lui-même un arrêt du 24 mai 2006 de la cour administrative d’appel de Nancy sans pour autant annuler l’exclusion de l’élève :
Considérant qu’aux termes de l’article L. 141-5-1 du code de l’éducation issu de la loi du 15 mars 2004 : « Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit. / Le règlement intérieur rappelle que la mise en œuvre d’une procédure disciplinaire est précédée d’un dialogue avec l’élève » ; qu’il résulte de ces dispositions que, si les élèves des écoles, collèges et lycées publics peuvent porter des signes religieux discrets, sont en revanche interdits, d’une part, les signes ou tenues, tels notamment un voile ou un foulard islamique, une kippa ou une grande croix, dont le port, par lui-même, manifeste ostensiblement une appartenance religieuse, d’autre part, ceux dont le port ne manifeste ostensiblement une appartenance religieuse qu’en raison du comportement de l’élève ;
Considérant que la cour administrative d’appel a souverainement constaté, sans dénaturation, que Mlle A qui, après avoir revêtu un foulard islamique, l’avait remplacé par d’autres couvre-chefs, a refusé de façon déterminée de les retirer malgré les demandes de l’administration ; qu’elle a pu, dès lors, déduire de ces constatations, sans méconnaître les dispositions précitées, que les conditions dans lesquelles ces coiffures étaient portées étaient de nature à faire regarder l’intéressée comme ayant manifesté ostensiblement son appartenance religieuse ;
Il faut conclure de ces décisions que toute sanction concernant le port d’un signe religieux doit être fondée sur la loi et ne pas se déguiser derrière une interdiction générale de telle ou telle tenue, qui serait considérée comme abusive par les tribunaux. On doit remarquer au demeurant le pouvoir d’appréciation très large qui est laissé au conseil de discipline : l’habit en question était un signe religieux ostentatoire parce que l’élève avait auparavant porté un foulard islamique. Mais on peut s’interroger sur le raisonnement que la cour aurait tenu en l’absence dudit comportement : un simple bandeau, c’est le cas qui a suscité la discussion d’hier, ne devrait pas constituer per se une manifestation ostentatoire d’appartenance religieuse. Il reste que le renvoi à une notion aussi vague que le comportement pour apprécier le sens à donner à un habit risque de créer plus de problèmes qu’il n’en résout…
Il me semble que le bon sens serait d’en rester à la sagesse du législateur sans chercher à se substituer à lui, ce qui revient, pour chaque cas, à chercher à savoir à peu près objectivement si l’habit en question permet ou non dans notre société de manifester ostensiblement une appartenance religieuse. On peut déplorer la lourdeur du dispositif par opposition à la simplicité de celui qui existe aujourd’hui, mais vouloir défendre la laïcité républicaine en violant la légalité républicaine me paraît une fort mauvaise idée.
A demain,
Sebastián