À Bruxelles, le 20 janvier 2023
Réf : https://sebastiannowenstein.org/2023/01/20/blanquer-a-assas-des-questions-au-professeur-carpentier/
Monsieur le Professeur,
J’ai lu avec intérêt votre fil au sujet de l’affectation de l’ancien ministre Blanquer au sein de l’université Paris-Assas. Je me permets de vous écrire car je me suis posé quelques questions en vous lisant et que j’aimerais vous les soumettre. Je vous écris dans le cadre du projet Retour sur l’information, que je m’efforce de mettre en place. Il s’agit de revenir sur une information après qu’elle a quitté l’actualité pour l’approfondir et pour examiner les suites qu’elle a eues. Enseignant dans le secondaire, j’estime que ce travail est de nature à aider les élèves à mieux comprendre la façon dont les nouvelles surgissent, se diffusent et disparaissent dans la scène médiatique de notre société. Il doit aussi favoriser un processus de délibération sereine qui se donne le temps d’enquêter, de réfléchir et de comprendre.
Je vous écris publiquement parce que je souhaite que d’autres prennent connaissance de ces interrogations et puissent, s’ils le souhaitent, exprimer leurs commentaires. Je cite ce courrier dans une lettre ouverte que je transmets aux enseignants de Paris II-Assas.
C’est avec plaisir que je publierai ici votre réponse, si vous estimez opportun de me la transmettre.
Vous écrivez :
2. Son dernier poste était, si je ne m’abuse à l’Université Paris 3. Pourquoi donc ne réintègre-t-il pas cette Université? Après tant d’années il est certain que le poste est gelé et que l’université ne dispose pas de la masse salariale nécessaire pour le lui restituer. »
Hypothèses écrit que, selon Olivier Compagnon, le poste a été transformé en ATER. Cette information modifie-t-elle vos commentaires ?
Vous écrivez :
Dans cette hypothèse, la tradition veut que l’ancien recteur ait le choix de l’Université.
Existe-t-il des publications qui documentent cette coutume ? Si oui, pourriez-vous m’en transmettre les références, je vous prie ?
Cette tradition serait-elle opposable en cas de recours contre la décision d’affectation de monsieur Blanquer ?
Cette tradition a-t-elle une base légale ou s’agit-il d’une violation répétée des voies légales d’affectation ?
Vous affirmez que, dans les facultés de droit, les recrutements sont marqués par un fort intuitu personae. Cependant, étant donnée la production scientifique pour ainsi dire inexistante de l’ancien ministre, ne peut-on pas penser que, quelle que soit la liberté laissée aux facultés de droit pour recruter en fonction de critères subjectifs, celle-ci n’aurait pas suffi pour écarter des candidats scientifiquement plus solides ?
Vous dites aussi que l’intérêt d’une intégration à Paris III suivie d’une demande de mutation pour intégrer Paris II aurait été limité. Pourquoi ? L’intérêt de ne pas créer une apparence d’arbitraire ou de passe-droit vous paraît-il négligeable ou limité ? Permettre à des candidats disposant d’un parcours scientifique reconnu de postuler au poste vous paraît-il sans intérêt ? N’y a-t-il une atteinte grave aux droits des éventuels candidats si on les a privés de la possibilité de postuler pour un poste auquel ils avaient toute légitimité à prétendre ? N’est-ce pas à ces derniers de décider s’ils postulent pour le poste en sachant que leurs chances sont maigres en raison de la forte composante d’intuitu personae qui marque les recrutements en faculté de droit ?
Vous semblez ensuite développer un raisonnement téléologique : si l’on veut que les recteurs soient pris parmi les universitaires, on doit accepter que leur retour à l’université soit facilité. Est-ce à dire pour autant qu’il faut accepter un régime problématique et exorbitant (je reprends vos mots) ? N’est-ce pas inadéquat, voir illégal, d’avoir recours à un tel régime, plutôt qu’à des dispositions claires et connues ? Favoriser le retour des recteurs à l’enseignement et à la recherche est-ce un bien si grand et si urgent à défendre qu’il faille s’en remettre à une démarche qui est une atteinte à l’État de droit ou qui en revêt l’apparence ?
Vous affirmez que monsieur Blanquer a les qualifications requises pour enseigner. Je crois que personne ne nie que monsieur Blanquer soit agrégé de droit. Mais la question que cette affaire pose est, me semble-t-il, différente : monsieur Blanquer est-il le plus compétent pour le poste qu’il occupe à Paris II ? , d’autres l’auraient-ils été davantage ? C’est cette question qui n’a pas été tranchée par les procédures habituelles. Estimez-vous qu’elle aurait dû l’être ou, au contraire, approuvez-vous la façon dont l’affectation de monsieur Blanquer a été mise en œuvre ?
Vous affirmez que le choix de devenir enseignant-chercheur honore monsieur Blanquer, qui aurait pu, au lieu de cela, aller se beurrer la biscotte dans le privé. Mais les deux choses sont-elles incompatibles ? Le 29 août 2022, la ministre Retailleau annonçait à monsieur Blanquer qu’elle avait décidé de l’affecter à Paris II. Le lendemain, LA HAUTE AUTORITE POUR LA TRANSPARENCE DE LA VIE PUBLIQUE rendait sa Délibération n° 2022-273 du 30 août 2022 relative au projet de reconversion professionnelle de Monsieur Jean-Michel Blanquer, qui encadrait les conditions dans lesquelles l’ancien ministre devrait exercer ses activités au sein du cabinet Earth Avocats, dont il envisageait d’acheter des parts de capital par le truchement de sa SARL. Est-ce qu’à votre estime cette activité se range dans la catégorie de celles qui permettent d’aller se beurrer la biscotte dans le privé ?
Bien cordialement,
S. Nowenstein,
professeur agrégé.
PS : J’ai demandé communication d’un certain nombre de documents concernant l’affectation de monsieur Blanquer à Paris II-Assas. Si vous le souhaitez, vous pouvez les documents qu’on m’a transmis ici :
https://sebastiannowenstein.org/wp-content/uploads/2023/01/Reponse-SBraconnier-M-NOWENSTEIN.pdf
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